Tandis que les roses de Notre-Dame de Paris restent en place et semblent préservées, le recensement de l’ensemble des vitraux anciens en France vient de se terminer, discrètement. Un véritable catéchisme en images.
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Le recensement des vitraux anciens, c’est-à-dire antérieurs à la Révolution, a commencé en 1972. Il vient de se terminer. La nouvelle ne fait pas la Une des médias et pourtant quelle histoire ! Certes, aucun résultat chiffré n’est valable, car un petit élément de verrière et un vitrail monumental sont comptabilisés de la même manière. On peut néanmoins avancer le chiffre de 5.000 verrières. La France possède autant de vitraux antérieurs à la Révolution que tous les autres pays du monde réunis.
“Le plus ancien vitrail in situ en France est l’Ascension de la cathédrale du Mans, vers 1120″, assure à Aleteia Michel Hérold, directeur du Comité français du Corpus Vitrearum, l’organisme international qui recense les vitraux anciens du monde entier. En participant à ce travail de recensement, il a acquis une solide expertise sur le sujet : “La répartition des vitraux anciens est très inégale en France. Les célèbres vitrages des cathédrales du XIIIe siècle de la région Centre, demeurés presque intacts, constituent des exceptions”, précise cet historien du vitrail. “La Picardie et le Nord-Pas-de-Calais ont subi de lourdes pertes au cours de la Première Guerre mondiale. Nombre de monuments parisiens ont perdu leurs décors, sacrifiés aux modes qui prévalaient au XVIIIe siècle.”
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Chercheur au centre André Chastel, le laboratoire de recherche français en Histoire de l’art, Michel Hérold poursuit : “La Bretagne, plus conservatrice et plus pauvre, n’a pu moderniser ses innombrables lieux de culte, mais la plupart de leurs vitraux sont devenus fragmentaires. La production alsacienne, exceptionnellement brillante à la fin du XVe siècle, s’est trouvée brusquement suspendue par l’implantation précoce de la Réforme. La Champagne (1.600 verrières) et la Haute-Normandie (1.400 verrières) restent aujourd’hui les régions les mieux dotées en vitraux anciens. L’Aube (1.160 verrières dont 1.042 datent du XVIe siècle) est le département français le plus riche en vitraux anciens. L’Auvergne ne compte que 135 verrières. Certains départements sont presque dépourvus d’œuvres, par exemple la Creuse, où deux monuments ont gardé des vitraux en place, ou encore la Haute-Loire. “Cet inventaire des vitraux de France est publié en onze volumes, les deux derniers à paraître en 2020 : Les vitraux de Poitou-Charentes et d’Aquitaine et Les vitraux du Midi de la France. Une partie des notices est déjà accessible en ligne sur les bases Palissy et Mémoire du Ministère de la Culture.
Corpus Vitrearum
La France a organisé une dépose tardive des vitraux pendant la Première Guerre mondiale, ce qui a provoqué d’irrémédiables pertes. Alors en 1939 on dépose alors tous les vitraux protégés au titre des Monuments historiques, soit 50.000 m2 de vitraux. Les vitraux de Lorraine vont passer la guerre dans un château à Saint-André-de-Cubzac, en Gironde. Ceux de Haute-Normandie seront entreposés dans le donjon de Niort. Évidemment, on les photographie ! L’idée de les recenser surgit au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, curieusement soutenue par d’anciens belligérants : l’Allemagne, l’Autriche, la France, la Belgique… En 1952, un Suisse, Hans Robert Hahnloser, fonde le Corpus Vitrearum, à Amsterdam. Dans cette association internationale pacifique et studieuse, chaque pays s’organise à sa façon.
La mémoire d’un catéchisme en images
En France, un Comité national réunit 25 chercheurs. Ils interviennent comme experts sur les grands chantiers, comme à la Sainte-Chapelle de Vincennes et bien entendu à Notre-Dame de Paris. Là, ils ont, par exemple, suivi la dépose rapide des baies hautes du XIXe siècle du chœur et de la nef pour permettre aux entreprises d’intervenir sur l’architecture dans de bonnes conditions. Mais, au quotidien, sur les petites routes, dans les églises non chauffées, ils ne sont que quatre permanents, payés par l’État, issus du Ministère de la Culture et du CNRS. Ce quatuor sympathique s’émeut toujours de trouvailles inattendues comme ces vitraux de la cathédrale de Milan dans un château breton.
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Ce recensement constitue un outil de travail indispensable pour les historiens de l’art, les professionnels du patrimoine. Il repose sur un travail bibliographique très approfondi, sur l’observation exhaustive des œuvres in situ ou en atelier. La mémoire de ce catéchisme en images constitue la première mesure de sauvegarde de ce patrimoine fragile qui participe à l’évangélisation de notre monde.