Depuis le 9 octobre, la Turquie mène une opération au sol contre les forces Kurdes dans le nord de la Syrie. Le président turc Recep Tayyip Erdogan veut à tout prix les empêcher de créer une région autonome et indépendante. Il refuse de négocier avec ce qu’il considère comme une “organisation terroriste”.
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“Vous n’avez jamais été sincères”, a lancé le président turc Recep Tayyip Erdogan aux Occidentaux, jeudi 10 octobre, au lendemain de l’opération menée par la Turquie contre les Kurdes au nord de la Syrie et quelques heures après l’injonction des pays occidentaux de stopper l’offensive dans le pays. “À présent, ils disent qu’ils vont bloquer trois milliards d’euros (promis à la Turquie dans le cadre de l’accord migratoire, ndlr). Avez-vous jamais respecté une promesse qui nous a été faite ? Non”.
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Affaibli dans son propre pays après sa débâcle aux élections municipales de mars 2019, le président turc voit se former depuis 2012 une entité Kurde dans le nord de la Syrie. “La Turquie est entrée dans une période de récession économique et il y a un fort sentiment d’exaspération face aux réfugiés”, analyse pour Aleteia Tancrède Josseran, attaché de recherche à l’Institut de Stratégie Comparée. Selon les données du Haut-commissariat aux réfugiés des Nations unies, plus de 3,6 millions de réfugiés syriens vivent actuellement en Turquie.
Face à cet afflux, Recep Tayyip Erdogan veut créer une zone tampon d’environ 30 kilomètres de large le long de la frontière syrienne. Il souhaite installer les réfugiés dans cette zone, à la place de la population kurde. Cela lui permettrait de créer un périmètre de sécurité face au Kurdistan syrien : “Erdogan vise les membres du PYD (Parti de l’union démocratique), la branche syrienne du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan). Il craint que les Kurdes de Syrie ne consolident leur autonomie et ne fassent leur jonction avec les Kurdes de Turquie pour former l’embryon d’un État kurde”, explique encore Tancrède Josseran.
Rééquilibrer le rapport de force
Profitant du retrait des Américains en Syrie, Recep Tayyip Erdogan est en train de rééquilibrer le rapport de force dans la région. “Ô Union européenne, reprenez-vous. Je le dis encore une fois, si vous essayez de présenter notre opération comme une invasion, nous ouvrirons les portes et vous enverrons 3,6 millions de migrants”, a-t-il déclaré jeudi 10 octobre, en réponse aux dirigeants de l’Union européenne qui ont condamné son offensive. Ce mercredi 16, il a exclu toute négociation avec les forces kurdes et exigé qu’elles déposent les armes : “Il n’y a rien de tel dans l’histoire de la République turque que de s’asseoir à une même table avec une organisation terroriste”.
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En reprenant des bastions au Kurdistan syrien, Recep Tayyip Erdogan met également la main sur des milliers de terroristes de Daech, aujourd’hui emprisonnés par les Kurdes. Là aussi, il menace de les remettre aux États européens. D’après Tancrède Josseran, “si les Kurdes ne bénéficient plus de l’appui des Américains, les turques vont continuer d’avancer en Syrie sans trop de difficultés”. De son côté, Donald Trump a affirmé que “les États-Unis ne soutiennent pas cette attaque”. Il n’envisage pas pour autant revenir sur sa décision de retrait des troupes. Pour l’instant, cela profite à la Turquie. Avant peut-être de faire les affaires de la Russie et du régime syrien.