Le synode sur l’Amazonie attire notre attention sur cette lointaine région du monde, christianisée au XVIIe siècle par les jésuites. Pour annoncer Jésus-Christ aux Indiens Guaranis, les fils de saint Ignace commencèrent par inventer des communautés de vie originales : les « réductions ».
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L’action héroïque des pères jésuites en Amazonie est à l’origine d’une invention missionnaire originale : la constitution de communautés de vie économiques et sociales conçues pour protéger les Guaranis de leurs pratiques mortifères mais aussi de la rapacité des colons. Fondée en 1540, la Compagnie de Jésus s’implanta rapidement au Paraguay. En 1603, le synode d’Asunción, réuni à l’initiative d’un cousin d’Ignace de Loyola, décida l’envoi de jésuites au Guaira, pays des Guaranis. L’autorité civile soutînt cette initiative en protégeant les communautés formées par les jésuites. L’aventure des réductions jésuites dura plus d’un siècle, entre 1610 et 1767. En tout, 48 réductions furent fondées sur un territoire d’environ 350.000 kilomètres carrés partagé aujourd’hui entre l’Argentine, le Paraguay et le Brésil. Ces réductions abritèrent en tout environ 200.000 Indiens. Un peu plus de 200 jésuites furent impliqués dans cette action et 30 d’entre eux donnèrent leur vie pour l’évangélisation de cette contrée.
Priorité à l’acculturation
Les Guaranis étaient à l’origine une population semi-nomades vivant surtout de chasse, de pêche et de cueillette. Ils pratiquaient aussi une agriculture itinérante, sommaire, car ils ne disposaient que d’instruments aratoires en bois. Vivant par petits groupes d’une vingtaine de familles, ils étaient polygames et pratiquaient l’anthropophagie, appliquée surtout aux prisonniers de guerre. Comprenant qu’une certaine acculturation était nécessaire pour toucher le cœur des Indiens, les jésuites commencèrent tout d’abord par apprendre leur langue, établissant une grammaire et un lexique afin de faciliter cet apprentissage. Tout jésuite envoyé sur place devait obligatoirement apprendre la langue guaranie. Les missionnaires apportèrent en outre un inestimable présent : les outils en fer qui bouleversèrent la productivité agricole en augmentant considérablement les capacités de rendement.
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Réveil au son de la cloche
Progressivement, se forgea le projet de réunir les Indiens Guaranis en communauté, afin de faciliter leur christianisation, mais aussi pour améliorer leur condition de vie, et les protéger des colons trop cupides. À l’origine, ces communautés ne portaient pas le nom quelque peu étrange de réductions, mais celui de paroisses ou encore villages. Le terme de missions semble aujourd’hui bien approprié. La réduction était un foyer de conversion et de sociabilisation : tout en conservant beaucoup de traditions autochtones, les Guaranis vivaient désormais une vie commune, sédentaire, ordonnée par la raison et éclairée par la foi catholique. Les réductions avaient des tailles variables, on pouvait y compter de 2.000 à 8.000 personnes.
La vie quotidienne au sein de ces communautés chrétiennes est bien connue grâce à la correspondance des pères jésuites. Elle s’inspirait largement de la vie monastique : réveil au son de la cloche, assistance à la messe, suivie d’un repas de bouillie de maïs. Après ce petit déjeuner, les cultivateurs requis partaient pour les champs collectifs pendant que les artisans rejoignaient leur atelier. L’école était obligatoire pour les enfants à partir de 7 ans. Le déjeuner se prenait vers 11h ; le temps de l’après-midi, jusqu’à 17h, était consacré à la mise en valeur du lopin de terre familial. Le tout rythmé par des prières quotidiennes. Avec un mode de fonctionnement mutualiste, la mission prenait en charge les personnes âgées et les malades. Les Indiens Guaranis manifestèrent rapidement une grande piété, et les cérémonies organisées lors des grandes fêtes religieuses étaient particulièrement belles, mêlant avec succès les éléments de la culture guaranie et l’apport baroque des jésuites.
L’extrême pauvreté des missionnaires
Les grandioses ensembles urbains que l’on peut encore admirer aujourd’hui ne doivent pas nous induire en erreur : les missions se sont forgées dans les difficultés et les souffrances ; les missionnaires ont la plupart du temps vécu dans une extrême pauvreté. Laissons le R.P. Paucke nous décrire le village de Saint-François-Xavier qu’il visita vers 1650 : « Les huttes de paille des Indiens, hautes tout au plus de deux mètres cinquante, sont séparées par une gadoue puante, les vaches s’y promènent en liberté et les Indiens y jettent les restes des bêtes abattues. L’église et les habitations des pères sont faites de cuir frais et paraissent des tentes de gitans. L’église a cependant un toit de paille ; deux petites cloches ont été pendues à une potence dressée tout près. L’autel est fait de briques de fange séchée au soleil ; il est orné d’un crucifix et de deux cornes de bœuf remplies de sable afin de pouvoir y ficher des chandelles. »
Le salut des âmes
En Amazonie, comme ailleurs, les jésuites missionnaires ne se sont pas contentés d’une pastorale de visite, leur présence n’était pas temporaire mais bien définitive. Ils se sont entièrement voués aux Indiens Guaranis, se préoccupant de leur salut intégral. En effet, ils ont commencé par soutenir leurs besoins vitaux avec le développement de l’agriculture et l’organisation sociale communautaire. Ils ont de plus cherché à préserver plusieurs éléments de la culture autochtone, et ont défendus les droits des Indiens contre certains colons avides de main-d’œuvre. Malgré les difficultés, les pères jésuites ne délaissèrent pas l’objet premier de leur mission : la conversion des âmes et des cœurs. Ils savaient que l’essentiel n’était pas de maintenir les modes de vie, mais de les orienter vers la pratique de la foi catholique. Car plus que tout, les jésuites se préoccupèrent des âmes des Guaranis, et mirent tout en œuvre pour leur faire connaître et aimer Dieu, Créateur et Père de tous les hommes.
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