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Chirac, un souverain sympathique qui avait renoncé à gouverner ?

JACQUES CHIRAC
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Guillaume de Prémare - publié le 02/10/19
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Élu chef de l’État sur le thème de la fracture sociale, le maire de Paris a su mettre en cohérence son empathie naturelle avec les attentes de nombreux Français. Mais il a échoué à gouverner en affranchissant la technocratie de la tutelle des marchés.

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En 1995, l’accession de Jacques Chirac à l’Élysée ne tombe pas sous le coup de l’évidence. Échaudé par le piège de la première cohabitation, battu par François Mitterrand à l’élection présidentielle de 1988, le maire de Paris a laissé Matignon en 1993 à son « ami de 30 ans » Édouard Balladur pour la seconde cohabitation. Sérieux et gestionnaire sur son bureau de marbre, le grand bourgeois doit préparer le terrain à son bouillant mentor pour la présidentielle de 1995. Las ! Balladur se découvre des ambitions présidentielles. La machine médiatique s’emballe et le Premier ministre caracole en tête des sondages à quelques mois du premier tour. Chirac est au fond du trou. Il ne lui reste alors que quelques fidèles.

La perche sociale

Parmi ces fidèles, Philippe Séguin, qui a bataillé trois ans plus tôt contre le traité de Maastricht, adopté de peu par référendum en 1992. Bien sûr, Séguin ne peut être balladurien. Gaulliste social, il voit en Balladur un libéral, autant dire un adversaire politique. Homme de conviction, Séguin contribue alors à sortir Chirac de son trou en le convainquant de faire campagne sur le thème de la « fracture sociale ». Homme de conviction élastique, Chirac saisit la perche.


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Après tout, renouer avec le gaullisme social n’a rien d’infamant pour le fondateur d’un parti affiché comme gaulliste. Ensuite, il sait que pour inverser la tendance face à Balladur, il lui faut un espace politique, une différenciation. Balladur est libéral, il sera social. Son talent personnel de bête de campagne fait le reste, il est élu président au nez et à la barbe de son ancien ami.

Le décrochage des classes moyennes

Cette histoire de la campagne de 1995 est décisive pour comprendre le tournant des années 1990, qui éclaire la situation d’aujourd’hui. En cette année 1995, un intellectuel émerge : le démographe et historien Emmanuel Todd. Il publie, sous l’égide de la Fondation Saint-Simon, un travail remarquable intitulé Aux origines du malaise politique français. L’intellectuel y analyse le décrochage des classes moyennes et populaires par rapport aux élites dans le contexte de la mondialisation et de la financiarisation galopantes. Il décrit la fracture qui est en train de se produire et annonce le début d’une ère post-démocratique. De fait, nous sommes dans les années qui voient les intérêts marchands et financiers prendre le pas sur le politique.



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C’est alors le début d’un processus dont nous connaissons aujourd’hui le résultat : la fracture sociogéographique s’est creusée peu à peu et la crise des Gilets jaunes manifeste sa gravité exceptionnelle, 25 ans plus tard. Des visionnaires comme Séguin et Todd avaient compris cela et avertissaient de ce qui risquait de se produire ; et qui s’est en effet produit…

L’option technocratique

En 1995, Jacques Chirac sait donc tout cela, puisqu’il en fait son miel pendant la campagne, grâce à Philippe Séguin. Mais une fois élu, ce n’est pas Séguin qu’il nomme à Matignon, c’est Alain Juppé. Il choisit alors en toute connaissance de cause l’option technocratique qui consiste à administrer au plan politique la prise de pouvoir par la finance, à faire de l’État le fonctionnaire des pouvoirs économiques.

D’une certaine manière, Chirac a abdiqué sa souveraineté politique — et celle de son pays — dès le premier jour où il fut roi. Et c’est probablement pour cela qu’il nous apparaît encore aujourd’hui pour ce qu’il fut pendant douze ans : un roi sympathique et non un souverain.

Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance.



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