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PMA : le bal des tricheurs

ASSEMBLEE NATIONALE FRANCE

Assemblée nationale.

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René Poujol - published on 23/09/19
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Une démocratie est bien malade lorsque des citoyens en viennent à se retirer d’un jeu truqué !C’est donc ce mardi 24 septembre que s’ouvre à l’Assemblée nationale le débat parlementaire sur l‘élargissement de la PMA à toutes les femmes1. Dernière étape d’un processus engagé depuis des années et qui, n’en doutons pas, se conclura par l’adoption du projet de loi. J’ai beaucoup écrit sur le sujet. Je voudrais dire dans ce billet pourquoi le citoyen, en moi, se refuse aujourd’hui à aller plus loin dans ce débat et cautionner ainsi ce qui lui apparaît être : le bal des tricheurs.

Un consensus populaire qui n’est qu’un consensus médiatique

Tricheurs les médias qui, dans leur majorité, ont depuis toujours pris fait et cause pour ces réformes sociétales au nom d’une idéologie libérale-libertaire devenue le politiquement correct de notre pays. Ce qui leur permet d’enfermer ceux qui interrogent ces dérives vers un eugénisme soft généralisé, dans un statut d’homophobes livrables à la vindicte publique. Tricheurs lorsqu’après avoir formaté l’opinion ils s’autojustifient de trouver dans les sondages l’écho de leurs propres options. Ce qui illustre à merveille l’analyse du philosophe André Comte Sponville : « À force de ne connaître le peuple que par les médias on finit par prendre les médias pour le peuple. Et on a le sentiment parfois d’un consensus populaire, là où il n’y a, en vérité, qu’un consensus médiatique. »2



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Tricheur le Comité consultatif national d’éthique qui dans ses différents rapports analyse avec une extrême justesse les dérives possibles, les inconnues, les contradictions, les remises en cause de principes essentiels de notre droit portées par un tel projet avant de conclure à sa possibilité « puisque l’opinion semble lui être favorable ». Tricheur lorsque l’exigence d’un regard éthique au service du bien commun se transforme en simple cautionnement des évolutions spontanées de nos sociétés.

Un débat apaisé ou un débat truqué ?

Tricheur le gouvernement lorsqu’il prétend concrétiser un engagement électoral du président de la République qui ne figure dans aucune des 100 propositions du document officiel adressé aux Français, mais seulement dans des propos de campagne. Tricheur lorsqu’il justifie le dépôt d’un projet de loi par les résultats d’États Généraux qui ont surtout mis en évidence l’extrême division des Français sur la question.


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Tricheur le Parlement, à travers ses missions et commissions, qui multiplie les auditions des uns et des autres en donnant clairement le sentiment de n’avoir de toute manière aucune intention d’en tenir compte. Tricheur lorsqu’il pérennise de fait la « jurisprudence Urvoas », du nom du Président de la commission parlementaire constituée sur le projet de loi Taubira, déclarant à l’époque : « Si les adversaires du projet viennent en pensant qu’avec la force de leurs arguments ils peuvent nous faire changer d’avis, ils font fausse route. »

Tricheur à sa manière le président de la République lui-même si demain, fermant les yeux sur toutes ces tricheries, il devait se réjouir d’un « débat apaisé » là où il n’y aurait eu, en réalité qu’un débat truqué.

Le droit de se contredire et le droit de s’en aller

Je suis — à ce jour encore — républicain, démocrate et ardent défenseur de la laïcité. À aucun moment, dans le propos qui précède, je n’ai cherché à faire prévaloir de quelconques convictions religieuses personnelles. Je m’en suis tenu à dénoncer l’écart entre les principes démocratiques qui régissent notre vie commune et l’usage détourné qui en est fait. On m’accusera de ne pas accepter les règles du jeu, de contester par avance le verdict de la représentation nationale dès lors qu’il serait contraire à mes vœux.



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Mais en quoi un citoyen honnête serait-il tenu de valider un jeu parlementaire truqué en faisant mine de participer à un débat public désormais sans enjeu ? Je préfère me retirer ! Contradiction ? Peut-être ! Dans sa préface aux Histoires extraordinaires d’Edgar Poë qu’il avait traduites, Baudelaire écrivait : « Parmi l’énumération nombreuse des droits de l’homme que la sagesse du XIXe siècle recommence si souvent et si complaisamment, deux assez importants ont été oubliés, qui sont le droit de se contredire et le droit de s’en aller. » Au terme de ce billet je revendique simplement l’un et l’autre.

Le vrai combat : lutter contre l’artificialisation de la procréation

Je ne descendrai pas dans la rue le 6 octobre. Parce que les médias ne retiendront de cette manifestation que l’image d’une Église catholique homophobe et réactionnaire. Or, comme l’indique avec courage et lucidité, le texte publié le 17 septembre par les animateurs de la revue d’écologie intégrale Limite (pour l’essentiel d’anciens jeunes opposants à la loi Taubira précisément descendus dans la rue en 2013) : « Nous voulons d’abord réaffirmer que nos critiques sur la FIV, la PMA avec tiers donneur et la GPA ne sont pas des attaques contre les couples homosexuels, les couples hétérosexuels stériles, ou les femmes célibataires, mais bien contre le recours à ces techniques de manière générale. Notre conviction est simple : l’artificialisation de la procréation pose plus de problèmes qu’elle n’en résout. Elle se traduit par une aliénation accrue à des techniques et à des marchés qui exploitent cyniquement les souffrances bien compréhensibles liées au désir d’enfant. »


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Là est le vrai combat, essentiel, décisif pour l’avenir de notre humanité. Il ne se jouera dans les jours à venir ni dans la rue, ni hélas à la tribune de l’Assemblée mais dans un long travail de conscientisation de l’opinion. Il est heureux que des citoyens libres de ce pays l’aient compris et veuillent s’y engager, là où les médias, le CCNE, le gouvernement, le parlement et jusqu’au chef de l’État veulent s’en tenir à la « juste reconnaissance » par la loi d’une revendication, jugée légitime, d’égalité des droits.


[1] Le projet de loi ne porte que sur les femmes vivant en couple homosexuel et les femmes seules. Mais on voit mal comment on pourrait demain refuser ce droit aux femmes vivant en couple hétérosexuel et qui, pour des raisons de convenance personnelle, souhaiteraient également y accéder. Ne serait-ce que pour bénéficier de l’accès au tri pré-implantatoire, donc à une forme d’eugénisme soft.

[2] André Comte Sponville, La sagesse des modernes (avec Luc Ferry), Robert Laffont, 1998, p. 447

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