Alors que l’examen du projet de loi bioéthique démarre ce mardi 24 septembre à l’Assemblée nationale, les discussions sur le texte s’annoncent loin d’être consensuelles.
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« C’est le texte de tous les dangers », a souligné Emmanuel Macron le 16 septembre dernier devant les parlementaires de la majorité. « Mais il a été très bien préparé » assure-t-il également. Le texte de loi bioéthique qui arrive en discussion à l’Assemblée nationale ce mardi contient 32 articles et quelque 2.500 amendements. S’il est officiellement le fruit d’un long processus qui a démarré en janvier dernier avec les États généraux de la bioéthique, de nombreuses inconnues demeurent. À l’issue de ces rencontres, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a remis un rapport au gouvernement qui ne reflète pas nécessairement la tenue des débats. Gouvernement qui a lui-même présenté un projet de loi en juillet suffisamment évasif pour laisser libre cours aux parlementaires pour l’amender. Ce qu’ils n’ont pas manqué de faire. Une commission spéciale chargée d’examiner le texte s’est réunie fin août et a mené pendant près de deux semaines plus de 50 heures d’auditions d’experts, d’associations, des représentants du culte… Cette même commission s’est ensuite réunie pour examiner le texte et des milliers d’amendements déposés aussi bien par l’opposition que la majorité.
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Élément le plus discuté du texte, l’article 1 qui dispose de l’élargissement de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de femmes et aux femmes seules. Hautement symbolique, il s’agit d’une promesse que le candidat à la présidentielle Emmanuel Macron a formulé au cours de sa campagne et qui se traduit aujourd’hui en projet de loi à haute valeur sociétale. L’article 1, dans sa rédaction actuelle, propose de supprimer la condition d’infertilité nécessaire au recours à la PMA en France. En parallèle, la prise en charge de la PMA par l’Assurance maladie à toutes les femmes qui y auront recours est maintenue. Il ne contient en revanche pas l’autorisation de la PMA post-mortem, c’est-à-dire en cas de décès de l’un des membres du couple, retoquée de justesse en commission. Cette disposition défendue par plusieurs membres de la majorité fera néanmoins son retour lors des discussions à l’Assemblée. De même pour l’ouverture de la PMA aux hommes transgenres, un amendement défendu par la gauche.
De cet article découle de facto la mise en place d’une nouvelle filiation : le gouvernement a annoncé le 9 septembre la création d’un nouveau dispositif consistant à créer une reconnaissance anticipée de maternité pour les couples de femmes. Autre conséquence de cet élargissement : l’accès aux origines. En l’état, le texte permet qu’à l’âge de 18 ans les enfants nés d’un don puissent avoir accès à des informations “non-identifiantes” (âge, caractéristiques physiques…) de leur donneur. En d’autres termes, s’il sera toujours impossible de choisir son donneur ou d’indiquer à qui on veut donner, pour donner son sperme, un homme devra obligatoirement accepter que son identité puisse être révélée à l’enfant né de ce don.
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L’autoconservation des gamètes fait également partie du texte de loi soumis à l’examen des députés. Hommes et femmes pourront faire conserver leurs gamètes dans les centres de PMA, pour un usage ultérieur. Des conditions d’âge limite pour procéder à cette conservation sont néanmoins posées “afin d’éviter de créer un effet incitatif”. « L’évolution de la société, la durée des études, l’inscription dans la vie active, la vie amoureuse, font que les femmes ont tendance à avoir des enfants de plus en plus tardivement et donc s’exposent à un risque d’infertilité », s’est ainsi justifiée Agnès Buzyn. En commission, contre l’avis du gouvernement les députés ont autorisé les établissements de santé privés à but lucratif à conserver ces gamètes en vue d’une PMA. Après un vif débat ils ont néanmoins précisé que les frais de conservation des gamètes ne pourront être pris en charge par l’employeur.
Différence de régime entre les cellules-souches embryonnaires et l’embryon
Jusqu’à présent les conditions à remplir pour effectuer des recherches sur l’embryon et les cellules-souches embryonnaires (issues de l’embryon, elles peuvent remplacer tous les tissus de l’organisme et peuvent être multipliées à l’infini, ndlr.), très strictes, étaient sensiblement les mêmes. Le projet de loi vise à faire évoluer le cadre notamment pour les cellules-souches embryonnaires qui posent, pour les rédacteurs du texte, moins de problème éthique. Le projet de loi sépare donc désormais les régimes juridiques qui régissent ces deux types de recherche. Au lieu de faire une demande d’autorisation auprès de l’agence de biomédecine, les médecins et chercheurs entreprenant des recherches sur les cellules-souches embryonnaires n’auront cas envoyer leur protocole à l’agence de biomédecine.
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Autre point : le test génétique. Si le médecin ne peut le réaliser que dans un but défini à l’avance, en cas de découverte fortuite d’éventuelles anomalies génétiques autres, il peut désormais le dire au patient. Malgré de longs débats en commission, qui devrait également avoir lieu lors des débats à l’Assemblée, les tests ADN en accès directs, diagnostics préimplantatoires, dépistage préconceptionnel ou néonatal demeurent interdits. Agnès Buzyn avait rappelé ces interdits pour éviter un « glissement vers l’eugénisme ».
Technique et éthique
Quel équilibre trouver entre ce qui est techniquement possible et ce qui est éthiquement souhaitable ? Quelle place accorde-t-on aux plus fragiles, aux plus petits ? Jusqu’où la liberté et le désir individuel peut-il s’exprimer ? « La conception délibérée d’un enfant privé de père constitue une rupture anthropologique majeure qui n’est pas sans risques pour le développement psychologique et l’épanouissement de l’enfant », a ainsi affirmé un rapport publié ce samedi 21 septembre dans un rapport publié ce samedi 21 septembre. « Désormais, science et marché donnent le rythme et l’éthique n’est admise que pour valider cette course », ont de leur côté dénoncé douze hauts fonctionnaires et universitaires chrétiens dans une tribune publiée par La Croix. « Nous nous trompions en pensant que l’adage “science sans conscience n’est que ruine de l’âme” avait été inscrit dans les mémoires de tous les lycéens. Nous étions naïfs en pensant que quelque leçon avait été tirée des errements scientistes et technicistes du XXe siècle, eugénisme nazi ou lyssenkisme soviétique. Nous qui avions la certitude qu’en ces temps de plaidoyer pour l’écologie apparaîtrait le contresens de vouloir trafiquer l’homme sans prudence, nous en sommes pour nos frais. »
“L’Église […] est aussi appelée à témoigner en faveur de la dignité de toute personne humaine et de la véritable fraternité.”
L’Église catholique a également fait entendre sa voix à plusieurs reprises tout au long des débats et de manière plus approfondie le 16 septembre dernier lors d’une soirée au Collège des Bernardins durant laquelle elle a présenté sa position sur les différents sujets de bioéthique. À l’issue de cette rencontre, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), a apporté son soutien aux « citoyens inquiets » souhaitant manifester le 6 octobre à Paris. Ce jour-là, une vingtaine d’associations (Alliance VITA, les AFC, La Manif pour tous…), regroupées sous le nom « Marchons enfants ! » défileront dans les rues de Paris. “La mission essentielle de l’Église est de vivre et d’annoncer l’Évangile”, détaille ainsi l’évêque de Nanterre, Mgr Matthieu Rougé. “Mais, dans cette lumière, elle est aussi appelée à témoigner en faveur de la dignité de toute personne humaine et de la véritable fraternité. L’engagement de l’Église dans la cité est à la fois éthique et social : alors que la médecine d’urgence et de proximité est en crise, alors que les plus pauvres sont souvent privés de certains soins, donner la priorité financière aux transgressions éthiques est encore plus choquant”.
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