À l’occasion de l’exposition « L’Âge d’or de la peinture anglaise » qui vient d’ouvrir au musée du Luxembourg à Paris, une œuvre signée William Turner aborde le thème biblique de La destruction de Sodome. En un tableau imposant, le peintre développe le thème biblique de la destruction de la ville qui a bravé les règles divines en ne laissant survivre que Loth et ses filles. Par cette vision apocalyptique, Turner traduit également les profondes secousses que connaît son pays en guerre avec la France avec des conséquences sociales désastreuses pour les plus démunis.
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Le Palais du Luxembourg à Paris propose de découvrir les chefs-d’œuvre de la peinture anglaise de la Tate Britain de la fin du XVIIIe aux premières décennies du siècle suivant. L’exposition offre ainsi un éventail représentatif couvrant une période riche et fertile d’artistes au nom prestigieux tel Reynolds, Gainsborough, Turner mais aussi moins connus comme John Hopper, William Beechey ou encore Thomas Lawrence. Parallèlement à l’art du portrait avec ses deux maîtres incontestés que sont Reynolds et Gainsborough, l’exposition présente une œuvre majeure et singulière de William Turner intitulée la Destruction de Sodome, et sur laquelle il importe de se pencher de plus près.
La destruction de Sodome relatée par la Bible
L’impressionnante toile peinte par Joseph Mallord William Turner relate le fameux épisode biblique de la destruction de Sodome. Un livre entier de la Genèse est consacré à ce terrible récit qui, à sa seule évocation, fait frémir tant la colère divine est grande. C’est, en effet, une colère dévastatrice qui s’abat sur celles et ceux ayant refusé d’écouter Dieu. Le livre 19 rappelle que Loth se sépara de son oncle Abraham pour aller vivre dans la ville de Sodome, une ville riche où vices et perversions prospéraient au point de se voir condamnée par Dieu malgré les demandes répétées d’intercession d’Abraham.
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Deux anges se rendent dans la ville et avertissent Loth : « Elle est grande à la face du Seigneur, la clameur qui s’est élevée contre ses habitants, et le Seigneur nous a envoyés pour détruire ce lieu. » Seuls Loth et les siens seront épargnés à l’exception de sa femme qui avait bravé l’interdiction de se retourner pendant le cataclysme et fut transformée en statue de sel : « le Seigneur fit tomber du ciel sur Sodome et Gomorrhe une pluie de soufre et de feu venant du Seigneur. Dieu détruisit ces villes et toute la région, avec tous leurs habitants et la végétation ». Jésus reprendra cet exemple de la destruction de Sodome et de Gomorrhe pour avertir que ceux refusant d’accueillir le message évangélique seront traités de pire manière… Un récit biblique fort, donc, qui inspira à Turner une toile majeure de taille (146 x 237.5 cm), aussi imposante que la colère de Dieu.
Un thème développé par Turner
William Turner a manifestement été saisi par cette puissante évocation de la destruction de Sodome, au point de n’en retenir que les instants immédiats et tragiques suivant la destruction avec ces scènes de chaos et de dévastation. Il n’y a pas d’éclairs, mais en un camaïeu de brun partiellement éclairé de quelques rares traits de lumière, ce n’est qu’amoncellements de ruines et de corps sans vie que représente le peintre anglais. Seuls Loth et ses filles sont visibles en bas à droite de la toile, fuyant ces lieux de désolation et l’œil peut distinguer le corps inerte de la femme de Loth qui se métamorphose en colonne de sel… Plus que le fantastique des éclairs et de la foudre, Turner a retenu comme ambiance de sa toile la destruction achevée, où seuls les ruines et les décombres occupent l’espace. Turner aimait cette toile, il l’exposera malgré sa très grande taille dans sa propre galerie probablement en 1805. Cette œuvre impressionnante et majeure sera transmise lors du legs Tuner en 1886 aux collections nationales et se trouve de nos jours (lorsqu’elle ne voyage pas à Paris) à la Tate Britain à Londres.
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Une vision apocalyptique de l’Europe
Cette vision apocalyptique s’inscrit dans le contexte de l’époque vécue par le peintre, l’Angleterre est en guerre avec la France en 1805 depuis dix ans et les velléités d’hégémonie de Napoléon sur l’Europe n’ont pu qu’accroitre les inquiétudes du peintre. C’est la peur de la destruction de la civilisation qui est ainsi évoquée sur cette toile, une évocation qui doit beaucoup au peintre Nicolas Poussin que Turner venait d’étudier au Louvre lors d’un précédent voyage. Mais le génie du peintre anglais sera de se démarquer de son modèle français en rompant avec l’équilibre et la symétrie de son aîné, pour introduire une asymétrie chaotique grandiose et tragique faisant parfaitement écho au texte biblique.
L’âge d’or de la peinture anglaise de Reynolds à Turner Musée du Luxembourg Paris jusqu’au 16 février 2020. Commissariat Marin Myrone, conservateur en chef de la Tate Britain et Cécile Maisonneuve. Scénographie Jean-Paul Camargo