Notre culture et notre langue française sont fortement influencées par nos racines chrétiennes. Découvrez ces expressions que nous utilisons souvent sans soupçonner qu’elles puisent leur origine dans la tradition religieuse. Aujourd’hui : “réduire à la portion congrue”.
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Congru… Voilà un adjectif rarement employé dans le langage courant mais que l’on rencontre dans certaines expressions bien précises. Ainsi, en mathématiques, il sert à caractériser des triangles qui peuvent coïncider ou des nombres dont la différence est divisible par un troisième, tandis qu’en théologie, il qualifie une grâce proportionnée à la personne qui la reçoit et à l’effet qu’elle doit produire. Accolé au nom portion, il désigne une quantité minime (argent, nourriture …), une toute petite part, à peine suffisante.
Ce dernier sens a de quoi surprendre quand on sait que congru, du latin congruus, signifie qui convient exactement. L’origine de cette expression remonte à l’Ancien Régime. À l’époque, les curés et vicaires des paroisses, membres du bas-clergé, reçoivent différents types de revenus : ce sont des revenus occasionnels ou « extraordinaires » dits casuels, par exemple pour célébrer les baptêmes ou les enterrements, une partie des offrandes et donations faites par les fidèles et des revenus fixes ou « ordinaires » dont les plus importants sont les dîmes, impôts sur les récoltes.
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Dans un article paru dans la Revue d’Histoire de l’Église de France, l’historien Jean Meuvret (1901-1971) explique que le curé de la paroisse a en principe un droit indiscutable sur les menues et vertes dimes (perçues sur les menus grains, le menu bétail, les légumes, le chanvre…) et sur les novales (perçues sur des terres mises en culture depuis un défrichement plus ou moins récent).
Les grosses dîmes, levées sur les principaux revenus de la paroisse comme le seigle, le blé ou le vin, sont quant à elles perçues par un gros décimateur, membre du haut-clergé (le terme désigne aussi bien une personne qu’une assemblée : évêque, abbé, chapitre …). Le gros décimateur, également appelé curé primitif, reverse ensuite au curé une partie de la grosse dîme, la portion congrue, pour lui permettre de vivre de façon décente. Aucun montant précis n’est fixé, cette partie varie en fonction des produits, des récoltes, des années et des paroisses. Loin de convenir exactement comme son nom l’indique, elle est souvent calculée au plus juste et peut diminuer considérablement les revenus de la cure au point que certains curés peinent à subvenir à leurs besoins. « La qualité de Curé Primitif est odieuse ; elle sépare le Bénéfice d’avec l’Office ; elle dépouille le Curé de la récompense légitime due à son travail et à ses soins et ne lui laisse qu’un revenu médiocre avec le titre de Vicaire perpétuel », peut-on lire dans le Dictionnaire de Trévoux (1771, tome 3).
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En 1571, Charles IX fixe le montant de la portion congrue à 120 livres (monnaie utilisée en France sous l’Ancien Régime) par an. Louis XIV donnera l’option aux gros décimateurs de payer aux curés la somme de 300 livres par an ou de leur abandonner toutes les dîmes qu’ils perçoivent dans leurs paroisses. La somme et parfois les conditions d’attribution évoluent au fil du temps mais ont du mal à compenser l’augmentation du coût de la vie. En 1786, la portion congrue est de 700 livres mais en 1789, les membres du bas-clergé demandent dans les cahiers de doléances qu’elle soit portée à 1200 livres. Elle disparaît finalement quelques mois plus tard, en même temps que la dîme, avec l’abolition des privilèges.
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