VISAGES DE MISSIONNAIRES (5/5) « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples », nous dit l’Évangile de Matthieu. Depuis 2.000 ans, l’Église a pour vocation d’annoncer l’Évangile. Asie, Amérique, Afrique, Europe… Chaque continent est terre de mission. Durant l’été, Aleteia vous dévoile divers visages de missionnaires, issus de communautés variées. Découvrez aujourd’hui mère Marie Catherine Persévérance Kingbo, missionnaire au Niger.
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Elle porte bien son nom. “Persévérance”, voilà qui illustre bien la détermination de cette religieuse sénégalaise de 66 ans originaire de Dakar. Mère Marie Catherine Persévérance Kingbo est actuellement en mission au Niger, à Tibiri, à dix kilomètres à peine de Maradi, capitale économique du pays, située au centre sud du Niger, à la frontière du Nigeria. Grand comme deux fois la France, le Niger, multi-ethnique, constitue une terre de contact entre l’Afrique Subsaharienne et l’Afrique du nord. Ses plus importantes ressources naturelles sont l’or, le fer, le charbon, l’uranium et le pétrole, et les trois quarts de son territoire se trouvent dans le Sahara.
Autour de Maradi, les hautes herbes alternent avec des bosquets de forêts sèches et la végétation y est rare, hormis quelques oasis et points d’eau. Une vraie région de savane. Durant la saison sèche, les températures peuvent monter à plus de 40°C et si vous levez les yeux, vous pouvez apercevoir de grands arbres tels que baobab, tamarinier et fromager déployer leurs ramures, tandis que des troupeaux de chèvres et de vaches paissent à proximité. Malgré les fréquentes coupures d’électricité et la connexion internet très instable, Tibiri n’est pas une ville isolée puisqu’elle se trouve sur la route nationale qui conduit à Niamey, où le trafic est assez dense, avec un important flux routier.
Arrivée à Maradi en 2006, mère Marie Catherine y a fondé la Fraternité des Servantes du Christ. Première congrégation religieuse diocésaine et autochtone de l’Église au Niger, elle compte dix-sept religieuses au total, réparties entre le Niger, le Burkina Faso et le Sénégal. Une toute petite communauté au service des plus pauvres. Son insigne, une barque au milieu des vagues avec une croix plantée au milieu, exprime la fidélité et la confiance en Dieu quels que soient les événements et les circonstances de la vie.
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Engagées dans les domaines de la scolarisation et la santé, les sœurs exercent diverses activités en milieu urbain et rural. Chaque jour, elles se lèvent à 5h30 et commencent leur marathon quotidien par les laudes et la méditation. Une méthode bien plus efficace qu’un Red Bull bu hâtivement au pied du lit. Après le petit déjeuner, chacune vaque à ses occupations puis commence ses activités à l’extérieur : couture, école, centre de nutrition, catéchèse ou encore visite dans les villages. Le reste de la journée est consacré aux différents offices, à la prière du chapelet ou l’adoration, ou encore aux rencontres avec les populations et les visites de villages régulières.
Un désir d’être reconnues
Véritables superwomen, les religieuses gèrent de front un internat pour les petites filles, des sessions de sensibilisation afin de favoriser l’aide aux plus vulnérables, un centre de nutrition visité une fois par semaine par plus de 400 personnes, l’accueil d’enfants marginalisés… Parmi tous ces engagements, l’un tient une place particulière dans le cœur de mère Marie Catherine : aider les femmes à prendre leur place et à s’épanouir, dans un pays encore très traditionnel. Il s’agit d’un travail de longue haleine qui va de l’instruction des petites filles à l’accompagnement des femmes mariées.
“À mon arrivée à Maradi, sans tarder, j’ai commencé à sillonner les villages pour m’entretenir avec les populations, et en particulier avec les femmes. Après cet état des lieux, j’ai pu constater la misère dans laquelle vivait une bonne partie des habitants, surtout les femmes et les enfants”, confie la religieuse à Aleteia. “Ce premier contact avec les femmes m’a permis de connaître leur principal souhait : être reconnues et respectées dans leur rôle de femme, d’épouse et de mère pour évoluer dans la société. Il fallait donc les instruire et les former”, explique-t-elle. “Avec deux animatrices rurales nigériennes, nous avons commencé à organiser des sessions aux jeunes filles, aux femmes, aux matrones, aux jeunes garçons. Les principaux thèmes débattus se rapportaient à l’hygiène, aux conséquences du mariage forcé et des grossesses précoces, à l’éducation des enfants et en particulier des filles, aux maladies sexuellement transmissibles, à la préparation au mariage, à la gestion du budget familial”.
Faire changer les mentalités
Le plus difficile, selon elle ? “Faire changer les mentalités car les coutumes sont encore ancrées dans la population”. Elle insiste sur la nécessité de faire connaître les dangers de certaines pratiques ancestrales comme l’excision et les mariages précoces, et d’aider les femmes à prendre conscience de l’importance de leur implication dans les activités de leur pays en vue de son développement. Pour cela, les religieuses ont mis en place un programme de micro-crédit qui concerne une centaine de femmes et de jeunes filles. Celles-ci bénéficient d’un crédit sans intérêt afin de se lancer dans des activités génératrices de revenus. De plus, grâce à l’accueil des fillettes et des jeunes filles au sein de leur internat, les sœurs favorisent le maintien à l’école, luttant ainsi indirectement contre les mariages forcés et les grossesses précoces. Une réalité rendue possible grâce au système de parrainage que les religieuses ont mis en place et qui leur permet de faire fonctionner leurs structures scolaires.
“Après les différentes activités menées dans les villages, une évolution positive a été constatée au niveau des mentalités et des comportements”, se réjouit mère Marie Catherine, qui note de nombreux changements, à savoir une baisse du taux des mariages précoces, une meilleure prise en charge des enfants malnutris, une plus grande solidarité entre les villages, un plus grand bien-être chez les femmes et davantage d’interactions avec les chefs de village et les imams. “Il y a maintenant un changement dans le vécu des populations : baisse du taux d’analphabétisme, scolarisation des filles et des enfants à besoins éducatifs spéciaux, plus de réciprocité entre les groupements féminins. Aujourd’hui, les parents acceptent d’envoyer les enfants à l’école, surtout les filles ; ils ne marient plus leurs fillettes mineures d’un très jeune âge, et certains ne pratiquent plus l’excision. Les choses commencent à bouger et j’aspire à un avenir meilleur pour les populations”.
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Note : Les photos d’illustration dans le corps du texte ont été ajoutées le 10/09/2019.