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"L’école catholique reste essentielle comme espace pour l’évangélisation des jeunes", a déclaré le pape François dans son exhortation apostolique post-synodale des jeunes en octobre 2018 (Christus vivit, N° 222). En France, selon les chiffres de la rentrée 2018 (les chiffres 2019 seront publiés en novembre, ndlr), ils étaient 2,1 millions d’élèves et 137.000 enseignants à étudier ou travailler dans un établissement catholique cette année. L’implantation des établissements de l’enseignement catholique est très inégale selon les régions.
Forte présence historique dans l’Ouest, ainsi qu’à Paris, Lille et Lyon, elle évolue cependant très peu dans le temps. Car l’enseignement catholique se heurte à des freins réglementaires, immobiliers et financiers. "Nous ne pouvons pas déplacer l’implantation des établissements à notre guise, il y a des règles administratives", confie à Aleteia Mgr Laurent Ulrich, archevêque de Lille, et président du conseil pour l’enseignement catholique. La raison ? Le principe des crédits "limitatifs" établi en 1985 par le ministre de l’Éducation de l’époque, Jean-Pierre Chevènement et la règle du 80/20, 80% des postes au public et 20% au privé. Un ratio qui n’est inscrit dans aucune loi mais qui est devenu un usage, handicapant le développement du privé.
Fluctuation des populations rurales
Cet usage expliquerait-il donc que le nombre d’élèves dans l’enseignement privé reste relativement stable ces dernières années ? Pas seulement. En effet, si le succès ne se dément pas dans certains établissements ou académies, il faut aujourd’hui prendre en compte la réalité démographique du pays. "Il y a moins de naissance en France, donc moins d’entrée en maternelle, c’est mathématique, et c’est une tendance démographique à laquelle nous n’échappons pas", explique à Aleteia, Gilles de Bailliencourt, directeur de l’enseignement catholique du diocèse de Lyon depuis treize ans.
L’autre réalité à laquelle est confrontée l’Éducation nationale, c’est la grande disparité territoriale, mise en lumière par la crise des gilets jaunes. Si les écoles, publiques comme privées, ferment en milieu rural, c’est souvent faute d’élèves, bien que la décision soit particulièrement difficile à prendre. Mgr Ulrich insiste sur les "réels efforts pour maintenir de petites écoles au plus près des besoins, en organisant une solidarité diocésaine et en les associant, avec un organisme de gestion unique par exemple, pour alléger les charges". Mais dans certains cas, la réalité s’impose d’elle-même. "Dans l’enseignement privé, nous pouvons procéder à du redéploiement inter-académique, c’est-à-dire que si une classe ferme en zone rurale, nous pouvons en ouvrir une dans une zone périphérique où il y a plus de besoins. La volonté se heurte parfois à la réalité, et la réalité, c’est la fluctuation de la population, avec un exode rural au profit des premières et deuxièmes couronnes qui se densifient", analyse Gilles de Bailliencourt.
Malgré la grande inégalité des territoires et la réalité démographique, reste que l’enseignement privé continue à attirer de nombreuses familles pour des raisons diverses et variées, qui semblent de plus en plus éloignées de considérations religieuses. "Pour être franc, aujourd’hui, une infime partie des familles demandent à s’inscrire chez nous pour raison religieuse !", constate le directeur lyonnais. Mais d’ajouter : "Cela étant, je n’aime pas les a priori actuels qui consistent à dire qu’il y aurait plus de discipline, plus de morale ou les élèves seraient plus aimés dans les établissements privés, comme si dans le public, les professeurs ne cherchaient pas eux aussi le meilleur pour leurs élèves !". Les familles viennent sans doute chercher autre chose.
"Notre projet d’établissement catholique repose sur trois piliers: l’accueil de tous, l’annonce de l’Évangile, et la présence de chrétiens pour la visibilité", affirme Mgr Ulrich "Parfois, j’entends dire ‘les écoles qui n’ont plus de catholique que le nom…’, je m’insurge particulièrement contre cette facilité. J’atteste que de réels efforts sont accomplis pour que nos établissements soient des lieux de rencontre de tous ceux qui les fréquentent (élèves, familles, éducateurs, personnels divers) avec l’Église et l’Évangile du Christ". Et de préciser : "Être catholique, c’est être universel, ouvert à tous, notre préoccupation c’est l’Évangile, se laisser aussi interpeller par ceux qui viennent s’inscrire et les accueillir sans discrimination. Souvent les critiques sont loin de notre réalité, or notre projet fondamental, c'est d'aller aux périphéries, de s'implanter là où le monde n'est pas catholique".
"Une école est catholique par son projet plus que par son recrutement."
Et c’est une réalité, dans certains territoires, il y a aujourd’hui des établissements avec beaucoup d’élèves musulmans. "Les familles musulmanes viennent car elles savent qu’elles seront respectées en tant que croyantes, et elles savent aussi qu’on va parler de Dieu. Notre message est là, leur montrer le meilleur de notre enseignement. Mais si nous sommes dans une démarche d’ouverture et de dialogue, nous restons bel et bien des écoles chrétiennes !", indique l’archevêque.
"L’enseignement privé permet d’éviter les dérives communautaires et donnent l’occasion à tous ces jeunes d’être en contact avec des chrétiens. Néanmoins, il ne s’agit pas de s’effacer et d’accepter toutes les inscriptions pour faire du nombre. Ce qui est important c’est la mission, pas le business !", ajoute encore le directeur de l’enseignement catholique du diocèse de Lyon, Gilles de Bailliencourt. "Les chefs d’établissements affichent dès l’inscription les règles. "Votre enfant participera aux célébrations, il y a des temps de culture chrétienne, etc…. On gagne toujours à être en vérité, mais également en périphérie !", conclut-il.
Quid du hors contrat
Très attaché à la liberté scolaire, Mgr Ulrich reconnaît qu’il y a de beaux projets dans les écoles hors contrats. "Le travail d’Espérance Banlieue est remarquable et soutenu par des gens de grande qualité". Il faut cependant faire attention aux chiffres trompe-l’œil. Si on parle aujourd’hui de 50.000 élèves dans le hors-contrat, ce chiffre comprend toutes les écoles ou cours privés, catholiques ou pas. "Ils ne seraient que 10.000 élèves dans des écoles hors-contrat catholiques", estime Gilles de Bailliencourt. "Mais il faut écouter ces parents qui ne se retrouvent pas dans nos établissements alors qu’ils pourraient par leur foi et leur volontarisme s’y investir et en être des moteurs".
Et de garder à l’esprit cette idée : "Une école est catholique par son projet plus que par son recrutement". Les chefs d'établissements d’aujourd’hui sont très conscients de ce rôle de chrétien dans la société, estime Mgr Ulrich. "Ils reçoivent leur mission de leur évêque lors d’une messe ! Par ailleurs, des adjoints en pastorale, des animateurs, des enseignants et des parents se concertent de plus en plus pour déployer la dimension pastorale des établissements, et les relations avec les paroisses se sont développées ces dernières années. Notre volonté, locale comme nationale, c’est de développer les formations ou les stages pour les professeurs et les laïcs qui s’investissent en pastorale. Il y a une vraie dynamique."
A Lyon aussi, la dynamique est engagée avec la diffusion des douze écobéatitudes, rédigées suite aux Assises Laudato Si' de l’enseignement catholique de Lyon en octobre dernier. Gageons que la première d’entre elles guidera la nouvelle année de tous les élèves : "Heureux celui qui s’émerveille, et sait que, créé par Dieu, il est aimé inconditionnellement de Lui".