En élevant Marie à la gloire céleste en son corps, Dieu nous révèle que le corps humain est appelé à être transfiguré par l’Esprit saint lors de la Résurrection générale à la fin des temps. Ce qui arrive à Marie à la fin de son parcours sur terre préfigure le futur de l’Église et de l’humanité en général. L’Assomption de la Vierge témoigne que l’immortalité qui nous est promise ne touche pas uniquement notre âme. En la Mère du Sauveur, c’est l’homme en intégralité qui est sauvé. Déjà la résurrection corporelle du Seigneur était le gage de la nôtre à la fin des temps. L’Assomption vient confirmer cette donnée de l’espérance chrétienne.
Car notre corps n’est pas un simple appendice de notre personne. Il fait partie de notre identité. Le mépris du corps est contraire à la foi chrétienne et à l’anthropologie qui lui est liée. En Marie, notre salut intégral est réalisé : l’être humain tout entier est amené à la perfection.
Le corps nous tourne vers le monde, les autres et Dieu
La transfiguration du corps humain est fondamentale parce que c’est par lui que l’homme entre en relation avec l’extérieur, qu’il est résolument tourné vers le monde, ses semblables et Dieu. Par mon regard, mes gestes, mes paroles — qui relèvent de ma dimension corporelle — je tisse des liens, et parfois plus profondément une amitié, avec mon prochain. Et ce qui est valable dans ce monde-ci, le sera tout autant dans le Royaume. Certes, notre corps sera devenu alors spirituel, c’est-à-dire qu’il ne sera plus soumis aux conditions de l’espace-temps. Mais cela ne changera rien à ce qui fait sa caractéristique fondamentale d’être comme le sacrement de notre personne en son unicité et son ouverture vers l’extérieur.
C’est la raison pour laquelle l’Église a toujours tenu la sexualité pour une dimension centrale de la personne humaine. Ce que nous faisons de nos corps n’est jamais indifférent. Le corps ne ressortit pas en effet à l’ordre de l’avoir, mais à celui de l’être. Il a son langage, et peut aussi bien exprimer l’amour que l’égoïsme qui habite en nos profondeurs. Dans sa réalité corporelle, Marie a laissé parler la charité de son cœur durant sa vie terrestre. Aussi son assomption consacre-t-elle la dignité éblouissante de son corps.
Présence de la Vierge dans nos existences
Le pouvoir que possède le corps de nous mettre en relation avec nos semblables, l'élévation de la Vierge à la gloire divine le confirme parfaitement. Au Ciel, Marie est plus proche de nous que si elle était présente physiquement à nos côtés ici-bas. L’expérience de sa proximité est attestée par de nombreux croyants. Beaucoup de fervents de la Vierge ressentent si vivement sa présence qu'ils affirment que la Mère du Seigneur ne les quitte pas, sans que cette présence soit jamais envahissante. Or cette capacité que possède la Vierge d’accompagner ses fidèles tout au long de leur pèlerinage terrestre, c’est à son assomption céleste en son âme et son corps qu’elle la doit.
Bien sûr, Marie n’est pas présente aux croyants comme Dieu l’est à toutes Ses créatures. La Vierge n’est pas une déesse. Cependant, son corps transfiguré lui permet d’accompagner ses enfants de façon beaucoup plus intime que ne le font les saints, par exemple. Présence réconfortante, pleine de bonté. Mais présence qui ne se contente pas de nous materner dans nos difficultés. La Vierge reste la femme forte des Écritures. Le croyant qui ressent sa présence à ses côtés sait qu’il vit encore dans la foi et l’espérance, qu’il n’est pas encore parvenu au but. Aussi la Vierge l’encourage-t-elle à se fortifier avec la nourriture consistante des Évangiles.
Marie n’est pas une assurance tous risques, ni une mère possessive. Elle virilise au contraire son enfant spirituel. Elle le prépare de la sorte au combat contre les suppôts de l’énorme dragon couleur rouge feu de la vision du livre de l'Apocalypse, au chapitre qui est lu à l'occasion de la solennité du 15 août (Ap 12, 3). Dans le combat spirituel, la Vierge est notre meilleure alliée parce qu'elle fut la seule créature à échapper totalement à l'emprise de Satan.
Beauté de l'amour
D'expérience, la Vierge connaît la beauté du corps humain. C'est pourquoi elle est particulièrement qualifiée pour nous mettre en garde contre son avilissement. Le démon nous pousse à faire de nos corps de simples instruments de plaisir et de satisfaction égoïste, en nous incitant à nous replier sur nous-mêmes. À rebours des tentations démoniaques, la Vierge, première disciple de son Fils, nous avertit que notre corps sera transfiguré à la mesure de l'amour que nous aurons montré sur cette terre. Et à cet amour de charité, à cet amour oblatif, notre corps n'est pas un obstacle. Il constitue plutôt le moyen de le rendre effectif, ainsi que le lieu de sa manifestation.
Que la beauté de la Vierge ne nous surprenne pas : Marie est la plus belle parce qu'elle s'est montrée la plus aimante ! Telle est une des vérités les plus importantes du mystère de l'Assomption. Dans le Royaume, les soins esthétiques ne servent à rien.