Les nuages menaçants qui s’amoncèlent sur le monde et sur l’Église ne devraient pas empêcher les croyants de rester dans la joie et l’action de grâce. S’émerveiller n’est pas s’aveugler, mais voir plus loin que le bout de son nez.
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L’information dont nous sommes constamment gavés n’a rien de réjouissant : catastrophes, guerres, rivalités, accusations et vantardises en tout genre. Et l’actualité dite religieuse ne vaut pas mieux : confirmations d’une déchristianisation cancéreuse et apparemment inexorable de la société, scandales d’abus sexuels ou autres, polémiques, etc. L’incendie de Notre-Dame de Paris a même pu être vu par les plus bilieux comme un signe que l’Église tout entière est en train de brûler… Tout irait mal donc – et même la planète du fait du réchauffement climatique causé par l’homme. Si bien que l’alarmisme passe bientôt pour la plus éminente des vertus.
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Et pourtant, quelques secondes de réflexion entre deux messages médiatiques (ou en attendant la prochaine sollicitation immédiate de la vie quotidienne) suffisent pour s’apercevoir que le discours ambiant et obsédant ne permet de saisir que des facettes très superficielles de la réalité du monde et des mystères de la vie.
La beauté perfectionnable de la création
En ce temps d’été où la nature s’épanouit et où l’on voyage (quand on le peut) en quittant l’univers artificiel et utilitaire des villes, la splendeur de la création est mieux perceptible. Les soucis se relativisent et s’estompent devant la luxuriance de la végétation, la majesté des paysages, le spectacle des couchers de soleil, la mer qui change de couleur avec le ciel et les vents… Il n’est pas évident que la catastrophe écologique annoncé n’en laissera rien subsister. Que ces magnificences soient fragiles ne les enlaidit pas – au contraire même !
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L’homme n’est d’ailleurs pas uniquement un ravageur coupable. Il rend le monde habitable et le met en valeur. On peut s’extasier devant son travail pour satisfaire ses besoins biologiques et aussi esthétiques. Les villes peuvent se dégrader en jungles, mais la Bible enseigne que l’histoire de l’humanité commence dans un jardin pour s’achever dans la cité que produit la communion. Et puis il y a les œuvres (à regarder ou écouter) qui procurent plus que de l’agrément parce qu’elles font transparaître des parts de vérité autrement indiscernables. Les arts tout humains (les utiles aussi bien que les beaux) participent d’une certaine façon du génie du Créateur dans la mesure où, de même que la grâce divine selon le mot de saint Thomas d’Aquin, ils n’abolissent pas la nature mais la perfectionnent et l’embellissent.
Le bien peut-il compenser le mal ?
Il y a de surcroît, dans tout ce qui s’accomplit autour de nous sans que nous le sachions, des trésors de bonté désintéressée, par-delà les services professionnels et les solidarités dont les animaux ne sont pas moins capables : au sein des couples et des familles, bien sûr, et dans les amitiés, mais aussi à travers les entraides de voisinage ou de rencontre, les partages spontanés ou impromptus de plaisirs innocents, les visites à celles et ceux qu’isole la maladie ou l’âge, etc. Bien peu de tout cela trouve des échos dans les miroirs médiatiques. Ceux-ci imposent une certaine image du monde. Mais le tableau qu’ils peignent pousse au pessimisme ou au cynisme, parce qu’ils sont mieux aptes à véhiculer et répandre des sensations brutales et déstabilisantes que des expériences de bonheur tout simple ou de disponibilité contemplative.
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Il ne s’ensuit toutefois pas qu’il n’y aurait qu’à compenser la perception du négatif par une prise en compte du positif pour atteindre une sorte d’équilibre, voire décider que la balance penche du bon côté. Car le mal ne peut être nié, et il fait souffrir. Il s’introduit dans le cœur de l’homme jusqu’à le séduire. Il se trouve aussi dans la création : la nature est parfois une marâtre. Les débordements climatiques et les bouleversements environnementaux n’ont pas attendu l’activité industrielle et économique. Tremblements de terre et éruptions volcaniques font des victimes sans que l’on puisse incriminer des responsables. Famines et épidémies ne sont pas imputables uniquement à l’égoïsme des plus forts au moment donné. Et puis chacun sait, même s’il préfère ne pas y penser, qu’il ne vivra pas indéfiniment…
Un constat qui n’est pas une illusion
Alors, qu’est-ce qui pousse le chrétien à rester obstinément serein et même allègre quoi qu’on lui raconte ? Eh bien, c’est la foi que Dieu n’est pas seulement le Créateur. Car son ouvrage est attaqué, corrompu, détraqué, et il ne l’a pas abandonné pour autant ! Si bien qu’il est aussi et surtout le Rédempteur ou le Sauveur – ou encore (puisque la notion de rachat n’est plus évidente et que l’idée d’un salut est devenue difficile à penser) qu’il s’avère Celui grâce à qui le mal n’aura pas le dernier mot et la vraie vie est beaucoup plus que jouir autant qu’on peut avant de sombrer dans le néant de l’oubli.
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Cette foi n’est pas une illusion consolante, mais un constat : Dieu n’est pas simplement ce qu’on peut imaginer pour s’expliquer le monde. Il s’est manifesté à Noé, à Abraham et à sa descendance, puis à Moïse et au peuple qu’il a rassemblé pour être son témoin. Il a parlé par les prophètes. Et il a envoyé son propre Fils qui s’est fait homme et qui, en acceptant de périr de façon atroce avant de sortir de son tombeau, a montré ce qu’est la vie qui ne craint pas la mort : non pas s’approprier l’être qu’on a reçu, mais le remettre à la disposition du Donateur qui est le Père de tout et de tous, et ainsi être imprégné de son Esprit de transmission et de partage.
Deux choses à se rappeler
Tout cela est proprement prodigieux. Ce qui est à la fois renversant et jubilatoire, ce n’est pas seulement les « exploits » de Yahvé qui libère et éduque patiemment son peuple dans la Bible, ni les miracles de Jésus dont le plus improbable est celui de la déchéance à laquelle il ne se dérobe pas et où sa gloire se déploie, ni l’héroïsme des saints, ni l’endurance de l’Église au fil des siècles. Ce ne sont là que des signes et autant de rappels d’une réalité plus profonde, concrètement actualisée au jour le jour dans la messe où le Christ nourrit et s’unit celles et ceux qui reçoivent la Parole vivifiante qu’il est et y répondent en bénissant avec lui leur Père.
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L’émerveillement du chrétien est donc inspiré par bien plus que la découverte de réalités inespérables. Car cette vérité n’est pas un objet à contempler passivement bouche bée, mais une dynamique qui entraîne dans son élan. Rendre grâce n’est donc pas se réfugier dans un optimisme indifférent aux malheurs et aux haines. C’est plutôt se rappeler deux choses :
D’abord qu’il est déjà possible d’aimer même ses ennemis et aussi de ne capituler devant aucun désastre, si cruel qu’il soit, parce que la création tout entière n’est pas vouée à resombrer dans le chaos d’où l’a tirée le Verbe qui s’en est fait solidaire et y a offert sa liberté. Ensuite que louer Dieu n’est pas perdre son temps. Ce n’est même pas facultatif. C’est suivre l’exemple de la Vierge Marie : après son « oui » à l’Annonciation, elle n’a pas attendu son Assomption pour entonner le Magnificat et participer à la prière des apôtres. On ne peut pas chanter malgré soi la gloire du Père, du Fils et de l’Esprit avec les saints et les anges dans la joie de la liberté : il faut non seulement y avoir consenti et mais encore s’y être exercé dès ici-bas.