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Père Émeric, homme de paix à Madagascar

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Domitille Farret d'Astiès - publié le 09/08/19
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VISAGES DE MISSIONNAIRES (2/5) « Allez donc ! De toutes les nations faites des disciples », nous dit l’Évangile de Matthieu. Depuis 2.000 ans, l’Église a pour vocation d’annoncer l’Évangile. Asie, Amérique, Afrique, Europe… Chaque continent est terre de mission. Durant le mois d’août, Aleteia vous propose de découvrir différents visages de missionnaires, issus de communautés variées. Découvrez aujourd’hui le père Émeric Aymot d’Inville, responsable du foyer Tanjomoha à Madagascar. Tel un père, il prend soin de tous, passant ici et là pour stimuler, encourager, parler avec les uns et les autres. Cela fait vingt ans que le père Émeric Amyot d’Inville, 67 ans, s’occupe du foyer Tanjomoha, situé dans la petite ville de Vohipeno, sur la côte sud-est de Madagascar. Dans cette zone reculée, l’habitat, encore très traditionnel, est composé de cases en bois sur pilotis couvertes de feuilles de ravenale (l’arbre du voyageur), cette grande plante tropicale qui ressemble à un palmier en éventail. La grande ville la plus proche, Manakara, est distante d’une quarantaine de kilomètres. Madagascar étant un pays de rizières, les gens circulent beaucoup en pirogues et cultivent du riz et du manioc. On voit quelques élevages de zébus et de poules. Dans la brousse, malheureusement, lémuriens et sangliers noirs ont quasiment disparu en raison de la déforestation très importante qui sévit dans le pays.

Ici, les jeunes apprennent un métier

Dans ce centre de dix-sept hectares unique en son genre vivent des jeunes avec un handicap qui ont entre 18 et 25 ans. Ils sont environ 110. Atteints de déficience au niveau moteur, auditif ou visuel, ils bénéficient d’opérations, de traitements et de rééducation et peuvent apprendre un métier. Beaucoup parmi eux ont contracté la polio et en gardent des séquelles, d’autres ont des malformations osseuses comme des « pieds bot », certains ont été mordus par des crocodiles. En général, tout cela peut se traiter, à condition d’en avoir le temps et les moyens. « Parfois, nous assistons à une amélioration extraordinaire », s’enthousiasme le missionnaire. Le centre leur propose une formation en menuiserie ou en couture/broderie type CAP, mais aussi en informatique et en gestion.

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© Père Émeric Aymot d’Inville
Père Émeric avec des jeunes fiers de leurs diplômes.

Le prêtre cite l’exemple d’Angelo, 27 ans. Attaqué par un groupe de bandits – ce n’est pas rare là-bas que les brigands attaquent les éleveurs -, il s’est fait voler ses bœufs et il est resté avec une balle bloquée dans la colonne vertébrale qui l’a paralysé. Le père Émeric l’a rencontré dans un hôpital où il était mal soigné et extrêmement mal en point. Grâce à la rééducation proposée au centre, Angelo peut maintenant se déplacer seul avec une canne et il s’est installé dans une petite ville voisine comme couturier. Pour un homme qui, dixit le missionnaire, « ne remuait pas d’un millimètre », c’est une immense victoire. « Quand ils quittent le foyer, les jeunes reçoivent une machine à coudre ou une caisse avec des outils de menuiserie », explique le prêtre-éducateur. Un beau cadeau largement symbolique pour les accompagner concrètement au moment où ils prennent leur envol. Les liens restent d’ailleurs très forts entre les équipes et les personnes accueillies. « C’est toujours une fête de se revoir », reconnaît le religieux.



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Le foyer accueille également environ 60 jeunes orphelins en détresse souvent sévèrement malnutris ou malades qui sont soignés et éduqués afin de reprendre goût à la vie, ainsi que des jeunes mis au banc de la société qui viennent ici pour étudier. Au total, quelque 400 personnes sont accueillies ici en permanence, logées, nourries, soignées et éduquées. Les non-résidents (élèves scolarisés ici, malades venus profiter de soins de jour, femmes âgées ou abandonnées, personnes psychiquement fragiles) représentent quant à eux environ 2.000 personnes. Un vaste monde qu’il faut nourrir quotidiennement. Au foyer, rendez-vous compte, on consomme pas moins de 12 tonnes de riz chaque mois. En plus du père Émeric, l’équipe d’accompagnement est composée d’un autre prêtre, quatre filles de la charité, deux coopérants internationaux et 70 employés.

La parole et les œuvres

Chaque jour, le père Émeric commence sa journée à 5 heures, célèbre la messe à 6 heures, pour commencer le travail dès 7 heures. Il fait le tour des classes, rencontre les professeurs, passe voir les familles, donne un cours de catéchisme, visite un malade… Sa mission principale reste l’accueil des pauvres, des personnes handicapées et des orphelins. Il a également une petite paroisse qui lui tient très à cœur. Le missionnaire appartient à la congrégation des Lazaristes, qui se situent dans la lignée de saint Vincent de Paul qui a voulu porter la Bonne Nouvelle tant par la parole que par les œuvres. « Les deux sont complémentaires », insiste-t-il. Là-bas se mélangent des catholiques, des protestants luthériens, des animistes, des musulmans, aux itinéraires de vie variés. « J’essaie d’être présent à tous indistinctement. Tout le monde est bienvenu chez nous. Notre objectif est d’accueillir les personnes qui souffrent pour les aider à trouver des solutions. Nous prenons soin des pauvres dans tous leurs besoins et nous les recevons gratuitement », explique le missionnaire d’une voix douce. « Notre but n’est pas de ressasser les vieilles histoires mais d’aider les personnes à vivre ensemble. Nous proposons également la foi, dans la liberté, bien évidemment », ajoute-t-il. Point essentiel, les écoles sont ouvertes à tous et les élèves étudient ensemble. « On sent un changement de mentalités. Je crois que l’Évangile est en train de progresser dans ces régions-là ».

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© Père Émeric Aymot d’Inville
Père Émeric avec un jeune du foyer.

Le père Émeric avait déjà été coopérant à l’âge de 22 ans. C’est d’ailleurs à Madagascar, à travers sa rencontre avec le père Vincent Carme, qu’il a connu la congrégation lazariste qui lui a permis de réaliser sa vocation missionnaire. Si le pays lui a plus, sa première expérience a été ardue pour des raisons de santé. Il lui a fallu vingt-cinq ans avant d’y retourner. « C’était un saut dans la foi », confesse-t-il aujourd’hui. Il vante Madagascar et sa manière de vivre « souriante ». « J’aime vivre ici. Les gens sont toujours prêts à faire des choses nouvelles », note-t-il. « Il faut prendre le temps d’expliquer, notamment pour les projets agricoles. Les habitants se sont formés aux cultures maraîchères et nous avons actuellement un projet d’arbres fruitiers. C’est nouveau pour eux. Il faut prendre le temps de s’asseoir dans la case sur une natte et de discuter avec eux ». Puis il ajoute en riant : « Parfois, on voudrait que cela aille plus vite. Mais nous sommes chez eux. Il faut apprendre à découvrir par la patience, la douceur, la relation ». Aujourd’hui, ce pays est le sien : « c’est un lieu de paix, un lieu de joie ».



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