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L’acédie, tristesse de Dieu et dégoût de l’action

Saint Jean-Baptiste de Jérôme Bosch

Saint Jean-Baptiste dans le désert, Jérôme Bosch (1504-05), Museo Lázaro Galdiano, Madrid.

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Dom Jean-Charles Nault, osb - publié le 06/08/19
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L’ACÉDIE (4/7). En fixant la doctrine des sept péchés capitaux, saint Thomas d’Aquin définit l’acédie comme « tristesse de Dieu » mais aussi « dégoût de l’action », au sens de péché contre la charité.

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La première définition de l’acédie que donne saint Thomas d’Aquin, c’est « une tristesse de Dieu » : elle nous fait nous attrister de ce qui devrait pourtant être notre plus grande joie. Le dominicain fait de l’acédie un péché contre la charité, la plus éminente de toutes les vertus. Cela nous montre déjà à quel point l’acédie est un mal redoutable ; et il en fait un péché contre la joie qui est, pour lui, le premier fruit de la charité. La charité, en effet, produit la joie, gaudium en latin ; l’acédie va être opposée à cette joie. Avec beaucoup de finesse, saint Thomas se demande : « Comment est-il possible de nous attrister de Dieu ? » En effet, la charité provoque de la joie, car Dieu nous a créés pour participer à sa propre vie divine ; il nous a rendus capables de quelque chose qui était, de soi, totalement hors de notre portée.


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Par pure grâce, Dieu nous a rendus capables de participer à sa propre vie, ce qui est pour nous le summum du bonheur puisque, pour saint Thomas d’Aquin comme pour toute la tradition avant l’époque moderne, ce qui importe, c’est le bonheur : à partir du sermon sur la montagne, et des béatitudes en particulier, le Christ nous donne un message de bonheur et ce message de bonheur consiste ultimement dans la participation à la vie divine ; or dès ici-bas, nous allons pouvoir anticiper, par notre vie, ce qui nous attend dans la vie éternelle.

Le renoncement à la vraie joie

Mais comment est-il possible de nous attrister de ce qui devrait être le summum de notre joie ? Paradoxalement, dit saint Thomas d’Aquin, cela est possible parce que, pour participer à la vie de Dieu, pour vivre dès ici-bas dans la foi avec le Seigneur, nous devons renoncer à un certain nombre de choses, d’éléments, de biens qui semblent plus concrets, plus sensibles ; la vie divine peut donc, de temps en temps, sembler très abstraite, et on risque alors d’être beaucoup plus affecté par ce à quoi on renonce, plutôt que par le bonheur futur qui nous attend. C’est une considération psychologique très fine ; on voit très bien que, de temps en temps, le combat spirituel, l’ascèse, le renoncement, la fidélité à notre engagement, la vie de prière, la pénitence, la charité fraternelle peuvent ne pas complètement satisfaire notre sensibilité et provoquer en nous une certaine tristesse, alors que ce devrait être le summum de la joie. C’est la première dimension de l’acédie : s’attrister de ce qui devrait faire le summum de notre joie, s’attrister de Dieu.

Comment ce dégoût de l’action est-il possible ?

La deuxième dimension de l’acédie est pour saint Thomas d’Aquin le dégoût de l’action. Pour lui, l’action est ce par quoi on s’approche de la béatitude, du bonheur parfait. Or ce bonheur parfait n’est pas un repos (même si on chante requiem aeternam aux messes des défunts), c’est une action, c’est l’acte parfait de notre vie ; on sera actif dans la vie éternelle. Donc notre agir ici-bas correspond un peu à une marche : nos actes bons nous rapprochent de cet acte parfait, et nos actes mauvais nous en éloignent. Dès ici-bas, nous anticipons cette vie éternelle par notre action.



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Au cœur de notre agir se trouve une vertu, la charité, qui est à la fois une vertu infuse (un don de Dieu) et une vertu active (nous avons le devoir de la faire fructifier, de la cultiver). Cette charité nous meut de l’intérieur : l’Esprit saint présent en nous nous meut de l’intérieur, avec un immense respect de notre personnalité, de notre tempérament, de ce que nous sommes ; et donc notre agir, même le plus banal, quand on fait quelque chose de très simple, nous permet d’atteindre Dieu, car la charité est ce qui nous relie à Dieu. Notre agir ici-bas, grâce à la charité, nous permet d’être immédiatement en contact avec Dieu, quelle que soit la dignité extérieure de notre agir. Il n’y a pas besoin de faire de grandes choses pour cela.

Un péché contre la charité

L’acte le plus simple, à partir du moment où il est imprégné, modelé, traversé par la charité, devient capable d’atteindre la vie éternelle, de nous engager pour la vie éternelle. En ce sens-là, l’acédie est péché contre la charité, car elle va couper ce dynamisme intérieur en faisant que notre agir ne va plus avoir de but, de sens, de direction, et ne va plus atteindre la vie éternelle. Cela va nous donner l’impression que notre agir est comme paralysé, comme stoppé dans son élan. L’acédie va faire en sorte que notre agir va devenir coupé de la vie éternelle. On voit ainsi comment les deux définitions — la tristesse de Dieu et le dégoût de l’action — se rejoignent : lorsque notre agir n’est plus informé par la charité, lorsque nous ne sommes plus en relation avec Dieu, nous risquons de sombrer dans cette tristesse mortifère qui risque de nous faire prendre un chemin de traverse et nous faire fuir le combat spirituel, fuir notre état de vie, notre engagement.


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