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Dès les premières minutes du film, on le voit se maquiller en femme devant sa glace puis attendre le client au bois de Boulogne. Des images qui pourraient mettre mal à l’aise le spectateur, venu entrer dans le mystère de ce célèbre lieu où le surnaturel a élu domicile. Paradoxalement, elles sont parmi les plus fortes du documentaire, tant la piété d’Isidore est bouleversante. Son chemin de croix commence à l’adolescence, quand il quitte le Portugal pour échapper à un père violent et gagner la France. La rue pour seul horizon, les mauvaises rencontres, et le voilà pris dans les filets sordides de la prostitution. Seule étincelle dans la nuit : sa foi, héritage d’une mère très croyante. N’a-t-il pas été enfant de chœur ? "Je servais la messe pieds nus, c’est le prêtre qui m’a offert des sandales". La rue du Bac devient sa seule échappatoire.
Puis, dans les années 80, il vit une expérience spirituelle forte dans sa chambre à Pigalle qu'il préfère tenir secrète "parce que c’est trop intime". "Cette rencontre avec le Christ m’a bouleversé. Quarante ans après, j’en suis encore tout secoué. À partir de là, j’ai essayé de me réapproprier mon identité masculine alors que je jouais de plus en plus à la femme. C’est Jésus qui m’a incité à dire stop". Sortir de la prostitution devient sa marotte, "mais c’est affreusement dur", explique-t-il.
La rencontre d'un "saint homme"
Voici quelques années, il a rencontré l’association Magdalena, fondée par un frère de Saint-Jean, le père Jean-Philippe Chauveau : il va parfois boire un café et prier dans le bus itinérant qui sillonne le Bois de Boulogne. "Je lui ai proposé de se joindre à notre pèlerinage annuel dans la cité mariale", se souvient le "padre", surnom affectueux que lui donnent "les filles". "Pèlerinage que j’ai initié à la demande de ces dernières", ajoute-t-il. Pour Isidore, qui aime tant la Vierge, c’est banco. "Au Portugal, Notre-Dame de Fatima est une célébrité", s'enthousiasme-t-il. Ce périple lui plaît énormément. "J’ai acheté une cage avec une colombe et l’ai déposée dans la grotte. J’ai demandé son aide à Marie. À Lourdes, cela fait pas un pli, il se passe des choses surnaturelles".
Et pourtant, la vie de ces grands blessés de la vie ne change pas du jour au lendemain. "Les prostituées ne tirent pas pour autant une croix sur leur vie", confie le frère, qu’Isidore qualifie de "saint homme". "Avec notre générosité de chrétiens, on voudrait griller les étapes. Non ! Il nous faut être aussi patients avec elles que Dieu l’est avec nous. Les accueillir dans ce qu’elles sont aujourd’hui". Dans le film, on voit le religieux demander que son protégé puisse servir la messe.
"Témoigner des merveilles"
"Participer à ce documentaire sur Lourdes, c’était ma façon de témoigner des merveilles qui s’y produisent", poursuit Isidore. "Le petit garçon et son père que l’on suit depuis Lille, cet homme qui ne s’exprime qu’en montrant des lettres de l’alphabet : c’est bouleversant, non ? Toucher les gens, c’était ça, mon but". Il les a touchés au cœur : depuis, on l’accoste sans cesse dans la basilique de Montmartre où il se rend chaque jour. "Des paroissiens me félicitent pour mon courage. Moi, j’ai fait ça très naturellement", affirme Isidore. Il a aujourd’hui 66 ans et passe le plus clair de son temps au Sacré-Cœur, où il est adorateur du Saint-Sacrement : "Je me réfugie dans le Seigneur, je scrute les Saintes Écritures pour entendre ce qu’Il a à me dire. Je Lui demande, ainsi qu’à Marie, de m’aider à devenir meilleur. Ma vie est entre leurs mains".