Présenté mercredi 24 juillet en Conseil des ministres, le projet de loi bioéthique sera débattu à la rentrée à l’Assemblée nationale. Si la mesure phare est l’élargissement de la PMA aux couples de femmes et aux femmes seules, Mariette Guerrien, juriste à la fondation Jérôme-Lejeune, souligne les autres dérives et confusions entretenues par ce texte.« Cette révision des lois de bioéthique s’inscrit dans un contexte de sauts technologiques inédits, auxquels s’ajoutent des attentes sociétales fortes », peut-on lire dans le compte-rendu du Conseil des ministres de ce 24 juillet au cours duquel a été présenté le projet de loi bioéthique. « Il traduit la volonté du gouvernement de soutenir une recherche libre et responsable, au service de la santé humaine, en levant certains verrous juridiques et en supprimant des contraintes infondées, en particulier pour la recherche sur les cellules souches ». « Les révisions successives des lois de bioéthique depuis 2004 n’ont cessé d’accentuer les atteintes à la vie », souligne auprès d’Aleteia Mariette Guerrien, juriste à la fondation Jérôme Lejeune. Si l’opinion publique s’est largement concentrée sur la procréation médicalement assistée (PMA) et son élargissement aux couples de femmes et aux femmes seules, d’autres mesures du projet de loi, qui contient 32 articles au total, font l’objet de réelles interrogations tant sur le plan éthique que juridique.
Les cellules souches embryonnaires humaines en voie d’industrialisation
L’article 14 « tire les conséquences de la différence de nature entre l’embryon et les cellules souches embryonnaires qui ne conduisent pas au même questionnement éthique », peut-on lire dans le texte. « L’objectif est d’établir clairement la différence entre un embryon et des cellules souches embryonnaires et de rénover le régime juridique qui s’applique aux recherches sur ces cellules ». De quoi parle-t-on ? « Pour comprendre la portée éthique d’une telle mesure, il faut bien comprendre que pour obtenir ces cellules souches embryonnaires, il faudra détruire un embryon », explique Mariette Guerrien. Jusqu’à présent, les recherches sur les cellules souches embryonnaires étaient soumises à une procédure d’autorisation sous conditions instruite par l’Agence de la biomédecine (ABM). Désormais, elles feront seulement l’objet d’une déclaration à l’ABM « préalablement à leur mise en œuvre ». « Cette simplification revient à rendre disponible sans contrainte ces cellules notamment pour l’industrie pharmaceutique engagée depuis peu dans une production à grande échelle », alerte la jeune femme.
L’utérus artificiel, bientôt une réalité ?
Si « les embryons sur lesquels une recherche a été conduite ne peuvent être transférés à des fins de gestation », l’article 14 prévoit néanmoins qu’ils puissent être conservés in vitro au plus tard « jusqu’au quatorzième jour après leur constitution ». Jusqu’à présent ils ne pouvaient être conservés que jusqu’à sept jours. « Pour mémoire, c’est entre le sixième et le septième jour après la fécondation que survient l’implantation de l’embryon dans l’endomètre », précise Mariette Guerrien. Cette disposition « ouvre donc la voie à l’expérimentation de l’utérus artificiel ».
La levée d’interdits fondateurs
Jusqu’à présent le code de la santé publique (L.2151-2 alinéa 2) prévoit que « la création d’embryons transgéniques ou chimériques est interdite ». L’article 17 du projet de loi bioéthique remplace cette disposition par la disposition suivante : « La modification d’un embryon humain par adjonction de cellules provenant d’autres espèces est interdite ». En d’autres termes, « la seule interdiction sera l’insertion de cellules animales dans l’embryon humain », souligne Mariette Guerrien. « On va désormais avoir la possibilité de créer des embryons transgéniques. Cela permettra l’expérimentation sur des embryons humains de deux techniques : la FIV à trois parents et le ciseau génétique CRISPR-Cas9. Le risque derrière cette levée des interdits c’est la modification du génome humain, du patrimoine génétique de l’humanité ».
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Des bébés génétiquement modifiés ?
« Des recherches menées dans le cadre de l’assistance médicale à la procréation peuvent être réalisées sur des gamètes destinés à constituer un embryon ou sur l’embryon avant ou après son transfert à des fins de gestation », précise encore l’article 14. « Les risques de création d’embryon pour la recherche et de manipulations génétiques dans le cadre de ce régime de recherche sont élevés », indique la juriste. Selon elle, « le cadre légal est déjà prêt pour faire naître des bébés génétiquement modifiés puisque ce régime prévoit le transfert des embryons à des fins de gestation ».
Vers une traque des caractéristiques génétiques ?
L’article 19 du projet de loi prévoit un élargissement du diagnostic prénatal : ce dernier ne sera donc plus limité à la détection mais comprendra également la « prise en charge in utero chez l’embryon ou le fœtus » d’une affection d’une particulière gravité. En parallèle, « la femme enceinte est également informée que certains examens de biologie médicale à visée diagnostique mentionnés peuvent révéler des caractéristiques génétiques fœtales sans relation certaine avec l’indication initiale de l’examen et que, dans ce cas, des investigations supplémentaires, notamment des examens des caractéristiques génétiques de chaque parent, peuvent être réalisées dans les conditions du dispositif prévu ». « Comment comprendre ces nouvelles dispositions si ce n’est comme une caution du décryptage génomique du fœtus et la “traque” de ses caractéristiques génétiques ? », s’interroge la juriste de la fondation Jérôme Lejeune.
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