LE BIEN COMMUN (2/7) Principe premier de la doctrine sociale de l’Église, le bien commun ne doit pas être confondu avec l’intérêt général. Il vise l’épanouissement intégral des personnes et des groupes qui constituent la société.
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Le bien commun est un ensemble de conditions visant l’épanouissement intégral des personnes et des groupes qui constituent la société : si le politique en est le responsable ultime, chacun en est responsable à son niveau et on ne peut espérer progresser vers lui que si les corps intermédiaires peuvent vraiment tenir leur place. Il ne faut pas confondre « le » bien commun (ce qui est bon pour tous et pour chacun) avec ce que l’on appelle « un » bien commun (un avantage dont bénéficie une collectivité, mais que nul ne peut s’approprier) et il faut aussi distinguer entre « bien commun » et « intérêt général ».
Le bien commun et le bien collectif
À partir de ces définitions, on voit la différence par rapport à deux autres notions. La première, qui est une ambiguïté de vocabulaire, est la différence par rapport à ce que l’on appelle « un » bien commun et non plus « le » bien commun. Cette notion d’« un » bien commun se trouve en particulier en économie à propos de ce que l’on appelle aussi parfois « des biens collectifs », c’est-à-dire des biens dont l’usage ne peut pas être privatisé, comme pour la plupart des autres biens. Ici, on appelle donc « bien commun » un « bien collectif » dans lequel il ne peut pas y avoir d’exclusion. C’est le critère de « non-exclusion » : personne ne peut être exclu de son usage, comme un éclairage public ou l’air que l’on respire. Cela peut avoir des conséquences économiques. Comme ce bien commun n’est pas forcément gérable par le marché, il peut être géré par l’État, mais aussi par des groupes intermédiaires (par exemple, pour un phare, par une association de marins pêcheurs ou par une collectivité locale ou autre). Il faut donc bien distinguer « le » bien commun et « un » bien commun, cette notion économique qui n’a pas de lien direct avec la notion définie dans la doctrine sociale de l’Église et avec la philosophie morale.
“Le bien commun en tant que fin, à la différence de l’intérêt général, ne varie pas suivant les circonstances”
C’est une deuxième confusion que l’on fait souvent. Quelqu’un d’aussi compétent et informé que le prix Nobel français d’économie Jean Tirole, qui a publié un ouvrage sur L’Économie du bien commun (PUF, 2016), définit le bien commun comme « l’intérêt général pour la société ». Il en conclut que c’est un « choix politique qui varie d’une société à l’autre ». Or le bien commun en tant que fin, à la différence de l’intérêt général, ne varie pas suivant les circonstances (lieu, époque, contraintes et opportunités conjoncturelles, changements politiques, etc.), comme le laisse entendre Jean Tirole, car il s’enracine dans la nature de l’homme et de la femme.
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Si le bien commun a pour but véritable l’épanouissement de chaque personne, il comporte donc une dimension matérielle et une dimension spirituelle. Cela permet de comprendre la différence avec l’intérêt général. En effet, l’intérêt général, d’abord, peut entraîner des conséquences négatives sur les personnes : à la limite, le sacrifice d’une génération (ou d’un groupe) pour la génération suivante, alors que le bien commun a pour but véritable l’épanouissement, en tant que perfection morale et pas simplement affective, de chaque personne : aucune ne peut être sacrifiée à une notion abstraite comme l’intérêt général (même si, ce qui est différent, on peut aller jusqu’à risquer ou sacrifier sa vie pour sauver sa famille ou son pays, au nom du bien commun). Une autre différence est que l’intérêt général porte sur des questions matérielles, liées à l’avoir, alors que le bien commun va beaucoup plus loin, car il a une dimension plus spirituelle, liée à l’être.
L’épanouissement intégral
Le point central est que l’objectif du bien commun est l’épanouissement « intégral » des personnes et des groupes : leur développement matériel, moral et aussi spirituel. Cela suppose évidemment le respect des personnes, de leurs droits fondamentaux. Mais la notion de « plein épanouissement » va bien au-delà des questions matérielles, économiques (même si cela joue un rôle) : c’est aussi le développement moral et c’est aussi le développement spirituel. On voit donc bien que ces conditions du bien commun ne peuvent pas se résumer aux notions économiques de croissance ou de développement. À la rigueur, s’il s’agissait de développement, il faudrait parler de « développement intégral », comme l’ont fait notamment Benoît XVI et le pape François.
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