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Pourquoi dit-on « un travail de bénédictin » ?

Calligraphie à l'abbaye de Belloc

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Axelle Partaix - publié le 19/07/19
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Notre culture et notre langue française sont fortement influencées par nos racines chrétiennes. Découvrez ces expressions que nous utilisons souvent sans soupçonner qu’elles puisent leur origine dans la tradition religieuse. Aujourd’hui : « un travail de bénédictin ».

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Un travail de bénédictin désigne un travail intellectuel de longue haleine ou un travail qui exige beaucoup de patience et de minutie. L’expression vous évoque peut-être quelques scènes du film de Jean-Jacques Annaud, Le Nom de la Rose, tiré du roman éponyme d’Umberto Ecco, où l’on voit des moines bénédictins penchés sur leur scriptorium et travailler selon leur spécialité de traducteurs, copistes, enlumineurs… tandis que les Franciscains Guillaume de Baskerville (Sean Connery) et Adso, son jeune secrétaire, mènent l’enquête.


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C’est à saint Benoît de Nursie que l’on doit la fondation de l’ordre des Bénédictins au VIe siècle. Ses principes ont inspiré de nombreux monastères en Occident où il est considéré comme le père du monachisme. La congrégation bénédictine, qui se développe de façon importante dans toute l’Europe, devient riche et puissante, son influence est considérable, notamment à la fin du XIIe siècle où elle est à son apogée. Mais, victime de sa croissance, l’ordre perd peu à peu sa vocation spirituelle aux dépends des nécessités matérielles et tombe dans la désorganisation et le laxisme. Le prestige dont il jouissait s’altère et il connaît une longue période de déclin.

En réaction, plusieurs congrégations se créent, dont les Mauristes (ou Congrégation de Saint-Maur) en 1618, en référence à saint Maur (VIe siècle), premier disciple de saint Benoît. L’objectif de la nouvelle congrégation est de restaurer la règle originelle de saint Benoît et de revenir à un régime monastique strict : séparation du monde, austérité, vie communautaire, silence et travail. Spécialisés dans les ouvrages d’érudition, les Mauristes se forgent une réputation d’excellence. Selon le dictionnaire de théologie catholique, « aucune compagnie religieuse, aucun groupement de savants n’a égal la Congrégation de Saint-Maur, ne peut même se vanter de l’avoir suivie à une assez longue distance ».

La renommée des Mauristes

Cette renommée repose sur deux piliers : la formation des religieux et l’organisation du travail. Persuadé que l’ignorance a fait de terribles ravages dans les monastères de l’Ordre, Dom Grégoire Tarrisse, le premier supérieur général, a mis toute son application « à faire fleurir les sciences dans la congrégation ». Philosophie, théologie, étude de l’Écriture sainte,  droit canonique, langues orientales, histoire de l’ordre … les Mauristes bénéficient d’une solide formation et leur manière d’étudier est « si excellente que les étrangers eux-mêmes l’ont adoptée ».



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Toutes les connaissances acquises sont ensuite judicieusement exploitées grâce à l’organisation du travail intellectuel. « Le bénédictin de Saint Maur orientait ses recherches vers l’objet le plus en rapport avec ses inclinations, le plus profitable à sa sanctification […] Chaque prieur devait discerner parmi ses religieux les plus aptes à recueillir des matériaux, à rédiger des mémoires, la congrégation toute entière devait coopérer à une œuvre entreprise et chacun était mis à même de mettre à profit ce que la collectivité avait amassé avant lui ». Résultat : ces travailleurs acharnés sont capables de mener à bien, à force de patience et par la rigueur de leur méthode, les œuvres les plus longues et les plus ardues.

Un “travail de mauriste” ?

Pour Jean-Dominique Mellot, conservateur général à la Bibliothèque nationale de France, « les Mauristes deviennent les grands référents pour l’histoire religieuse et profane. Dans certains domaines, ils se mettent même à supplanter les Jésuites. On peut dire que ce sont les pères de l’historiographie française. Trois de leurs principaux ouvrages présentent un caractère fondateur dans le champ de la recherche historique, dont le fameux De re diplomatica (publié en 1681)  de Dom Jean Mabillon qui a marqué un véritable tournant dans l’étude critique des documents et de leurs sources ».

Mais l’Histoire n’est pas de tout repos. Sévèrement affecté par la crise janséniste, l’Ordre de Saint-Maur est finalement victime de la Révolution Française. Après 175 ans d’existence, la congrégation est supprimée par l’Assemblée Constituante et ses religieux sont dispersés. Restent une impressionnante collection d’œuvres et d’ouvrages monumentaux, références indispensables aux études historiques sérieuses, et une expression représentative de leur travail considérable.  Et Jean-Dominique Mellot de préciser : « on devrait d’ailleurs dire “travail de mauriste” pour être tout à fait exact ! ».

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