À l’heure du progressisme dominant, le bienheureux Frédéric Ozanam, fondateur de la Société St-Vincent-de-Paul, nous aide à comprendre que le progrès athée, tourné vers lui-même, n’est pas le sens chrétien du progrès, « essor spontané de l’homme vers un être qui vaut mieux que lui ».
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Le progressisme fait son grand retour en politique. Les anciennes dénominations politiques sont désormais ringardisées. Le socialisme semble enseveli avec la déconfiture électorale du PS tout comme le communisme réduit à l’état de mort-vivant à travers un PCF qui peine autant à exister qu’à disparaître. Quant au libéralisme, il n’a jamais été aussi fort qu’aujourd’hui mais sa « marque » passe mal dans notre pays. Progressisme devient donc le nom de l’idéologie dominante, de ce libéralisme non-assumé, de la ligne d’une République en marche écrasant tout sur son passage.
Le progressisme à marche forcée
Mais de quel progrès parle-t-on ? La destination de la marche n’est pas claire. Certes, il est pragmatique, Emmanuel Macron peut tenir un discours conservateur sur les institutions et son progrès n’est pas une tabula rasa. Mais le débat sur la PMA, et l’exclusion d’Agnès Thill, augure d’un progressisme ressemblant fort à une marche forcée vers le transhumanisme.
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Pour autant, le progrès est une aspiration légitime de l’homme, tout en l’homme vise à une amélioration, une quête d’un mieux-être, d’un monde meilleur. Le Christ nous demande de progresser : « Soyez parfait comme votre père céleste est parfait » (Mt 5, 48). La conversion est un progrès, le Salut est l’aboutissement ultime du progrès, le sens de notre marche derrière le Christ. Bien entendu, le progrès chrétien n’est pas une table rase de notre passé, il est légitime de conserver ce qui est bon. Nous avons été créés par Dieu, ne renions pas notre nature. Mais nous sommes avant toute chose appelés à progresser, à revêtir l’homme nouveau en accueillant la grâce.
Mais le progrès dans le sens chrétien n’est pas le progrès athée. La Jérusalem Céleste n’est pas la Tour de Babel, un salut par la technique, comme celui que nous propose le transhumanisme.
Le progrès centré sur le moi…
En 1835, Frédéric Ozanam a écrit Du progrès par le christianisme, un texte original décrivant les deux progrès : chrétien et athée. Le progressisme athée du XIXe siècle, exclusivement rationaliste, rassemble tous les travers de nos sociétés contemporaines : désir de puissance, exploitation sans frein de la nature, jouissance sans fin et même projet de longévité extrême qui annonce explicitement le transhumanisme car les rationalistes cherchaient « le développement progressif des facultés et la multiplication proportionnelle des jouissances, la réhabilitation des penchants physiques, et l’exploitation du globe à leur profit, et, dans une lointaine perspective, la prolongation peut-être indéfinie de la vie terrestre ». Hubris de l’homme centré exclusivement sur son ego qui va jusqu’à une divinisation de l’humanité :
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« La raison, au contraire, quand elle s’empare de la direction de l’homme et veut le soumettre à la rigueur de ses procédés logiques, le rappelle d’abord de toute contemplation étrangère, recueille ses forces et les concentre dans l’étude du moi. C’est dans le moi qu’elle veut découvrir l’élément générateur de ses connaissances et le mobile suprême de ses déterminations. […] Cause, substance, esprit, matière, Dieu, monde, société, ce sont autant de conceptions du moi, de transformations du moi, c’est toujours le moi : toute existence vient s’abîmer dans l’existence personnelle, et les fondements sont jetés d’un monstrueux panthéisme. Celui qui ne connaît que soi ne peut aimer autre chose. »
… est un immobilisme
Il dénonce cette folie en affirmant que le progrès centré sur le moi ne conduit qu’à l’immobilisme…
« Celui donc qui s’est divinisé dans sa pensée, qui ne se sent protégé par aucun pouvoir supérieur au sien, et que rien n’assure de la légitimité de ses prévisions, celui-là serait insensé de délaisser un présent qu’il possède pour un avenir que peut-être il n’atteindra pas, et de se mouvoir quand le mouvement peut causer la mort. Le voilà donc condamné à rester face à face avec soi-même, éternellement assis et pétrifié en quelque sorte, dans la position fatale où la pensée de l’égoïsme est venue le saisir. »
En revanche, le progrès par le christianisme est une marche vers un autre plus grand que nous. C’est un chemin vers le Créateur qui s’est révélé à nous, ce qui donne un sens à notre vie et nous mène vers les autres. « Le progrès, dans son acception la plus haute, est donc l’essor spontané de l’homme vers un être qui vaut mieux que lui. » Ce n’est donc pas une marche vers un concept désincarné fabriqué par la raison car « on n’aime point des idées abstraites, et le type parfait qui attire la volonté, si vivante et si active, doit être vivant comme elle ».
Un progrès libérateur
Le progrès chrétien nous libère de nous-même, il nous invite à nous tourner vers le Christ et où se trouve le Christ ? Dans le plus petit que nous devons aimer et protéger ! En somme, il nous appelle à construire la civilisation de l’amour. C’est ce progrès que nous devons défendre dans la Cité. C’est ce progrès qu’a défendu Ozanam en 1848 avec son journal l’Ère nouvelle, au nom tourné vers l’avenir. Un progrès qui n’est pas une quête de puissance, de liberté sans limite et de croissance infinie des richesses, mais un progrès social pour une société plus juste et un progrès politique pour plus de participation au bien commun.
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La meilleure réponse que nous devons donner au progressisme est donc la proposition d’un progrès intégralement humaniste centré sur la solidarité, l’aide aux plus faibles, le respect de la création (donc de l’homme) et la démocratie. Un progrès chrétien qui n’est pas sans rappeler ce que firent les démocrates-chrétiens en Europe après 1945, à ceci près qu’aujourd’hui nous pourrions appeler cela « écologie intégrale » avec l’inspiration de l’encyclique Laudato si qui prolonge la doctrine sociale de l’Église.