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“Le choc de l’islam avec la modernité est une déflagration qui fait trembler le monde”

Le père Henri Boulad

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Sylvain Dorient - publié le 12/07/19
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Le prêtre égyptien et jésuite Henri Boulad livre une analyse décapante des relations entre islam et christianisme, à la lumière de la rencontre entre le pape François et le Grand Imam d’Al-Azhar Ahmad Al-Tayeb à Abou Dhabi.

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Le père Henri Boulad est connu pour ses prises de positions sans concessions sur l’islam. Il insiste sur la nécessité d’un dialogue entre chrétiens et musulmans qui ne laisse aucune place à la “compromission et au mensonge”. Craignant la chute de l’Occident chrétien, il a notamment loué la politique “courageuse” de Viktor Orban, le président hongrois, ce qui lui a valu d’obtenir la nationalité de ce pays.

Aleteia : Lors de la rencontre d’Abou Dhabi, le pape et l’imam d’Al-Azhar ont signé un texte affirmant entre autres que “la liberté est un droit de chaque personne”. Y voyez-vous un signe d’espoir pour les relations entre les deux monothéismes ?
Père Henri Boulad : Ces deux grandes religions sont confrontées à la modernité. Dans une certaine mesure, notre Église catholique n’est pas sortie du Moyen Âge : elle pense en terme de chrétienté. Elle voit le village bien organisé, avec le clocher qui le domine. Les choses ont changé ! Le monde moderne ressemble à une image employée par le théologien Harvey Cox. Il dépeint la plus grande cathédrale de Manhattan, celle de St Patrick, comme écrasée par les bâtiments qui l’entourent. Vue du haut de ces orgueilleux gratte-ciel, elle apparait comme au fond d’un gouffre ! C’est un choc, mais un choc salutaire.



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L’Église a souvent eu la tentation du Grand Inquisiteur dépeint par Dostoïevski. Elle craint de laisser l’homme exercer son libre arbitre. Ne risque-t-il pas de se tromper ? Ne faudrait-il pas éviter de prendre des risques et pour le bien même des fidèles, les contraindre à faire le bon choix ? C’est une faute… Les hommes sont adultes, on ne peut pas leur imposer une religion, sinon il n’y a plus de place pour la foi. Mais cette liberté fondamentale de l’homme met en péril les structures religieuses. L’Église est ébranlée par le sécularisme. Et les scandales achèvent de la mettre à terre !

Face à cette Église dont vous donnez une vision très pessimiste, l’islam paraît sûr de lui et triomphant…
Ne croyez pas que je sois pessimiste à l’égard de l’Église, je suis au contraire infiniment optimiste. Elle renaîtra, différente, plus belle. Cette modernité qui la secoue si fort, c’est elle-même qui l’a enfanté ! Pour l’islam, les choses sont très différentes, il n’a rien à voir avec la modernité. Depuis le IXe siècle, une chape de plomb y a été coulé. On a figé l’interprétation du Coran, empêché toute évolution. À présent que les sociétés musulmanes reçoivent la modernité, elles ne sont pas épargnées par le sécularisme que l’on constate en Occident. Bien au contraire ! Elles le reçoivent avec beaucoup plus de violence que le christianisme.

Vous avez le sentiment que l’islam est ébranlé ?
Bien plus que cela. Le choc de l’islam avec la modernité est une déflagration qui fait trembler le monde ! Je vois les jeunes générations remettre en cause la religion de leurs parents, en Égypte, mais aussi dans les pays musulmans que je connais. Elles accèdent à l’information via Internet, via des chaînes de télévision satellitaire que les régimes ne savent pas crypter.


POPE AUDIENCE
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On n’imagine pas, en France, l’influence de prédicateurs comme le père égyptien Zakaria Boutros, qui connaît le Coran et les Hadiths sur le bout des doigts et qui en démontre les contradictions. Il a des millions de téléspectateurs partout, y compris en Arabie Saoudite. Attention… Je ne dis pas que l’islam est fini, mais qu’il est profondément ébranlé. C’est ce qui explique d’ailleurs qu’autant de problèmes éclatent maintenant.

Vous imaginez des changements radicaux pour ce siècle, quels conseils donneriez-vous à ceux qui vont les vivre, les jeunes d’Égypte ? Les jeunes de France ?
Aux jeunes d’Égypte, je conseillerais de se cultiver, de réfléchir. Et s’ils ne peuvent pas le faire chez eux, qu’ils sortent pour un temps avant de revenir. Formez vous ! N’entrez pas en confrontation armée avec le gouvernement ou les islamistes, le combat serait trop inégal… Quant à la jeunesse française, je l’implore de se réveiller ! Ne vous laissez pas enfermer dans le politiquement correct. Identifiez les vrais problèmes et osez les aborder ! Et à eux tous je demande de ne pas se laisser abattre par un sentiment de fatalité. Ne croyez pas que l’avenir est fermé, que votre pauvreté ou votre petit nombre vous empêche d’agir. Ce sont les minorités qui initient les grands basculements et il suffit d’un rien pour faire basculer l’Histoire.

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