"Je suis responsable de ce que je n’ai pas été", estimait Bernanos sur son lit de mort. Une parole dure, exigeante, qui place l’homme en face de ses responsabilités en tant que maître de sa vie. Une parole qui peut heurter bon nombre de célibataires souffrant de ne pas avoir rencontré l’amour, alors même qu’ils le désirent ardemment. Comme si l’on avait un quelconque pouvoir sur sa vie amoureuse ! Si le jugement de Bernanos demeure sévère à plusieurs égards, il ouvre cependant une voie : si une personne n’est pas entièrement responsable de son célibat, en revanche, elle l’est dans le fait d’aller à la rencontre des autres, de rechercher l’amitié, le partage, l’amour. Un grand défi, pour lequel Aleteia vous donne quelques pistes.
Être en paix avec soi même
Difficile d’envisager un "nous" si le "je" n’est pas en paix. Envisager une relation amoureuse durable suppose, au préalable, d’être en paix et en vérité avec soi-même, d’avoir "liquidé ses casseroles", comme le précise le père Nicolas Rousselot, aumônier jésuite à l’École Polytechnique et animateur de sessions de discernement. "On ne peut pas rencontrer quelqu’un si on n’est pas soi-même en paix avec sa personne, son histoire, son passé", souligne-t-il. Cela suppose d’effectuer un travail sur soi, de parler, de pardonner ou de demander pardon.
Être en paix avec soi-même, c’est aussi savoir habiter sa solitude. La solitude assumée permet de s’ouvrir au véritable amour où l’autre n’est ni objet, ni béquille. Une relation amoureuse est faussée si elle est basée sur la fuite de la solitude. Le père Denis Sonet mettait en garde contre le « couplisme », ce besoin de former un couple par peur d’être seul. Un couple adulte, disait-il, réunit deux êtres qui pourraient très bien vivre seuls mais trouvent dommage de ne pas partager leurs richesses. "Si je fuis ma solitude", résume le père Nicolas Rousselot, "c’est que je n’arrive pas à habiter ma personne, mon histoire. Et tant qu’on ne franchit pas cette étape, la rencontre ne se fera pas."
Se donner les moyens de faire des rencontres
On ne fait pas de rencontre si l’on reste assis dans son canapé. À ceux qui laissent à la Providence le soin de leur trouver un mari ou une femme, le père Pascal Ide, médecin, docteur en philosophie et en théologie, répond : "Halte aux fuites dans le spirituel, du genre : “Moi, je m’occupe du Seigneur, lui s’occupe de me trouver un mari (ou une femme).” Si vous étiez au chômage, que feriez-vous ? Vous seriez en recherche active d’emploi. L’abandon à la Providence n’est pas un abandon de ses responsabilités". Et de citer la Didachè, un écrit chrétien du premier siècle : "Ce que tu peux, tu le fais. Ce que tu ne peux pas, tu le confies à la miséricorde de Dieu". Or provoquer des occasions de rencontres est tout à fait dans les cordes de tout être humain normalement constitué !
Cela sous-entend d’accepter les invitations et d’organiser des sorties ou des vacances entre célibataires, ouvertes aux amis d’amis pour rencontrer des nouvelles têtes. C’est aussi aller faire un tour à la kermesse paroissiale bien que cette idée ne vous ait jamais traversé l’esprit auparavant, ou se rendre au mariage de cette amie que vous n’avez pas revue depuis des lustres. Cela peut être le moment de vous inscrire au tennis, à l’équitation, comme bénévole dans une association, ou encore à des rassemblements dédiés aux personnes célibataires. La notion de groupe est importante. Pour le père Nicolas Rousselot, ne pas aller tout de suite vers une relation exclusive mais au contraire faire connaissance au sein d’un groupe, est bénéfique. "En face à face, je modifie ma façon d’être pour être conforme à ce que l’autre attend de moi. En groupe, on est moins dans le contrôle, il y a plus de liberté, de naturel, et c’est là que nous sommes le plus dans la vérité". Accomplir quelque chose en commun est le meilleur moyen pour augmenter ses chances de rencontrer quelqu'un. Au cours d’une randonnée, d’un pèlerinage ou dans le bénévolat, on réalise ensemble une œuvre, et "c’est dans ces moments-là que l’on voit le plus beau visage de l’autre ; la personne surgit", explique l’aumônier de Polytechnique.
Prendre des risques
Blessées par de précédents échecs amoureux, certaines personnes ont peur de s’engager à nouveau. Peur de souffrir encore, d’être déçues, de quitter leur zone de confort pour aller vers l’inconnu. Peurs légitimes mais qui entravent la liberté, ou en tout cas, en donnent une fausse idée. Une relation amoureuse suppose un engagement, et tout engagement est une prise de risque. Le père Pierre-Marie Castaignos, de la congrégation des Serviteurs de Jésus et de Marie à l’abbaye d’Ourscamp, spécialiste de la préparation au mariage, met le doigt sur la grande tentation du célibataire : garder l’infini des possibles devant soi. Il donne l’exemple d’un rond-point à mille sorties : "Il jouit d’autant de possibilités offertes et voit l’engagement comme une frustration qui ferme des possibles." Sans engagement, toutes les routes restent ouvertes ! Comment dépasser cette peur panique de l’engagement ? Une des clés réside dans la confiance, dit-il : être convaincu qu’on ne s’engage pas parce qu’on est sûr d’y arriver, mais pour y arriver.
Prendre des risques, c’est aussi oser faire le premier pas, dévoiler ses sentiments. Le risque ici est de se prendre un râteau, mais le père Sonet est direct : "Inutile d’en faire une maladie !" C’est également élargir un peu son champ d’investigation et ne pas rechercher une âme sœur qui soit la copie conforme de ce que l’on avait imaginé. Le père Castaignos invite à se laisser surprendre, par l’inconnu, par la différence, à s’affranchir des attentes parentales, parfois si pesantes qu’elles paralysent tout élan. Dans tous les domaines, la tendance actuelle est de minimiser les risques. "Mais en minimisant les risques, on minimise aussi les chances de rencontre", fait remarquer le frère d’Ourscamp.
Dépasser ses peurs et apprendre à communiquer
Une chose est de participer à un rassemblement de beaux célibataires, une autre est de savoir établir la relation. Il serait dommage de passer à côté de la femme de votre vie pour la simple raison que vous n’osez pas lui parler ! Savoir écouter est certes louable, mais il est bienvenu, pour communiquer avec l’autre, de savoir également parler, se confier, donner un peu de soi-même. Le père Denis Sonet, grand spécialiste des questions amoureuses écrivait : "Il est impossible de se situer en face de quelqu’un qui ne donne rien de lui-même. Son interlocuteur en arrive à cet éternel constat : Mais, parle de toi… dans le fond, je ne te connais pas, je ne sais rien de ta vie." Il peut s’agir de timidité, mais c’est bien souvent par peur de décevoir ou de livrer ses sentiments personnels. Pourtant, assure le prêtre, "la confidence sincère de ses sentiments positifs et négatifs peut faire vibrer les cœurs".
Une attitude qui suppose de dépasser ses peurs avec courage. "Peur d’être jugé, critiqué, incompris, peur que l’autre renvoie de moi une image désagréable, peur d’être remis en question, de devoir changer, d’être dominé, manipulé, peur d’être séduit puis abandonné. Celui qui ne dépasse pas ses peurs ne communiquera jamais", analyse le franciscain et écrivain Michel Hubaut.
La parole est extrêmement importante, même si, dans nos façons de vivre aujourd’hui, on va très vite dans la relation d’intimité, analyse le père Rousselot. La relation, dans son exigence de parole, de projet, est première. "Si on met le plaisir avant la relation, ça ne durera pas".
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