La fascination pour les récits fantastiques terrifiants ne touche pas seulement les adolescents : les théories catastrophistes et complotistes sont aussi dans l’air du temps. Cette attirance apocalyptique est aussi une soif de révélation à laquelle peut répondre le sens chrétien de l’Histoire.Depuis une dizaine d’années, la dystopie est un genre littéraire dont le succès ne s’épuise pas chez les adolescents et les jeunes adultes. Une dystopie est une utopie qui tourne au cauchemar, une anticipation romanesque d’un monde totalitaire où la manipulation des esprits règne en maître, au nom du Bien et du bonheur. Comment expliquer cette attirance pour les Hunger games, Divergent et autres romans ou films du même acabit ? Nos adolescents ont-ils une prescience du monde qui vient ? Ressentent-ils à ce point une angoisse de l’avenir qu’ils finissent par manifester une forme de fascination-répulsion pour le « côté obscur de la force » ?
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Catastrophisme et complotisme
Un autre phénomène émerge : le collapse, mot qui signifie effondrement. La collapsologie est une théorie de l’effondrement inéluctable de notre civilisation moderne : un effondrement technique, économique, financier, écologique. Il faudrait s’y préparer en adaptant d’ores et déjà nos modes de vie, en nous habituant à une certaine frugalité, à cultiver la terre, à vivre avec une économie de moyens technologiques. L’idée d’un avenir sombre est ainsi dans l’air du temps. Le catastrophisme est en vogue, il trouve un certain écho dans la jeunesse ; et il n’est pas l’apanage exclusif de quelques farfelus isolés. Par exemple, combien de scientifiques très sérieux annoncent aujourd’hui un monde invivable dans 30 ou 50 ans à cause du réchauffement climatique ?
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N’oublions pas, dans ce tableau d’ensemble, ce que l’on nomme le « complotisme ». Ce phénomène est souvent abordé de manière superficielle, pour décrédibiliser ceux qui se méfient des vérités réputées trop « officielles » pour ne pas être suspectes, ou pour moquer ceux qui relaient des extravagances sur les Illuminati ou les reptiliens.
Une recherche légitime
Il faudrait regarder plus en profondeur ce que ce phénomène déroutant traduit. L’attirance pour le complotisme caractérise la recherche d’une explication du monde, de son histoire et de sa fin. Ce qui est attendu, c’est une grille de lecture systématique des événements du monde, qui intègre la face cachée de l’histoire, les puissances invisibles à l’œuvre ; et une compréhension de la lutte finale du Bien contre le Mal.
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Il existe ainsi une soif de révélation, en quelque sorte une soif d’Apocalypse, puisque ce mot mystérieux signifie précisément « révélation ». Il n’est pas rare que lorsqu’un jeune sans culture religieuse s’intéresse à la Bible, il se plonge dans l’Apocalypse de saint Jean. Ce texte recèle en effet des représentations symboliques et imaginaires propres à intéresser un jeune en quête de compréhension de l’histoire invisible.
Le sens chrétien de l’histoire
Il y a ici un défi pour le christianisme, un espace ouvert à occuper. N’oublions pas que le christianisme porte un récit complet et cohérent de l’histoire des hommes et de ce monde, depuis l’origine jusqu’aux fins dernières. Le temps est donc peut-être venu de remettre pleinement en lumière ce récit, et particulièrement la question des fins dernières. Ce serait une manière de manifester, non pas un optimisme béat qui voudrait conjurer le pessimisme ambiant, mais le message de fond de l’espérance chrétienne : à travers les vicissitudes et les mystères de l’histoire visible et invisible, le monde court non pas à sa perte mais à son Salut.
Chronique publiée en partenariat avec Radio Espérance, 28 juin 2019