La notion de « réparation » a souvent été associée à la dévotion du Sacré Cœur. Mais quelle réalité spirituelle recouvre exactement ce terme ?
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Dans le langage courant, le verbe « réparer » signifie restaurer ce qui a été endommagé, ou bien compenser les effets d’une faute. Par exemple, un voleur réparera en restituant au volé l’équivalent en argent du bien qu’il lui a dérobé (si celui-ci n’existe plus ou a été vendu). Réparer, c’est aussi rétablir dans ses droits celui qui a été lésé.
Qu’est-ce que la spiritualité de réparation ?
À partir de ces définitions, quel lien établir entre la notion de réparation et le Sacré Cœur ? Jésus a-t-il été lésé ? Ses droits ont-ils été bafoués ? En fait, pour bien comprendre la spiritualité de la réparation, il est nécessaire de sortir d’un cadre juridique trop étroit. Ce n’est pas tant pour ses droits (à être vénéré pour le salut qu’il nous a acquis) que le Christ souffre, mais dans son amour méprisé. C’est de cela qu’il se plaindra à sainte Marguerite-Marie à Paray-le-Monial. Le Cœur de Jésus est meurtri de l’oubli dans lequel est tombé l’amour dû à son Père et à la rédemption qu’il nous a acquise au prix de son sang. Réparer l’ingratitude des hommes consistera donc pour nous à aimer davantage le Christ, et nous n’y arriverons que si nous consentons auparavant à nous laisser aimer par Lui.
Mettre l’amour là où il n’y en a plus
Réparer équivaut ainsi à suppléer l’amour refroidi des frères de Jésus pour lui. Comment se traduit une telle réparation ? En fait, plusieurs voies existent pour cela : l’adoration eucharistique, l’action de grâce, la pratique de l’heure sainte. Il en est une autre sur laquelle la spiritualité récente a plus particulièrement insisté : Jésus désire que nous redoublions de charité les uns pour les autres. Ainsi, nous le consolerons dans notre prochain.
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Concrètement, le « réparateur » sera appelé à mettre l’amour là il n’est pas. Dans le mystère de la communion des saints, certains portent le poids de leurs frères, ou bien leur défection. Par exemple, dans un monde apostat, l’ami de Jésus consacre davantage de temps à la prière afin de compenser l’oubli dont le Christ est victime. D’autres portent, dans leur chair ou leur esprit, l’égarement du monde, ce monde qui se trompe de cible (c’est la définition du péché) en substituant au Dieu d’amour, le sexe et la réussite à tout prix : à cette fin, ils se sanctifient en résistant aux tentations de cette nature lorsqu’elles les assaillent.
Redoublant d’amour pour remédier au manque d’amour de ses frères pour leur Sauveur, le croyant-réparateur peut également intercéder en leur faveur auprès de Dieu. Comme on le voit, la palette d’action de la spiritualité de réparation est très large.
Le réparateur est-il condamné à souffrir ?
Est-il nécessaire que cette réparation s’effectue sous mode de souffrance ? C’est un des reproches que l’on a adressé à cette spiritualité. En fait, si souffrance il y a, cela tient à ce qu’un mystérieux échange de places s’opère entre les réparateurs d’un côté, et les pécheurs de l’autre. Les premiers prennent la place des seconds afin de mettre l’adoration là où règne l’indifférence, tandis que les pécheurs leur laissent les conséquences de leurs égarements. Ce qui explique, par exemple, que les démons assiègent les réparateurs comme si c’était eux qui avaient offensé la Majesté ! Cependant, comme les réparateurs sont appelés à prier continuellement, ils peuvent vaincre, à la place des pécheurs, les mauvais penchants dans lesquels ces derniers se complaisent trop souvent.
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Pour autant, la souffrance est-elle purgative et méritoire ? Dieu nous demande-t-Il de souffrir pour sauver le monde ? Non, c’est la charité qui sauve le monde. La souffrance n’est que la conséquence de cet échange de places entre le pécheur et le juste. D’une part, la souffrance découle du péché ; d’autre part, comme le juste prend la place du pécheur, forcément il souffre, de la même manière que Jésus, après avoir pris sur lui nos péchés, est mort sur la Croix. D’ailleurs, c’est la Croix qui est normative dans cet échange. Les saints ne font que s’inspirer, avec leur génie propre, de la logique de la Croix. Les réparateurs ne sont pas des victimes du courroux de Dieu, mais des ouvriers de Sa charité. Une souffrance sans charité ne ferait qu’ajouter au malheur du monde. Les réparateurs prennent la place des pécheurs afin de les soulager et de les libérer, et surtout de les faire bénéficier en retour des grâces divines et des fruits de leurs propres sacrifices et de leurs victoires.
Jésus mendie notre amour
Au fond, la spiritualité de la réparation se résume à rendre amour pour amour, et consoler ainsi le Cœur de Jésus. C’est en cela qu’elle est intimement liée à la dévotion du Sacré Cœur. Aucune voie ne conduit mieux au centre de cette spiritualité que la conviction, qui est celle du réparateur, que Dieu, en Jésus, s’est fait mendiant d’amour. C’est en fonction de cette soif de Jésus que la réparation pèse d’un tel poids dans le culte rendu au Sacré Cœur. Hors de là, elle se perdrait dans un juridisme dans âme.