“La rencontre est une fête”, tel est le thème de la Nuit du handicap qui se tiendra ce week-end pour la deuxième année consécutive dans de nombreuses villes de France. Aleteia a rencontré Nicolas Karasiewicz, qui organise l’événement à Lille.
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Forte du succès de sa première édition, La Nuit du handicap frappe à nouveau dans 24 villes de France ce samedi 15 juin 2019. Pour cette deuxième édition, huit nouvelles villes se lancent dans l’aventure, parmi lesquelles Fort de France, Nantes et Sens, qui s’ajoutent à Paris, Lille, Angers… L’objectif de cette nuit ? Dans des lieux visibles, au cœur des villes, célébrer la différence et inviter les personnes valides à découvrir les innombrables richesses des personnes avec un handicap à travers des spectacles, témoignages, danses, ateliers…
Nicolas Karasiewicz coordonne l’édition lilloise. Cet homme de 32 ans a mille et une cordes à son arc. Marié, père de trois enfants, multi-engagé, il a fondé en 2017 Tyresias, une startup sociale. Car le handicap, le gaillard le connaît de l’intérieur. Déficient visuel, il est quasiment aveugle et doit utiliser une canne blanche pour se déplacer. L’objectif de la petite entreprise qu’il a créée est d’éveiller les consciences et de montrer que les personnes avec un handicap visuel ont des talents et des compétences à apporter à la société. “Je suis parti de mon expérience, de mon vécu, pour créer quelque chose à mon image”, explique-t-il.
Tyresias agit auprès des entreprises dans plusieurs domaines : la sensibilisation et la formation, le conseil et l’accompagnement qui permettent de définir une vraie stratégie d’accueil de la personne handicapée, et enfin l’innovation. “Pour cela, nous utilisons la méthode design thinking, qui vient des États-Unis. Elle consiste à partir du besoin de la personne handicapée pour créer de l’innovation. C’est de l’innovation inversée. On peut prendre pour exemple ce terminal de paiement tactile accessible aux déficients visuels qui a été créé l’année dernière. Et cela commence sérieusement à intéresser pas mal de monde. On revient finalement à l’essentiel, à l’humain. En France, les personnes handicapées représentent 12 millions de personnes, ce qui fait tout autant de consommateurs”, avance-t-il. D’où la nécessité d’imaginer des solutions adaptées à leurs besoins. “Si on propose une offre cohérente, on n’arnaque pas le client”, argue-t-il. “C’est important d’avoir une conception universelle des produits qui prenne en compte un produit utile à tous et utilisable par tous”.
Avec nos différences, nous avons tous des ressemblances. Nous avons tous notre place dans la société.
Si son parcours de vie n’a pas toujours été facile, Nicolas Karasiewicz a toujours su se redresser. “Il y a beaucoup de choses que je ne peux pas faire : conduire, faire des travaux chez moi, lire un livre papier… Mais j’ai la chance de rencontrer des gens qui peuvent m’aider, de pouvoir communiquer, inter-agir avec les autres. J’ai ce besoin presque compulsif de discuter avec les gens. Je ne me sens pas isolé. Parfois j’ai eu des soirées difficiles, parfois j’ai été décontenancé, vidé. Mais j’ai toujours pu repartir le lendemain matin”.
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Lui-même s’est beaucoup cherché professionnellement. “En dix ans, j’ai passé 900 entretiens d’embauche, j’ai envoyé entre 2.500 et 3.000 candidatures spontanées, j’ai passé 200 concours, j’ai monté cinq boîtes”, lance-t-il d’un ton énergique. “De la contrainte ressort forcément quelque chose de positif”, argue-t-il. Son déclic a eu lieu à la lecture de Changer le monde en 2 heures. “Cela m’a fait prendre conscience qu’à mon niveau, la plus petite action peut avoir de l’impact à partir du moment où je sais qu’elle en a. Ce n’est pas un secret : l’emploi des personnes handicapées, c’est compliqué. Mais il est possible de redevenir acteur de sa vie. La société a besoin des personnes handicapées comme de n’importe quel autre citoyen”. Le jeune entrepreneur fourmille d’idées et de projets, engagé dans plusieurs associations, projetant un prochain saut en parachute… “Je ne me mets plus de barrières. La société se charge parfois de m’en mettre quelques-unes”, ajoute-t-il. “Le handicap peut aussi être un potentiel. Je me dis souvent que je n’ai pas la vue mais que j’ai plein de choses qui fonctionnent. Mon handicap m’a permis de rencontrer des gens que je n’aurais jamais rencontré si j’avais été voyant”, poursuit-il avec une pointe d’humour.
La rencontre, le “meilleur outil”
La Nuit du handicap qu’il coordonne en est le reflet : “L’an dernier, nous avons pu monter quelque chose de très ambitieux parce que nous y croyions. Nous sommes là pour montrer que tout le monde a des talents et que malgré certains signes distinctifs (une prothèse auditive, une canne blanche…) on peut passer un moment convivial, apprécier le sport, la musique”. Il prend l’exemple de la fête de la musique, que personne ne songerait à remette en question aujourd’hui. La Nuit du handicap se veut elle aussi un rendez-vous immanquable à sa façon. “Le handicap peut vraiment créer du lien entre les générations. “La rencontre est une fête” et cette rencontre, c’est le meilleur outil dont nous disposons aujourd’hui pour faire passer notre message”.