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Ces mots qui parlent du mystère du monde

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Bernard Plessy - publié le 12/06/19
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Une grande partie de la poésie contemporaine a déconcerté les lecteurs les mieux disposés. Elle est trop souvent hermétique : suite de mots affranchis d’un sens élémentaire, il semble qu’elle ne veuille rien dire. Tel n’est pas le cas de Paul Guillon, connu des lecteurs d’Aleteia qui ont bonne mémoire pour son recueil “Tes empreintes”, présenté en mars 2015 sous le titre “Un recueil de neige”.

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Voici, cinq ans plus tard, un nouveau recueil La couleur pure. Avec ce jeune poète très contemporain, immédiate est la réconciliation avec ce genre primordial. Prenons les premiers vers. Le titre : Agrigente. Le poète est devant les ruines du temple de Zeus, dont le guide restitue histoire et architecture. Lui observe des “signes” : poursuite d’oiseaux entre les colonnes, jetons lancés par une main invisible. Question : qu’est-ce que cela veut dire ? Pour lui tout se passe comme si la réalité perceptible et explicable recouvrait une réalité d’un autre ordre, qui voudrait nous parler, mais ne possède qu’un langage muet et même secret. La mission du poète serait de délivrer ce message, de prêter voix aux lieux, aux monuments, aux êtres pour leur faire dire ce qu’ils veulent nous dire. Haute mission, dont on peut tracer la lignée d’Orphée à René Char, mais dont le risque est l’obscurité ésotérique.


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Rien de tel avec Paul Guillon, qui est un sage bien plus qu’un mage. S’il s’exerce à aller au-delà des apparences pour accéder à une forme de vérité. La preuve en est qu’il pratique ce que Baudelaire appelle les correspondances. Le poète à lui seul, avec ses mots, ne suffit pas à cette tâche. Il y a les sons, il y a les couleurs, les musiciens et les peintres. Le titre du recueil dit que Paul Guillon privilégie les peintres. Historien de l’art, chez eux il est chez lui. Le vrai compte rendu de ce recueil serait de le suivre en Italie, où l’on rencontre Annibal Carrache, Duccio, Vitale da Bologna, Fra Angelico, Caravage, combien d’autres – et de voir qu’à chaque fois la conjonction, le partage fait merveille.

Et puis, gardé de toute vaticination (c’est un risque : vates c’est le poète inspiré !), Paul Guillon l’est par ses tout jeunes enfants, Brune et Côme. Eux aussi ont à dire, et ils disent, comme les enfants à l’âge théologique. Mais il faut leur prêter voix. C’est exactement ce que fait leur père dans la belle suite Enfances :

Tu es à ce moment dont parle tout poème
Où tu devines notre langage
Où tu nous parles sans paroles…

Et c’est tout surnaturellement que suit La Vie cachée, celle de l’Évangile de l’Enfance, de la Fuite en Égypte au Recouvrement au Temple, Annonciation, Visitation, Nativité, les mystères joyeux, si vite passés pour Marie, si lourds déjà de menace avec le glaive de douleur de Siméon.



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Mais si faut-il mourir… La dernière suite achève le cycle de toute vie humaine. Elle le fait avec les premiers mots du rude sonnet de Jean de Sponde, où l’on peut lire : « L’huile du tableau ternira ses couleurs… ». Et pourtant « les couleurs de la douleur » peuvent être pures elles aussi. Le malade qui a perdu la parole écrit sur une ardoise, comme Zacharie sur sa tablette, des mots de tous les jours : recherche tâtonnante de la Parole toute proche. Le poète mourant pense au seul vrai poème qu’il aurait voulu écrire. Et maintenant qu’il ne peut plus écrire, le poème est enfin là.

Mystère du monde : le vrai poète est celui qui a les mots pour le dire. Ceux de Paul Guillon sont les nôtres. Son métier est de les choisir et de les accorder. Riches ou pauvres, cela n’importe pas : justes. Pour donner sens à notre vie et la montrer dans sa secrète beauté.

livre la couleur pure

Paul Guillon, La couleur pure, Ad Solem, 90 p., 14,90 euros.

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