Historiquement, l’oubli des corps intermédiaires a créé un débat vicié entre individualisme et collectivisme. Dès le XIXe siècle, l’enseignement social de l’Église a dénoncé la réduction des corps intermédiaires.
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Pour comprendre la genèse de ce problème, il faut remonter à la Révolution française et au système des corporations qui existaient sous l’Ancien Régime. On se souvient que, dans un premier temps, ce qui était réclamé par beaucoup de personnes, notamment dans les Cahiers de doléances, a conduit au décret d’Allarde qui a supprimé les corporations en 1791 ; il est vrai que les corporations étaient souvent devenues un obstacle au libre choix de sa profession, à la liberté du travail, etc.
Regroupements interdits
Mais quelque temps après, toujours en 1791, la loi Le Chapelier est allée beaucoup plus loin en interdisant tout regroupement et notamment les regroupements des employeurs ou des salariés pour défendre leurs « soi-disant » intérêts communs. En clair, cela voulait dire l’interdiction des syndicats, qu’ils soient patronaux ou qu’ils soient salariés, et la suppression de toute forme de corporation. Quand Napoléon remit un peu d’ordre dans le système juridique français, son Code pénal interdit pratiquement toute forme d’association, puisqu’il fallait l’autorisation du ministère de l’Intérieur et que celle-ci était en pratique très peu donnée.
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Dans les faits, le XIXe siècle s’est ainsi développé sans possibilité de défense des salariés avec des syndicats, les laissant sans possibilité ou avec très peu de possibilités de défense sur le plan social. Même les sociétés de secours mutuel étaient très limitées et surveillées, alors qu’elles auraient pu contribuer à la protection sociale, et elles n’ont pu se développer que lentement. La « question sociale » — autrement dit la défense des ouvriers — trouve largement son origine dans ce refus des corps intermédiaires.
L’Église défend les corps intermédiaires
Tout naturellement, le débat s’est porté entre le tout-individu et le tout-État, puisqu’il n’y avait plus rien entre les deux. À partir du milieu du XIXe siècle, se sont donc opposés les partisans du collectif, inspirés surtout par Marx et le manifeste du parti communiste (1848), avec ceux qui insistaient sur le communautaire et donc l’État, et ceux que l’on appelait les « libéraux », qui, pour simplifier, insistaient sur l’individu et donc sur l’individualisme.
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Ce qui manquait à toutes les sociétés de l’époque, à commencer par la France, c’est cet ensemble que l’enseignement social de l’Église a appelé « les corps intermédiaires ». Par corps intermédiaires, il faut comprendre tous les regroupements naturels et sociaux qui structurent à la fois la personne et la société. Le Compendium de la doctrine sociale de l’Église désigne ainsi « la famille, les groupes, les associations, les réalités territoriales locales, toutes les expressions associatives de type économique, social, culturel, sportif, récréatif, professionnel, politique auxquelles les personnes donnent spontanément vie et qui rendent possible leur croissance sociale effective » (n. 185).
Quand la doctrine sociale de l’Église est née en 1891 avec l’encyclique Rerum Novarum, l’une des priorités essentielles du pape Léon XIII a été justement de rétablir ces corps intermédiaires. On voit bien qu’au XXe siècle, la préoccupation est restée la même, bien que l’on ait quand même avancé, en France par exemple, avec la loi sur les syndicats en 1884 et la loi sur les associations en 1901. Mais le problème est resté important, car ces corps intermédiaires sont souvent restés faibles, fragiles et menacés.
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