Ces deux Françaises, qui se définissent comme des ermites apôtres, se sont installées au Liban où elles vivent une vie semi-érémitique ensemble depuis 2001. Leur charisme singulier montre la diversité des appels au sein de l’Église.
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Avec leur habit blanc surmonté d’un capuchon et leurs visages réjouis, elles contrastent avec l’image d’austérité figée que l’on pourrait avoir de la vie érémitique. Mère Brigitte May (que l’on appelle “Amma”, ce qui signifie “mère”) et sœur Laurence Delacroix, ermites apôtres, vivent une vie semi-érémitique dans la montagne libanaise. Chacune, à sa façon, a fait une rencontre fulgurante avec Dieu. Avec ses grandes lunettes dorées, son capuchon vissé sur la tête et son impétuosité peu commune, mère Brigitte dégage un parfum d’ermite excentrique. Elle se définit d’ailleurs comme une cybermite, elle qui évangélise chaque matin sur sa page Facebook suivie par près de 5.000 personnes.
Jeune, elle a mené une folle vie parisienne, cherchant désespérément le sens de son existence, s’essayant à la drogue, au sexe, à la métaphysique, aux sectes… “J’étais obsédé par des orateurs virtuoses qui ne vivaient pas du tout ce qu’ils disaient. J’étais hantée par ce hiatus entre la pensée et l’acte”, confie-t-elle à Aleteia.
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“C’est sur cette terre que tu seras ermite”
Sa vie prend un nouveau tournant en 1984 dans sa cave d’artiste du Ve arrondissement parisien, au cours de ce qu’elle nomme sa “nuit de feu”. “L’événement fondateur a été ma rencontre personne à personne avec Jésus”, explique-t-elle. Elle a alors 31 ans. Alors qu’une amie libanaise vient de lui offrir une Bible maronite, elle l’ouvre et tombe nez à nez avec le prologue de saint Jean. “J’ai été électrifiée”, décrit-elle. Elle s’ouvre de cette fulgurante conversion au clergé parisien et se laisse ensuite guider à la manière d’une “petite enfant très simple”, selon ses mots. En 1986, elle découvre le Liban. Son premier contact avec ce pays qu’elle adoptera ensuite est à la fois très violent et merveilleux. Elle y découvre le sens de l’hospitalité et se consacre à la jeunesse libanaise meurtrie par la guerre, entendant un appel qui lui semble limpide : “Brigitte, c’est sur cette terre que tu seras ermite”. En 1994, elle se retire dans un ermitage de la montagne de Batroun, dans le nord du pays.
“Inconsciemment je le cherchais”
Le regard clair et la voix douce, sœur Laurence raconte son itinéraire. Son calme bienveillant contraste avec la fougue de sa co-ermite. Pas de doute, les deux sœurs se sont bien trouvées. Née dans une famille modeste, Laurence a peu à peu quitté la foi, menant une vie confortable de secrétaire dans une société de pêche. Elle découvre véritablement Dieu à l’âge de 28 ans, alors que des amis l’invitent à une conférence donnée par mère Brigitte. Elle est bouleversée par son témoignage. “À travers sa parole, je suis retournée à la parole du Seigneur. J’ai vécu un retournement. Il y avait une quête. J’étais séparée du Seigneur mais inconsciemment je le cherchais. Dieu n’était pas dans un ciel inaccessible mais il m’aimait moi”, explique-t-elle. Elle cherche alors le plan de Dieu pour sa vie. “Il devenait mon tout donc je cherchais comment faire sa volonté. Un jour, j’ai reçu une parole intérieure de Jésus qui me disait de reprendre contact avec Brigitte”. Sa réponse est “Que ta volonté soit faite”. Elle débarque donc au Liban en 2001. Là-bas, elle se joint à mère Brigitte.
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Une vie semi-érémitique
Ensemble, elles fondent la Laure Abana (“laure” est un mot grec dérivé de l’araméen qui désigne leurs cellules, séparées mais proches l’une de l’autre, tandis que “Abana” signifie “Notre Père” en arabe). De rite maronite et inspirée par la tradition syriaque, leur petite communauté est située à Toula, un modeste village situé au nord du Liban. Reconnue par l’Église, la communauté dispose de sa propre règle de vie et a écrit ses constitutions. Les deux sœurs mènent une vie très dépouillée faite de prière, de silence et du travail de la nature. Chaque jour, elles se lèvent entre 4h et 5h du matin. Leurs journées sont rythmées par la prière des heures et le travail de la nature. Dans leur jardin poussent cornichons, concombres, tomates, sauge, fenouil, aneth… À 16h, elles invitent ceux qui le souhaitent à vivre avec elles l’adoration du Saint-Sacrement, puis vient le temps de la méditation et de la messe.
Leur vie toute simple est entièrement tournée vers le Christ, qui les conduit vers leurs frères. Comme Ahmad, leur jardinier musulman. “Je découvre énormément avec mes frères musulmans. Ils m’ont appris la prière dépouillée. C’est un peuple qui prie”, confie Amma Brigitte. “La vie religieuse, c’est une histoire d’amour. Le retrait du monde jaillit sur le monde. Le silence dit la présence : c’est l’absence de soi-même dans la présence à l’autre”, poursuit-elle. “Nos vies interrogent”, reconnaît quant à elle sœur Laurence. Une interrogation qui ramène à l’essentiel.
Abana : ermites apôtres au Liban, par mère Brigitte May et sœur Laurence Delacroix, Salvator, avril 2019, 18 euros.
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