Bouleversée et bouleversante. Rarement une Semaine sainte n’aura été empreinte d’autant de douleur partagée, en même temps qu’un réel élan d’espoir et d’unité. Récit de ces quelques jours qui ont marqué l’histoire.
Le 15 avril dernier, les images de la cathédrale Notre-Dame de Paris ravagée par les flammes ont provoqué une sidération d’une ampleur mondiale, un immense sentiment de désolation, ainsi qu’une vague de générosité sans commune mesure. Parce qu’elle est un haut lieu de la foi catholique depuis plus de 850 ans, un chef-d’œuvre architectural et l’écrin de trésors inestimables, l’incendie de Notre-Dame a bouleversé le cœur des Français, les agendas politiques et médiatiques, et la croyance en un ordre que l’on pensait immuable.
Un Lundi saint douloureux
Il est 18h20, lundi 15 avril 2019, lorsqu’une première alarme à incendie se déclenche peu après le début de la messe. Les fidèles sont évacués, puis autorisés à pénétrer à nouveau à l’intérieur de l’édifice. Quelques minutes plus tard, à 18h43, seconde évacuation, cette fois dans une ambiance plus alarmiste. En effet, en levant la tête en direction de la toiture de Notre-Dame, on aperçoit déjà un immense panache de fumée s’élever au-dessus de la cathédrale, depuis les combles.
Parisiens du coin ou touristes de passage, croyants ou athées, une foule de plus en plus nombreuse se presse, effarée, au chevet de la Dame de pierre. Rapidement, d’immenses flammes apparaissent, courant le long de la charpente du XIIIe siècle. Vers 20 heures, elles embrasent la flèche de Viollet-le-Duc, haute de 93 mètres, qui s’effondre devant les yeux stupéfaits des témoins, en direct sur toutes les télévisions du monde. Image choquante, symbolisant le désastre en cours et l’irréversibilité de la perte. Les pompiers mobilisés mettent en place un dispositif d’envergure pour tenter de sauver Notre-Dame. Les uns s’engagent à l’intérieur du bâtiment pour mettre à l’abri le Saint-Sacrement, les reliques et le Trésor de la cathédrale, tandis que d’autres évoluent dans les escaliers en colimaçon des tours emblématiques. D’autres encore, armés de lances à eau, sont juchés sur des grues tout autour de l’édifice, et s’efforcent d’atteindre les flammes. La situation est extrêmement complexe en raison de la hauteur et de la fragilité de l’édifice.
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Notre-Dame de Paris défigurée mais debout
Le président de la République, Emmanuel Macron, annule son allocution télévisée, initialement prévue à 20 heures, au sujet des conclusions du grand débat. Il se rend sur place auprès de l’archevêque de Paris, Monseigneur Michel Aupetit. De nombreuses personnes, émues aux larmes, se regroupent autour du parvis, notamment place Saint-Michel, pour chanter et prier la Vierge Marie dans une ferveur spontanée. Tout porte à croire que ces prières ont été entendues : vers 23 heures, non seulement l’aumônier des pompiers, le père Jean-Marc Fournier, avait sauvé le Saint Sacrement et les reliques, mais on annonçait également que la tour Nord était sauvée, épargnant ainsi Notre-Dame de la destruction complète. C’est aussi à ce moment qu’Emmanuel Macron prend la parole sur le parvis de la cathédrale, répétant à quatre reprises, « cette cathédrale, nous la rebâtirons », et annonçant le lancement d’une souscription nationale dès le lendemain.
Un Mardi saint empli d’espérance
Le jour d’après est empreint à la fois d’une grande tristesse, mais aussi de messages d’espérance et de foi. Les premiers témoins à entrer dans la cathédrale ce matin-là évoquent une scène de désolation : en s’effondrant, le toit, la charpente et la flèche ont jonché l’intérieur de la cathédrale de monceaux de débris calcinés. La voûte de l’édifice, percée à trois endroits, laisse voir le ciel. Cependant, Monseigneur Aupetit rappelle que la foi des chrétiens demeure, et il les invite à “reconstruire leur Église”. Un coup d’œil sur les unes de tous les médias nationaux et internationaux donne une bonne indication de l’ampleur de l’événement et de la compassion internationale. Le pape François a tout particulièrement manifesté sa “proximité spirituelle” et sa prière.
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Incendie de Notre-Dame : ce qui a été épargné, les œuvres qui sont perdues
Ce Mardi saint est aussi le jour de l’état des lieux. Si la flèche et la charpente ont bel et bien disparu, bon nombre d’œuvres d’art ont été miraculeusement conservées tel le grand orgue, les célèbres rosaces, les statues du maître-autel, et la croix lumineuse, symbole de la victoire du Christ sur le mal. Tout au long de la journée, les promesses de dons en vue de la reconstruction affluent de toutes parts, pour atteindre plus d’un milliard d’euros en trois jours. Une première réunion de ministres, dirigée par Édouard Philippe, se tient à Matignon afin de préparer un « plan de reconstruction », point de départ d’une violente polémique qui opposera les partisans d’une reconstruction à l’identique à ceux favorables à une œuvre “adaptée aux techniques et enjeux de notre époque”, selon les mots du Premier ministre.
De son côté, Emmanuel Macron annonce ambitieusement vouloir rebâtir Notre-Dame « d’ici cinq années ». Miracle du jour : le coq reliquaire, qui surplombait la flèche de la cathédrale, est retrouvé dans les décombres, cabossé mais intact. Et une fois n’est pas coutume, les catholiques étaient à l’honneur sur les plateaux télévisés. Monseigneur Aupetit était l’invité de Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV et du journal de 20 heures sur TF1, et Monseigneur Chauvet, recteur de Notre-Dame, celui du 13 heures sur France 2.
Mercredi saint : mobilisation technique, politique et spirituelle
Mercredi, une soixantaine de pompiers sont encore déployés sur le site pour surveiller l’édifice, au niveau des charpentes et de l’échafaudage, afin d’éviter tout reprise du feu. Des poutres sont dressées pour consolider certains points de l’édifice, pendant que les experts évaluent les besoins pour sécuriser totalement la cathédrale avant de la reconstruire. Les pompiers finalisent la sauvegarde des œuvres de la cathédrale, en évacuant les dernières pièces du bâtiment.
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Les cinq questions qui se posent sur l’avenir de Notre-Dame de Paris
Dans le cadre de l’enquête, privilégiant la piste accidentelle, une trentaine de témoins, ouvriers et employés chargés de la sécurité présents sur les lieux, sont entendus par les experts judiciaires. Quant au Conseil des ministres, il est entièrement consacré à la reconstruction de Notre-Dame. Le Premier ministre annonce un concours international d’architectes pour reconstruire la flèche, ainsi qu’un projet de loi pour encadrer les dons.
Ce mercredi soir a lieu la messe chrismale, délocalisée à l’église Saint-Sulpice au vu des événements. Plus de 2.000 personnes sont présentes : les 500 prêtres du diocèse de Paris, mais aussi des fidèles, venus particulièrement nombreux. Parmi eux figurent notamment Brigitte Macron, l’épouse du président de la République, Anne Hidalgo, maire de Paris, et Christophe Castaner, ministre de l’intérieur. Monseigneur Aupetit y évoque, dans la perspective de Pâques, “la résurrection certaine” de Notre-Dame, mais aussi le relèvement de l’Église. À 18h50, heure du début de l’incendie, les cloches de toutes les cathédrales de France sonnent afin de manifester leur soutien et leur solidarité.
Jeudi saint, hommage aux pompiers
Jeudi, les pompiers sont à l’honneur. Emmanuel Macron reçoit à l’Élysée 250 pompiers de Paris ainsi que des pompiers franciliens, des policiers, des membres de la Croix-Rouge et de la protection civile. Il leur remet une médaille d’honneur pour acte de courage et de dévouement. Une cérémonie d’hommage à “celles et ceux qui ont contribué à sauver” Notre-Dame est également organisée dans l’après-midi sur le parvis de l’Hôtel de Ville.
Vendredi Saint, un chemin de croix très suivi
Quatre jours après l’incendie, le chemin de croix du Vendredi saint, présidé par Monseigneur Aupetit, rassemble largement les foules. Ce sont des centaines de fidèles, passants, touristes et familles qui viennent vivre la Passion du Christ autour de Notre-Dame défigurée, et trouver des paroles d’espoir et de consolation.