Les dix-neuf signataires de “l’Appel pour un nouveau catholicisme social”, rejoints par vingt-cinq personnalités catholiques, lancent une grande enquête sociale. « Cette France en déshérence, disent-ils, il faut savoir la connaître, l’écouter et lui parler avant de pouvoir reconstruire en son sein, et avec elle, des communautés solidaires. »Jeudi 25 avril, Emmanuel Macron a clôturé la phase du Grand Débat national en communiquant un certain nombre de mesures fiscales, sociales et institutionnelles. Que les politiques publiques annoncées soient bonnes ou mauvaises, efficaces ou non, elles ne suffiront pas à résoudre la crise du lien social qui touche notre pays. Nous portons la conviction que rien ne pourra se faire sans la mobilisation dans la durée des citoyens, c’est-à-dire sur le long terme, loin du pilotage à vue pratiqué trop fréquemment par nos politiques.
Le 9 janvier dernier, nous avons lancé dans l’hebdomadaire La Vie un appel à « penser et mettre en œuvre un nouveau catholicisme social » pour répondre à « la fracture sociogéographique » manifestée par la crise des Gilets jaunes. Cet appel a rencontré un écho favorable. De très nombreuses personnes ont exprimé le désir d’aller plus loin et de proposer des initiatives concrètes. Beaucoup de catholiques, et au-delà, sont prêts, comme l’a demandé la Conférence des évêques de France le 11 décembre 2018, à se retrousser les manches pour « aider notre société tout entière à surmonter la crise qu’elle traverse ».
Entendre la colère des oubliés
Il ne suffit pas d’être unis autour de ce trésor qu’est la doctrine sociale de l’Église et d’en reconnaître les vertus, encore faut-il se saisir de cette boussole et l’incarner dans des pratiques politiques et sociales de proximité. Ce qui nous semble prioritaire – et c’est une première étape –, c’est d’aller au contact de la sociologie des profondeurs de notre pays, là où s’exprime la colère des “oubliés”, ces invisibles qui aujourd’hui crèvent l’écran.
Cette France en déshérence, il faut savoir la connaître, l’écouter et lui parler avant de pouvoir reconstruire en son sein, et avec elle, des communautés solidaires. C’est pourquoi nous appelons aujourd’hui les catholiques et tous les hommes et femmes de bonnes volonté à la mobilisation générale pour mener une grande enquête sociale sur le terrain auprès de nos concitoyens, dès aujourd’hui et jusqu’au 15 septembre 2019.
Partir des faits et non de l’idéologie
Pourquoi une enquête sociale ? Pour aller au contact, il faut une occasion, un support. Au XIXe siècle, l’action des catholiques sociaux s’est fondée sur la rencontre, l’amitié et l’écoute, par le moyen des enquêtes sociales. Historiquement, c’est la connaissance du terrain et des personnes qui a permis aux catholiques sociaux d’avoir une influence décisive dans l’histoire de notre pays.
Il faut partir des faits et non de l’idéologie pour trouver des solutions à des problèmes concrets. Il ne s’agit pas de calquer notre vision des choses et nos convictions sur une colère que nous pensons avoir comprise, mais dont la réalité “charnelle” nous serait sociologiquement trop extérieure. Au-delà des faits, il faut connaître aussi les personnes au cœur de leurs souffrances et de leurs espérances pour pouvoir penser avec elles la manière de reconstruire le lien social.
Notre approche ne doit pas être technocratique, mais populaire et sincère : à partir de ce contact retrouvé avec nos concitoyens, nous pourrons tisser de véritables liens d’amitié civique et de solidarité.
L’étape des communautés solidaires
Quel contenu pour cette enquête ? Nous proposons cinq thèmes majeurs : les peines, les souffrances actuelles… et les joies ; les inquiétudes et les espoirs pour l’avenir ; la motivation pour participer à une démarche d’initiative civique ; les initiatives et structures existantes sur lesquelles s’appuyer pour faire vivre des communautés solidaires ; les leviers d’action à inventer au niveau local pour reconstruire le lien social et civique.
Répondre à cet appel, c’est devenir acteur de cette grande enquête sociale, dont les résultats seront restitués au quatrième trimestre 2019. Notre initiative pour un nouveau catholicisme social pourra alors aborder l’étape des réalisations concrètes dans nos terroirs, nos villes et nos campagnes, afin d’aider notre pays et nos concitoyens à construire les communautés solidaires dont nous avons tous besoin.
Les 44 signataires :
Joseph Thouvenel, syndicaliste chrétien ; Mathieu Detchessahar, docteur en gestion, professeur des Universités ; Guillaume de Prémare, délégué général d’Ichtus ; Patrice de Plunkett, essayiste ; Patrice Obert, président des Poissons Roses ; Denis Moreau, philosophe, professeur des Universités ; Emmanuel Gabellieri, philosophe, professeur à l’UCLY ; Gaultier Bès, directeur-adjoint de la revue Limite ; Pierre-Yves Gomez ; Tugdual Derville, délégué général d’Alliance VITA ; Henri Hude, philosophe ; Bernard Bourdin, professeur des universités en philosophie politique ; Antoine Renard, président des Associations familiales catholiques en Europe ; Ghislain Lafont, Président de l’Académie d’éducation et d’études sociales ; Gérard Leclerc, journaliste ; Joël Hautebert, professeur des universités ; Diane de Bourguesdon, consultante en stratégie ; Marie-Joëlle Guillaume, écrivain ; Jean-Marie Andrès, ancien président de la Confédération nationale des associations familiales catholiques ; Pascale Morinière, présidente de la Confédération nationale des associations familiales catholiques ; Martin Steffens, philosophe ; Philippe Bénéton, politiste ; Philippe d’Iribarne, sociologue ; Jean-Marie Salamito, historien ; Louis Manaranche, historien ; Chantal Delsol, philosophe ; Bernard Guéry, enseignant-chercheur ; Guillaume Bernard, historien du droit ; Bénédicte de Peyrelongue, docteur en sciences de gestion ; Éric de Labarre, président de l’ICES ; Pascal Riou, écrivain, enseignant en littérature (UCLY) ; Philippe de Roux, entrepreneur social ; Hervé Bry, CFTC métallurgie ; Philippe Royer, président des EDC (entrepreneurs et dirigeants chrétiens) ; François Vigne, président des EDC Ile-de-France Ouest ; Marc de Basquiat, président de l’Association pour un revenu d’existence (Aire) ; Paul de Viguerie, président de Visemploi, Ludovic Trollé, président de l’Institut Montalembert, Xavier Lemoine, élu local ; Vincent You, élu local ; Yvon Jacob, vice-président honoraire du Medef ; Denis Sureau, essayiste et éditeur ; Tristan de Carné, éditeur ; Henrik Lindell, journaliste.