Mgr Éric de Moulins-Beaufort, archevêque de Reims et président de la Conférence des évêque de France, était auditionné par la Mission commune d’information du Sénat sur les infractions sexuelles sur mineurs le 7 mai dernier.
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“Nous somme vraiment très déterminés”. Auditionné le 7 mai dernier au Sénat dans le cadre d’une audition sur la répression des infractions sexuelles sur mineurs, Mgr Éric de Moulins-Beaufort, évêque de Reims, récemment été élu président de la Conférence des évêque de France à la suite de Mgr Georges Pontier, a pris la parole devant une dizaine de personnes. “Je pense que c’est d’une certaine façon un honneur, un devoir aussi, de rendre compte devant la représentation nationale de ce qui se passe dans l’Église, de ce qui s’est passé, et de ce que nous faisons pour que cela ne se produise plus car ce qui s’est produit est un mal social qui atteint notre société française, et pas simplement le corps de l’Église qui serait pris comme une entité à part”, a-t-il lancé en préambule. Il a ensuite expliqué que le travail de l’Église se poursuivait, revenant sur la rencontre des évêques de France qui s’est tenue à Lourdes du 3 au 8 novembre 2018, au cours de laquelle plusieurs victimes ont donné leur témoignage. Un “moment décisif”, selon le prélat. “Un pas important a été franchi”. Il a ensuite affirmé une volonté de “co-construire avec ces personnes” [les victimes], tout en élaborant les processus mis en place, afin de bien comprendre ce qui s’est passé et de “ne pas le reproduire”.
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Mgr de Moulins-Beaufort distingue deux causes principales dans les agressions perpétrées sur les mineurs. Tout d’abord, la complexité de la relation éducative. Selon lui, elle est “plus difficile qu’il n’y paraît” et “peut facilement être déviée de la part de l’adulte”. Selon lui, au XXe siècle, les relations sociales ayant été “décodifiées”, l’adulte a dû penser à nouveau son positionnement vis-à-vis de l’enfant. Il amène une deuxième raison. “Un certain nombre d’institutions de l’Église sont considérées un petit peu comme des forteresses organisées autour de la structure cléricale, et […] un certain nombre de personnes, de jeunes, d’enfants, ou de femmes vulnérables ont pu se trouver comme enfermés sans que la structure cléricale ait de vrai vis-à-vis”. Une réalité qui a favorisé selon lui “l’exacerbation de certaines perversions” et le détournement d’un “certain nombre de relations éducatives.
De plus, selon le prélat, un certain nombre de “clivages dans l’Église de France” ont aussi pu favoriser ces affaires dans l’Hexagone. Il a notamment cité l’affaire Preynat comme une affaire significative. “Une partie de l’impunité dont a bénéficié le père Preynat a tenu à ce qu’il était considéré comme le bon prêtre qui faisait le bon scoutisme, ce qui le rendait un peu intouchable, et si l’archevêque avait eu quelque velléité d’y toucher, il aurait été accusé d’être un mauvais évêque”. Selon lui, “le pouvoir spirituel du prêtre peut créer une espèce d’aura, en tout cas une espèce de situation dans laquelle dans certains cas des abus sont possibles”. “À la base de tout cela, il y a la force d’un certain pouvoir spirituel [….] et certainement une absence de capacité de régulation de l’environnement”, a-t-il assuré.
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Le film Grâce à Dieu a rendu service
L’archevêque de Reims a expliqué avoir commencé à réfléchir à ces questions-là en 2010, alors qu’on lui avait confié une affaire concernant un prêtre à Paris. Cela l’avait conduit à proposer à Mgr André Vingt-Trois, alors archevêque de Paris, d’entamer un travail sur le sujet afin de préciser la manière de réagir en cas de plainte. Un travail qui a abouti fin 2015. Alors qu’il sera amené à rencontrer dans deux semaines Jean-Marc Sauvé, qui préside la commission indépendante “chargée de faire la lumière sur les abus sexuels sur mineurs dans l’Église catholique”, le prélat est revenu sur le récent film Grâce à Dieu de François Ozon. “Un pas important, c’est de convaincre tout le monde de l’importance du sujet, et de ce point de vue-là, le film Grâce à Dieu de François Ozon a rendu un grand service parce qu’il a permis a beaucoup de personnes qui ne voulaient pas trop regarder ces choses en faces de voir ce que c’est qu’une agression sexuelle contre un mineur”, a-t-il soutenu. Un film qui, pense-t-il, permet de comprendre à travers différents portraits comment les victimes “portent un traumatisme”. “Et ça, tant qu’on n’a pas rencontré de victime, on ne le sait pas”, a-t-il assené. Ajoutant : “Souvent on ne le croit pas, on a eu tendance à le minimiser”. Le prélat a en outre reconnu le nécessaire travail à accomplir dans la formation des futurs prêtres, puis a abordé la question des mesures de suspension vis-à-vis des prêtres coupables.
Fustigeant la culture du secret qu’il “faut absolument clarifier”, Mgr de Moulins-Beaufort s’est déclaré prêt à prendre son “bâton de pèlerin” pour réclamer un changement dans les procédures canoniques. “Pour le moment, dans le droit canon, quand une affaire concerne un prêtre, il n’est jugé que par des prêtres et je voudrais faire sauter cela. […] Pour les affaires qui sont de l’ordre du crime ou du délit je ne vois pas pourquoi un prêtre serait jugé uniquement par des prêtres ou par des clercs”. Enfin, l’archevêque a abordé la vie concrète des prêtres et les améliorations possibles à y apporter. “On a progressé, on peut progresser encore”.