C’est en voulant sauver l’Église anglicane d’Angleterre de ses périls intérieurs que le pasteur John Henry Newman redécouvrit comment la succession des Apôtres subsistait dans l’Église catholique. Défenseur de la conscience et de l’infaillibilité du pape, ce grand théologien laisse le témoignage d’une vie éprise de vérité et de sainteté.L’annonce de la prochaine canonisation du bienheureux John Henry Newman met en lumière cette figure importante non seulement de l’Angleterre au XIXe siècle, mais de l’histoire de l’Église. Comme l’avait fait sa béatification par Benoît XVI en 2010, cette annonce permet de découvrir ou de redécouvrir la richesse d’une vie et l’œuvre de ce théologien né à Londres le 21 février 1801, dans une famille anglicane.
Un « charme merveilleux »
Après des études où il se fait remarquer par ses qualités intellectuelles et sa puissance de travail, il est reçu fellow puis nommé tutor d’Oriel College, prenant sa véritable envergure d’universitaire. Sa charge académique s’accompagne d’une charge pastorale, puisque, tout en gardant le célibat, il reçoit dans l’Église anglicane, le diaconat puis le sacerdoce. Curé de St Mary’s, la paroisse de l’université d’Oxford, sa prédication touche les cœurs et attire une foule de plus en plus nombreuse. John Campbell Shairp a laissé ce témoignage : « Sa prédication avait quelque chose de particulier qui demandait à tout nouvel auditeur un peu de temps pour y entrer. […] Cela prenait quelque temps, mais quand c’était achevé, le charme merveilleux commençait à se lever en vous. » La postérité a gardé ses sermons paroissiaux comme des trésors dans l’ordre de l’intelligence de la foi.
Dans la succession apostolique
En décembre 1832, alors que s’ouvre une période difficile pour l’Église d’Angleterre, Newman part avec un ami et le père de ce dernier pour une croisière en Méditerranée. Resté seul en Sicile, il tombe gravement malade et frôle la mort. Après ce voyage qui le marquera profondément de cette conviction que Dieu l’a choisi pour être son instrument en Angleterre, Newman rentre à Oxford, où il entend Keble prêcher le sermon des Assises, On National Apostasy, le 14 juillet 1833 qui marque le début du Mouvement d’Oxford. Pour Newman et ses amis membres du mouvement, il faut sauver l’Église d’Angleterre des périls qui la menacent de l’intérieur. Newman, qui n’a plus aucune charge à Oriel College, se consacre au Mouvement et en devient vite le chef incontesté tant par sa réflexion que par l’exemplarité de sa vie. Le travail de Newman au sein du mouvement tractarien et sa lecture des Pères et des théologiens anglicans du XVIIe siècle lui font entrevoir que si l’Église anglicane voulait être elle-même, elle devait se reconnaître comme l’Église des Apôtres avec comme fondement la succession apostolique. C’est par la fidélité à ce principe que Newman arrive à la certitude intérieure que l’Église de Rome est la vraie Église, qui le déterminera à se convertir.
Saint Philippe Néri et l’Oratoire
S’ouvre alors la période catholique de Newman qui entre dans la pleine communion le 9 octobre 1845, après avoir résigné en septembre sa cure de St Mary’s et avoir donné dans l’église de Littlemore son dernier sermon anglican.
Read more:
Newman, un intercesseur pour la nouvelle évangélisation
En septembre 1846, il se rend à Rome où il se prépare à recevoir les ordres catholiques, et reçoit l’ordination sacerdotale le 30 mai 1847. Ces années romaines permettent à Newman de mieux connaître saint Philippe Néri et l’Oratoire dont le genre de vie semble convenir en raison de ressemblances avec la vie de collège menée à Oxford, conscient que son passé anglican et universitaire doit l’aider à ouvrir de nouvelles voies au catholicisme, ne serait-ce que pour mieux l’ancrer sur le sol britannique. Newman rentre en Angleterre et fonde à Birmingham une maison de l’Oratoire de saint Philippe Néri. À la demande de la hiérarchie catholique, il entreprend plusieurs entreprises, notamment la fondation de l’Université de Dublin et la traduction catholique de la Bible, qui n’aboutiront pas selon ses projets.
Le pape et la conscience
En janvier 1864, Charles Kingsley publie un article calomnieux sur le clergé catholique et demande à Newman de justifier la loyauté de sa vie anglicane. Newman donne sa réponse en publiant l’Apologia pro vita sua. Cet ouvrage sera à l’origine d’un grand rayonnement du converti d’Oxford qui lui permettra de gagner la faveur du clergé catholique, mais aussi des protestants. En 1874, par la Lettre au Duc de Norfolk, Newman répondra à la critique anglicane de la définition dogmatique de l’infaillibilité pontificale que le premier concile de Vatican venait de proclamer et qui apparaissait comme l’abdication de leur conscience par les catholiques.
Read more:
John Henry Newman, le prochain docteur de l’Église ?
Après ces différentes épreuves et attaques plus ou moins personnelles, s’ouvre pour Newman une période plus paisible. En 1877, Newman est élu fellow d’honneur de Trinity College, ce qui le remplit de joie. Et en 1879, il est créé cardinal par le pape Léon XIII qui lui permet de continuer de vivre en oratorien. C’est dans sa communauté qu’il passe les onze dernières années de sa vie et qu’il meurt le 11 août 1890.
Fidèle à la vérité
À sa mort, Newman sera salué par toute l’Angleterre, laissant le souvenir d’une profonde fidélité à la vérité. En plus du témoignage de sa vie, Newman laisse une œuvre abondante comme en témoigne les 41 volumes de ses œuvres complètes. Cette œuvre couvre de nombreux domaines de la philosophie à la théologie, en passant par l’histoire de l’Église, la prédication et l’éducation, mais aussi de la poésie (dont le célèbre Songe de Gérontius), deux romans et des écrits plus personnels tel son Journal ou son abondante correspondance. À travers les publications de ses écrits et leur traduction dans diverses langues, l’œuvre de Newman a connu une abondante diffusion.
Mais ce n’est pas pour ses éminentes qualités intellectuelles ou pour ses écrits remarquables que Newman va être canonisé, mais bien pour la sainteté de sa vie et la fidélité tout au long de celle-ci au principe qu’il avait fait sien encore adolescent « holiness rather than peace » (qu’on peut traduire par « la sainteté plutôt que la tranquillité »).
Pour en savoir plus :
Arnaud Mansuy, C.O., (dir). Newman prédicateur, 9 sermons catholiques inédits « Études newmaniennes » nº 34, Février 2019, 186 pages, 25 euros.