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Le feu dans notre Église

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François Huguenin - publié le 15/04/19
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Notre-Dame, c’est le lien indissoluble entre notre histoire politique, la foi de nos ancêtres et la culture française et européenne. C’est aussi le symbole de notre Église accablée, qui souffre et qui espère.

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« Les tours de Notre-Dame et le clocher de mon pays » : c’est ce vieux chant populaire, Auprès de ma blonde, qui me revient en mémoire, au moment où je revois les images inouïes de l’effondrement de la flèche de la cathédrale de Paris. En ce début de Semaine sainte, c’est l’ensemble du peuple catholique de France qui est crucifié par cette catastrophe historique.

Quand s’écroule le symbole de la prière

La charpente de Notre-Dame, pour bonne part d’origine, cette charpente bâtie par les mains calleuses de milliers d’hommes ad majorem Dei gloriam, est en ce moment intégralement détruite. La flèche qui, se dressant vers le Ciel, symbolisait cette verticalité de la prière, cet élan de l’homme vers Dieu, s’est effondrée dans un sinistre craquement, comme dans une déroute sans précédent. Sans parler des vitraux, à l’heure où j’écris, qui sont ruinés par les flammes. Et des tours dans lesquels le feu pourrait ne pas être maîtrisé. Et l’on n’ose penser au trésor de la cathédrale : la couronne d’épines et un morceau de la Sainte Croix.



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Notre pays largement déchristianisé fait corps en ce moment funeste autour de cet édifice symbolisant une Église de France largement traumatisée et décrédibilisée par les affaires d’abus sexuels. Le discours attendu d’Emmanuel Macron n’a pu rivaliser avec ce moment d’émotion nationale qui a renvoyé au second rang des préoccupations politiques pourtant d’une grande gravité. C’est que l’incendie de Notre-Dame, qui est en train de ruiner cet édifice que les horreurs de la Seconde Guerre mondiale avaient épargné, balaye toute autre préoccupation.

L’âme de la France

Ce que ces images nous disent, ce dont nos larmes nous informent, ce que les messages que nous, chrétiens, recevons de nos amis non-croyants, ce qu’ils nous disent avec une infinie délicatesse, ce dont témoigne le travail admirable des pompiers tentant de sauver les chefs d’œuvre de notre patrimoine commun, c’est que Notre-Dame est l’âme de la France. C’est à la fois le symbole du christianisme, inséparable de notre construction nationale, un joyau de l’art ogival, le cœur de Paris et de toute la France, Victor Hugo et le général de Gaulle qui voulut y faire chanter un Te Deum en l’honneur de la libération de Paris, alors que les Allemands n’avaient pas rendu définitivement les armes. C’est le lien indissoluble entre notre histoire politique, la foi de nos ancêtres et la culture française et européenne. C’est aussi, ne l’oublions pas, une église, comme tant d’autres dans nos villes et villages, consacrées à Marie, la mère de Dieu, à laquelle le roi Louis XIII consacra son royaume, et qui est vénérée comme une mère par tous les catholiques et aussi par des personnes qui, loin de l’Église, ont une dévotion pour la Vierge. Quand on se souvient de certaines polémiques surréalistes récusant que la France eût des racines chrétiennes, on voit que les faits donnent tort aux idéologues qui nient l’histoire et le réel.

L’amitié des Français, notre espérance

Pourtant, une autre symbolique me vient, en regardant ces flammes. La crise de l’Église de France que nous traversons et qui n’est pas sans déchaîner des polémiques souvent stériles entre catholiques, est comme incarnée avec une violence inouïe par cette cathédrale en flammes. C’est comme si l’effondrement de cette flèche venait matérialiser ce que les mots ne savent pas dire et que la violence brute d’une telle catastrophe vient nous faire sentir : qu’il y a le feu dans notre Église et que l’écroulement de la flèche vient nous dire quelque chose de celui de la vitalité de notre foi et de notre relation personnelle et collective au Christ mort et ressuscité.



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Et devant l’écho d’une tristesse infinie que fait résonner au fond de notre cœur cet incendie qui nous laisse sidéré, la solidarité des Français, quelles que soient leurs croyances autour de leur cathédrale, vient nous livrer un signe que nous voudrions vivre dans les cinquante jours qui iront de Pâques à la Pentecôte : l’Église et les catholiques de France peuvent prendre cette amitié de tous les Français envers leur cathédrale en ruine, comme un encouragement à aller sur les parvis et à sortir de l’entre-soi pour porter une parole d’espérance au-delà de tout le découragement qui nous accable ce soir.

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