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Le chrétien et l’argent : est-il légitime d’investir ?

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Pierre de Lauzun - published on 14/04/19 - updated on 18/03/24
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Donner est un devoir essentiel du chrétien, car nos biens et notre argent nous sont confiés en vue du bien commun. L’usage de l’argent résulte de notre devoir d’état, puis de ce que nous sommes appelés à dépenser utilement et à donner. Nous devons également examiner ce que nous sommes appelés à investir.

L’investissement, c’est la création de moyens de production de richesse collective future. Il est donc en soi bon. On dira que l’investissement n’est pas altruiste, puisqu’il est supposé nous rapporter plus encore. Mais que cela rapporte ne diminue pas l’ordination au service du bien commun, pourvu qu’on tienne compte de critères de jugement larges, non limités au seul résultat financier, et notamment éthiques. De plus, en accumulant judicieusement, on se crée des moyens qui — la Providence aidant — nous permettront à l’avenir d’aider encore plus le progrès commun. Il est donc vital que cette fonction investissement soit présente et significative, surtout si notre vocation va en ce sens.

Le devoir de bonne gestion

Autant en effet il faut que certains donnent résolument ce qu’ils ont et se dépouillent comme le jeune homme riche, autant il faut que la richesse qui rappelons-le, existe, est en soi utile et doit être développée, soit gérée au mieux par des gens responsables et bienveillants. Cette demande adressée au jeunes homme riche ne l’a pas été à tous, loin de là, et notamment pas à des Nicodème ou des Joseph d’Arimathie, dont le rôle providentiel était différent. D’ailleurs même si quelqu’un se dépouille de tout ce qu’il possède dans un esprit évangélique, il est évident que cette richesse n’est pas détruite en elle-même par une telle donation, mais au contraire subsiste, et doit se développer, ce qui implique qu’elle soit possédée par quelqu’un d’autre. Si même on donne des actifs aux pauvres, ils vont les vendre pour vivre, et donc ces actifs tomberont dans les mains de quelqu’un d’autre ; et si on les vend pour les donner, il faut que quelqu’un les achète ; ce peut être des institutions charitables, mais alors là encore il faudra les gérer ; et tout ne peut pas être leur propriété.

La vertu de magnificence

Il y a donc naturellement et légitimement une fonction de détention privée à des fins d’investissement, consciemment et activement gérée dans le sens du bien commun. Il ne faut enfin pas oublier la dimension familiale de la fortune : une des raisons de leur constitution est de permettre aux générations futures d’avoir une base d’existence ; voire une vocation collective comme famille ; là aussi dans le sens du bien commun. Investir peut donc être une vocation majeure comme Pie XI l’expliquait : « Celui qui consacre les ressources plus larges dont il dispose à développer une industrie, source abondante du travail rémunérateur, pourvu toutefois que ce travail soit employé à produire des biens réellement utiles, pratique d’une manière remarquable et particulièrement appropriée aux besoins de notre temps l’exercice de la vertu de magnificence » (Quadragesimo anno, 56).

L’esprit d’entreprise

Nous soulignerons à cette occasion l’importance de l’esprit d’entreprise dans une perspective chrétienne, y compris au stade le plus élémentaire, comme on dit maintenant d’entrepreneur de soi-même. Naturellement cette question est dominée dans notre société par la dimension financière, la perspective du gain ; en outre, elle ne vaut pas pour tout le monde au même degré. Mais l’entreprise peut et doit être, si elle est convenablement vécue, l’occasion de vivre parmi les enseignements les plus centraux du christianisme. Car entreprendre, c’est en un sens d’abord donner et s’associer : prendre des risques, et parier sur les autres ; c’est enfin créer. Si on prend l’entreprise dans la sphère économique avec l’esprit de détachement évangélique voulu, on constate alors que ses aléas sont une illustration vivante du rôle que doit avoir pour nous ce monde, instrument essentiel de réalisation, mais de fiabilité aléatoire, et qu’il faut dépasser au nom d’une tout autre perspective.

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