Alors qu’on ne le soupçonnait pas, le pape émérite Benoît XVI a publié une longue tribune particulièrement forte sur la question des abus sexuels et plus largement sur la crise de la foi dans l’Église.C’est peut-être l’un des textes les plus forts livrés par Benoît XVI depuis sa renonciation au pontificat. Dans une longue tribune publiée dans le mensuel du clergé bavarois Klerusblatt, le pape émérite de 91 ans sort de son silence pour réagir à la crise des abus sexuels dans l’Église et ainsi “contribuer” à son “nouveau départ”. Il livre ainsi un témoignage sans équivoque sur ces années où il était encore pasteur de l’Église, afin de dénoncer la racine de la crise et proposer quelques remèdes. Aleteia a travaillé à partir de la traduction proposée par la Catholic News Agency afin de la décrypter à ses lecteurs.
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Sans mâcher ses mots, l’ancien pontife revient ainsi sur les années 1970 et 1980 au cours desquelles, l’enseignement moral dans l’Église a été, selon lui, réduit à néant. Cela a eu pour effet, dénonce-t-il, « l’apparition d’une tentative de développer une espèce de nouvelles catholicité moderne ». On a alors assisté, dans certains séminaires, raconte-t-il encore sans détour, à la formation de « cliques homosexuelles » mais aussi à la projection de films pornographiques. Et ce, dans l’intention de rendre les séminaristes « capables de résister contre un comportement contraire à la foi ». Dans le même temps, les livres du cardinal Ratzinger d’alors étaient tout simplement bannis, et ceux qui les lisaient étaient « considérés comme non-adaptés au sacerdoce ».
Pour lui, aucun doute possible, cette situation découle de façon directe de la « libération sexuelle tous azimuts » amorcée à la fin des années 1960 dans toute la société. Période pendant laquelle, en seulement deux décennies, « les standards normatifs précédents au sujet de la sexualité se sont entièrement effondrés ». À l’époque, rappelle-t-il, même la pédophilie était « diagnostiquée comme permise et appropriée ». Une « époque très difficile » pour beaucoup dans l’Église et en dehors, se souvient l’ancien pape.
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S’abandonner à l’Amour du Christ, « l’antidote au mal »
Ainsi, remarque-t-il, la tentative de créer une nouvelle Église a totalement échoué. À la question : « Que devons-nous donc faire désormais ? », l’allemand répond : remettre Dieu dans la société afin de retrouver les repères du bien et du mal. « Seul l’amour et l’obéissance à notre Seigneur Jésus Christ peuvent nous indiquer la voie juste », estime-t-il. « L’antidote au mal qui nous menace, et au-delà le monde entier, ne peut que consister dans le fait que nous nous abandonnions à cet amour », considère-t-il.
À défaut de changer l’Église, peut-être pourra-t-elle alors redevenir ce qu’elle est vraiment. Aujourd’hui encore, s’indigne le pape émérite, « l’Église n’est généralement perçue que comme une sorte d’appareil politique ». « La crise provoquée par de nombreux cas d’abus commis par des prêtres nous amène à considérer l’Église comme une chose misérable que nous devons absolument prendre en main et former différemment. Mais une Église faite par nous ne peut représenter aucun espoir ».
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Le remède du cardinal Sarah à la crise de l’Église
Des propos qui font écho à ceux tenus encore récemment par le cardinal Robert Sarah estimant que la situation actuelle rappelle aux chrétiens que si l’Église « choisit de s’humaniser, de s’enfuir dans le monde, elle pourrira (…) Si au contraire, elle descend dans les bas-fonds du péché en portant le Christ avec elle, alors elle purifiera et divinisera l’humanité ».
À l’instar du cardinal qui exhortait à « retrouver Dieu, se concentrer sur Lui et se confier en la puissance de sa grâce », le pape allemand appelle à « recommencer à vivre de Dieu, tourné vers lui et lui obéissant ».
L’Église est « indestructible »
Benoît XVI va plus loin. Pour lui, il faut également « tout faire pour protéger de l’abus le don de la sainte Eucharistie ». « Notre relation avec l’Eucharistie ne peut que susciter l’inquiétude » selon lui. Si certains placent le sacrement de la présence du corps et du sang du Christ au centre de la vie chrétienne, pour d’autres l’Eucharistie est ramenée au rang de « geste cérémonial ». Un procédé qui « détruit la grandeur du mystère », notamment quand il est considéré évident que toutes les personnes présentes peuvent communier indépendamment de leur situation personnelle et spirituelle.
Oui, le péché et le mal existent bien dans l’Église, reconnaît le pape allemand. Mais la sainte Église n’en reste pas moins « indestructible ». Beaucoup d’hommes qui croient humblement, souffrent et aiment en Dieu, en sont la manifestation. Le pape émérite pense en premier lieu à la petite communauté qui partage sa résidence de Mater Ecclesiae au Vatican. Voir et trouver l’Église à ce point vivante, écrit-il est « une tâche merveilleuse » qui nous « renforce et qui nous fait toujours nous réjouir dans la foi ».
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