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Pour la première fois, Pierre Durieux, un ancien collaborateur de l’archevêque de Lyon s’exprime sur le film « Grâce à Dieu ».
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J’ai fini moi aussi par voir Grâce à Dieu. Après tout, ce n’est pas très fréquent de connaître des personnages qui ont inspiré un film et d’entendre son propre nom au cinéma. Je ne suis pas cinéphile, ni critique, et mon avis ne se risquera pas à émettre des considérations savantes sur le 7e art. Mais puisque cette œuvre est présentée comme une « fiction inspirée de faits réels », l’ancien collaborateur du cardinal que je suis n’est pas, après tout, le plus mal placé pour donner son avis…
Une bonne surprise
Oserais-je l’écrire ? Le film fut d’abord une bonne surprise. Vraiment. Après 36 mois d’un feuilleton judiciaire éprouvant et quelques milliers de coupures de presse mal cicatrisées, je redoutais le manichéisme émotionnel sur grand écran. Le film, reconnaissons-le, n’en rajoute pas. Si certaines des personnes mises en cause peuvent légitimement souffrir de se voir ainsi représentées à l’écran, il est tout aussi difficile je suppose pour les victimes et leurs familles, de voir exposer leurs fragilités, leurs conflits familiaux et leurs manquements… De nombreux passages montrent que François Ozon n’a pas occulté les rayons de la vérité, même douloureux.
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De ce qui apparaît, de ce qu’on entend dans le film, je ne conteste pour ainsi dire, rien. Le personnage du cardinal est certes assez loin du réel, mais après tout, aurait-il été mieux « réussi » en singeant le vrai ? Même le titre — scandaleux à plusieurs titres — se trouve mieux expliqué dans le film que dans la plupart des articles qui traitent du sujet. Grâce à François Ozon, on prend connaissance de la chronologie, des excuses et des explications du cardinal aussitôt après sa malheureuse expression.
Des oublis regrettables
Bien sûr, on comprend qu’il ait fallu enjoliver et imaginer un peu, ne serait-ce que pour des questions de mises en scène mais, enfin, je n’aurais pas matière à écrire sur les mensonges de ce film, comme je l’avais primitivement imaginé, avant de l’avoir vu.
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Non, le film n’en rajoute pas, mais il a des manques. Il lui manque les questionnements d’un évêque devant les crimes anciens de l’un de ses prêtres, la difficulté de traiter, un quart de siècle après, des questions, déjà gérées, même mal, par ses trois prédécesseurs.
Le cardinal et la justice
Il manque, en tout cas désormais un nouveau carton (ces quelques phrases qui viennent conclure un film avant le générique) : « Après trois années de démarches judiciaires, un classement sans suite et une demande de relaxe, le 7 mars 2019, le cardinal Barbarin a finalement été condamné à six mois de prison avec sursis. Les cinq autres prévenus ont tous été relaxés. » Sur un autre carton, on pourrait ajouter : « Le cardinal Barbarin a fait appel de ce jugement et reste donc, à ce jour, présumé innocent. Il a présenté sa démission au pape François qui l’a refusée. Il a toutefois choisi de se mettre en retrait de la gouvernance de son diocèse. »
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Si François Ozon avait osé rencontrer toutes les personnes concernées, sans exclusive, pour rédiger son scénario, c’est-à-dire s’il avait interrogé les responsables du diocèse de Lyon, il aurait notamment trouvé ce mail d’Alexandre Hezez, remerciant le cardinal : « Mes enfants en juin et moi-même vous avaient prévenu de notre démarche judiciaire et je sais que vous étiez supporter de ma démarche (je vous en remercie). » Ces lignes pourraient faire un carton utile, car ces encouragements à saisir la justice n’apparaissent pas une fois dans le film ! En plusieurs autres circonstances, il était facile de montrer que l’archevêque de Lyon n’a non seulement pas fait entrave à la justice, mais qu’il est celui grâce à qui elle peut être rendue. Avec ces cartons, le film aurait-il « cartonné » dans les mêmes proportions ? Non ! Si le film est un succès, c’est d’abord par le talent d’Ozon, et… par ses omissions.
De la rupture à l’unité
Grâce à Dieu raconte l’histoire d’une blessure : le divorce entre des victimes de Bernard Preynat et des responsables du diocèse de Lyon. Ozon a choisi de nous présenter cette rupture sans avoir écouté toutes ses parties prenantes, mais en développant le seul point de vue des victimes. C’est ce qui fait de ce film une œuvre à la fois très intéressante et très limitée. Il ne reste qu’à souhaiter qu’il réalise un jour le film symétrique, genre « le point cardinal »… ou, plus vraisemblablement, que Mgr Barbarin lui-même profite de son retrait pour écrire, ne serait-ce que pour l’histoire, sa version des faits. Ce serait un vrai service à rendre à tous ceux qui veulent aujourd’hui faire œuvre de paix et restaurer cette unité. Le service de la vérité.