Cultivant un savoir-faire artisanal depuis 1923, Maison Chéret est une adresse incontournable dans l’univers de l’art liturgique. Cette entreprise familiale a toujours su conjuguer la liturgie et les métiers d’art. Une mission qui risque de s’achever à la fin de cette année. Rencontre avec sa directrice Claude Chéret, une femme qui témoigne avec passion de son métier, et qui redoute de ne pouvoir transmettre le savoir-faire et les valeurs de la maison.
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Il est lundi après midi. Claude Chéret s’affaire derrière le comptoir de sa boutique de la rue Mayet (6e arrondissement de Paris). Lunettes rondes, une veste en laine grise assortie à sa chevelure argentée, cette octogénaire échange, avec un jeune artisan sur les détails de sa dernière commande : un ostensoir en laiton. Celle qui dirige cette maison depuis la mort de son mari, il y a 37 ans, transmet son savoir avec une précision dans les détails remarquable. « Tant que je suis encore aux commandes et que la maison existe, je veux que nous continuions à faire du Chéret », explique cette femme toujours passionnée dès qu’on parle d’objets d’art. “J’aimerais tellement pouvoir transmettre à quelqu’un notre savoir-faire et nos valeurs : le goût du travail bien fait, la beauté, le sens du sacré”. Pour le moment, je n’ai pas de successeur, mais il m’est impossible d’imaginer que cette aventure merveilleuse s’arrête soudainement”. En effet, au moment où elle voudrait passer la main, Claude Chéret n’a pas réussi à ce jour à trouver un repreneur. “Mon métier est devenu tellement rare que je crains ne pouvoir me trouver de successeur”, confie-t-elle.
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Le renouveau spirituel passe par l’art
C’est justement pour cette exigence et cette passion pour l’artisanat et l’art que la maison compte de nombreux clients. Ils viennent de France, d’Italie, d’Espagne et même des États-Unis pour commander du mobilier, des mitres, des calices, des croix, des ciboires, des ostensoirs ou tout autre objet liturgique. “J’ai toujours cru à la beauté et à la qualité des objets avant toute chose. J’aime l’excellence bien sûr et je suis sûre que le renouveau spirituel passe aussi par l’art”, souligne Claude Chéret d’une voix dont la tonalité témoigne d’une énergie étonnante. Si Maison Chéret est née en 1923, c’est grâce à la conversion spirituelle de son fondateur, l’orfèvre Maurice Chéret. Avec sa boutique rue du Vieux Colombier à Paris, elle devient très vite une adresse incontournable. Dès le début, le fondateur opte pour une collaboration avec des artistes contemporains et artisans reconnus.
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Dans les années 50, la maison participe notamment à des projets très prestigieux. Parmi eux, la réalisation de la Basilique souterraine de Lourdes, la Chapelle de l’aéroport d’Orly, la Cathédrale de Bogota. Maison Chéret veut être à contre-courant de la tendance de l’époque du retour aux origines et se tourne vers l’expression contemporaine. Dans son équipe, elle compte notamment le créateur Dudeffant et collabore avec le sculpteur reconnu Jean-Lambert Rucki.
Quand Jean Chéret, lui-même créateur, prend les rennes de la société à la mort de son père en 1966, il développe avec encore plus d’audace l’option contemporaine en collaborant notamment avec des architectes Pierre Pinsard et Pierre Vago. Il décide d’ouvrir les ateliers à des créations profanes. “Grâce à ce choix, nous avons pu faire face ainsi à la crise d’activité des années 1960, au moment du Concile Vatican II. Durant toutes les années du Concile, les commandes des paroisses restaient en suspens en attendant les nouvelles consignes en matière de la liturgie. C’était une période particulièrement difficile, il fallait survivre”, explique Claude Chéret.
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Tradition et esprit contemporain
Depuis la mort de son mari en 1982, elle assure la continuité de l’établissement tout en décidant de recentrer l’activité de nouveau sur l’art liturgique. C’est avec une détermination et un souci profond de cohérence que Claude Chéret cherche toujours à allier tradition et esprit contemporain en assurant la fabrication d’objets liturgiques (orfèvreries, bronzes) avec l’orfèvre de la maison et en collaboration avec des artistes-artisans indépendants en matière de ciselure, dinanderie, finitions…
Elle s’occupe toujours de la fabrication de mobilier liturgique (autels, ambons, chandeliers…) coordonnant d’une main de maître différentes techniques associées comme le bois, le verre ou la pierre… Quant à la chasublerie, elle travaille à partir de matériaux de qualité, qu’il s’agisse de tissus industriels aux couleurs spéciales «Chéret» ou de tissages artisanaux conçus exclusivement pour la maison. “Tant que je peux travailler, je tiens à ce que nos réalisations artisanales rassemblent différentes disciplines. Tout cela par cet amour qui ne me quitte jamais de la liturgie et des métiers d’art. C’est ma passion et ma mission…La beauté sauvera le monde, n’est-ce pas ?” demande Claude Chéret.
Découvrez en cliquant sur le diaporama ci-dessous ces belles réalisations de Maison Chéret :
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