Au pouvoir depuis soixante-dix ans, le régime communiste chinois cherche à séparer les catholiques de Rome, à constituer une sorte d’Église nationale. Une large partie des fidèles, des prêtres et des évêques ont résisté et sont restés fidèles à Rome. L’historien Yves Chiron, qui vient de faire paraître La Longue Marche des catholiques de Chine (Artège) montre comment les papes successifs ont incité à la fidélité et ont œuvré pour rétablir l’unité.En 1949, lorsque la République populaire de Chine est proclamée à Pékin, les catholiques sont plus de trois millions, sur une population totale de quelque 550 millions d’habitants. Ils sont donc une infime minorité, mais ils sont nombreux dans certaines provinces (le Hebei par exemple) et parfois majoritaires dans certains villages. L’Église catholique est organisée en 112 diocèses (29 évêques sont chinois, 83 sont des missionnaires originaires d’Europe ou d’Amérique du Nord). Elle compte 5.780 prêtres (chinois ou étrangers), 7.463 religieuses (chinoises ou étrangères) et un millier de religieux. L’Église a aussi une influence sociale qui dépasse très largement la seule communauté catholique. Elle dirige trois universités, 2.200 écoles et collèges, plus de 1.000 hôpitaux et dispensaires et quelque 270 orphelinats.
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Nationalisations et expulsions
Le nouveau pouvoir communiste ne va pas chercher à éliminer totalement et d’un seul coup l’Église catholique. Il va poursuivre un double objectif : éliminer toute influence de l’Église dans la société et contrôler au maximum son activité, le clergé et les fidèles. La première action d’envergure fut de « nationaliser » toutes les œuvres catholiques (universités, écoles, collèges, hôpitaux, etc.), c’est-à-dire, en fait, d’en exproprier l’Église et d’en faire des édifices et des services publics sans plus aucune référence chrétienne. En l’espace de deux ou trois ans, sous le prétexte de soustraire le pays à l’action des « impérialistes étrangers », tous les évêques occidentaux à la tête de diocèses chinois furent expulsés, ainsi que tous les missionnaires, toutes les religieuses étrangères et aussi l’internonce apostolique, Mgr Riberi.
Ces brutalités s’accompagnèrent de la mise en place d’institutions visant au contrôle des religions. Il y eut d’abord en janvier 1951 la création du Bureau des affaires religieuses, qui existe toujours et qui a autorité sur toutes les religions existantes en Chine. Rattaché au gouvernement, il est chargé de surveiller et de réglementer toutes les activités religieuses dans tout le pays.
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Des évêques clandestins
Puis chacune des religions fut incitée à s’organiser selon le principe de la « triple autonomie » : ne plus dépendre de l’étranger pour son gouvernement, son financement et son activité pastorale. Pour les catholiques cela signifiait rompre avec Rome. Par rapport aux autres religions et confessions (bouddhistes, taoïstes, musulmans, protestants), les catholiques furent les derniers, en 1957, à s’organiser selon ce principe et à constituer, sous l’étroite surveillance du Bureau des Affaires religieuses, une Association patriotique des catholiques chinois (APCC), déterminée à s’engager dans la « construction du socialisme ». Mais ce n’est qu’une minorité de prêtres et d’évêques qui acceptèrent d’adhérer à cette Association Patriotique. C’est à partir de cette date qu’on peut distinguer une Église « officielle » ou « patriotique » et une Église fidèle à Rome, qui sera de plus en plus réduite à la clandestinité.
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Une étape supplémentaire sera franchie en 1958 avec la décision de l’Association patriotique d’ordonner des évêques sans l’accord du Saint-Siège, des consécrations faites par d’authentiques évêques mais sans en avoir reçu le mandat du pape. Ces évêques illégitimes seront nombreux (plusieurs dizaines), les derniers étant consacrés en 2012.
La recherche de l’unité
Du côté de l’Église restée fidèle à Rome, des évêques commenceront à être ordonnés dans la clandestinité à partir de 1980. Jean Paul II fut informé de ces consécrations épiscopales rendues nécessaires pour la survie de l’Église et pour des fidèles et des prêtres qui ne voulaient pas suivre des évêques illégitimes. Le Pape approuva ces consécrations clandestines.
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Si Jean Paul II avait le souci de sauvegarder la liberté de l’Église face au pouvoir communiste, il cherchera aussi, de plus en plus, à rétablir l’unité entre catholiques chinois. À partir de 1984, dans la discrétion, et avec prudence, il accepta que des évêques illégitimes se réconcilient avec Rome et retrouvent la communion avec le Saint-Siège. Par ailleurs, à partir de 2002, des procédures seront discrètement établies pour essayer d’obtenir la nomination d’évêques qui soient agréées à la fois par le Saint-Siège et par le gouvernement chinois. La si importante Lettre aux catholiques chinois de Benoît XVI en mai 2007, puis l’Accord provisoire signé en septembre 2018 par le représentant du pape François et le représentant du président Xi Jinping, sont d’autres étapes d’un chemin difficile vers le rétablissement de l’unité de l’Église en Chine.
Le régime communiste, lui, n’a pas abandonné son objectif de contrôler les activités de l’Église catholique (des destructions récentes de lieux de culte l’ont dramatiquement rappelé) et il marque de plus en plus sa volonté de « siniser » toutes les religions présentes dans le pays.
Yves Chiron vient de faire paraître La Longue Marche des catholiques de Chine, Éditions Artège, 333 pages, 17,90 euros.