Grzegorz Polakiewicz a récemment effectué tout le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle… sur une jambe. “Paradoxalement, j’avais l’impression que c’était plus facile pour moi que pour les autres. Comme je n’ai qu’une jambe les gens m’aidaient beaucoup.”Grzegorz Polakiewicz, un jeune Varsovien de 30 ans est handicapé depuis quelques années : il n’a qu’une jambe. Croyant et engagé dans un mouvement de nouvelle évangélisation, il partage quotidiennement sa vie avec un handicap, sa confiance en Dieu et la force qu’Il lui donne pour aimer plus et vivre mieux. Il raconte à Aleteia comment son récent pèlerinage à pied à Saint-Jacques-de-Compostelle l’a profondément transformé.
Aleteia : Comment l’idée d’entamer ce pèlerinage vous est-elle venue ?
Grzegorz Polakiewicz : J’en ai toujours rêvé. Quand j’étais au lycée, on m’a parlé un jour de Saint-Jacques-de-Compostelle. J’avais alors très envie de le faire. À l’époque j’étais en pleine forme avec mes deux jambes… Mais visiblement ce n’était pas dans la logique de Dieu. J’ai alors réalisé mon rêve souffrant de mon handicap avec une santé plus que fragile. El camino m’ai montré que toute la force réside dans l’esprit et dans la tête. Si tu désires quelque chose de toutes tes forces, alors tu l’obtiendras — même sans jambes.
Comment ont réagi vos proches en apprenant que vous alliez prendre el camino ?
Certains disaient que j’étais fou et essayaient de me faire renoncer au projet. D’autres, au contraire, me soutenaient à fond comme l’archevêque de Varsovie qui m’a dit “Tu es fou, mais je te soutiens de tout mon cœur.. même si je ne t’accompagnerai pas”. Cela m’a fait chaud au cœur et m’a beaucoup motivé.
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Ce pèlerinage était un test pour vous ? Un défi personnel ? Vous aviez des intentions particulières ?
J’avais un “bagage” plein de diverses intentions. Je voulais les porter jusqu’à Saint-Jacques et aussi à Fatima. J’avais surtout des intentions des autres. J’ai embarqué avec moi tous les soucis de les amis, mais aussi leurs joies. Je savais que ma mission serait difficile, pleine d’obstacles. Et c’était vraiment le cas. Mais Dieu était plus fort que tout. En Galice, j’ai traversé des orages. C’était vraiment dur, mais paradoxalement je ressentais une joie profonde d’avancer alors que normalement j’aurais été furieux et découragé. Dieu m’a donné alors une sensation incroyable de liberté. Cette liberté vers l’essentiel — je réalise mon rêve et je porte les intentions de mes amis.
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Comment s’organisait votre journée ?
Je me levais très tôt le matin pour partir vers 5h30 et être sur place dans l’après-midi. Je marchais chaque jour entre 11 et 13 heures. Sur le chemin, je m’arrêtais pour prendre un casse-croûte. Juste un instant car je voulais à tout prix avancer.
Vous étiez seul ou accompagné ?
Je suis parti seul. Mais en réalité, avec mon handicap, j’étais toujours entouré : différents personnes me proposaient de l’aide. J’étais parfois un peu une mascotte. Trop par moments. Les gens voulaient faire des photos avec moi. Cela m’irritait au début. Cependant, j’ai compris petit à petit que c’était un message important à transmettre, montrer aux autres de l’espoir, de l’encouragement. D’autres me soutenaient beaucoup. Nous étions un peu comme une grande famille. Le chemin de Porto à Santiago est à faire en dix jours en marchant 30 km par jour. Moi, je l’ai fait en 16 jours avec un sac à dos de 8 kg. Juste avant, j’ai fait un autre pèlerinage : de Porto à Fatima. C’était un temps dont je garde les détails pour moi. Un temps de repères, un temps pour me reconnecter à moi-même en tête à tête avec Dieu.
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C’était fou : il n’y a pas d’itinéraire officiel entre Porto et Fatima…
Oui, c’était fou. Mais c’était une belle retraite. Je me sentais fort. Beaucoup de petits miracles ont eu lieu. À chaque pas, je sentais la présence de Dieu. Et en allant à Fatima et ensuite à Saint-Jacques. Je me souviens de Pontevedra en Espagne où je suis arrivé exténué. Le chemin était très en pente. Je suis allé à l’église du village. Effondré, j’ai été pris d’un coup par les sanglots. En pleurant, je répétais à Dieu “Qu’est-ce que je fais ici ? Quel est le sens de tout cela ? “. Quand j’ai quitté l’église, quelques personnes qui m’ont croisé auparavant sur le chemin. Ils commençaient à me remercier d’être là. Ils m’embrassaient très heureux de me voir car je représentais pour eux la plus grande motivation dans les moments de découragement. J’ai compris à ce moment là, que Dieu se servait de moi pour témoigner auprès des autres. Ce jour-là, j’ai fait un pas de géant. C’était un moment clé de mon cheminement, une force pour continuer à avancer.
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Quels sont les fruits de votre camino ?
Il m’a appris à avoir la gratitude pour tous les détails de la vie, toute la beauté qui nous entoure. Je suis maintenant convaincu que Dieu nous donne toujours ce dont nous avons besoin pour notre bonheur. L’expérience d’entraide et de motivation mutuelles entre les pèlerins apprend à avoir une attitude plus humaine. Pendant tout le trajet, Dieu a pris soin de moi. Je l’ai vu à chaque moment. Dès le début jusqu’à la fin. Sur le chemin, tant de personnes m’ont invité à déjeuner chez eux. J’avais même l’impression que c’était plus facile pour moi, car je n’avais qu’une jambe. Parfois, je le trouvais injuste envers les autres. Mais je l’offrais à Dieu. C’était une grande leçon d’humilité pour moi. Il y a aussi un autre fruit : je ressens le besoin d’aider les autres au quotidien. Je voudrais prendre soin des plus démunis comme ceux qui ont pris soin de moi sur le chemin de Compostelle. Dieu a beaucoup d’idées folles et un grand sens de l’humour : je l’ai expérimenté. Cela ne m’étonnerait pas qu’Il prépare une autre mission spéciale pour moi.