Si Hector Berlioz (1803 – 1869) est davantage connu pour sa symphonie fantastique que pour sa foi profonde, il a pourtant laissé à la postérité quelques grands chefs-d’œuvre de la musique sacrée. Des œuvres, qui, 150 ans après sa mort, continuent d’inspirer les plus mélomanes, croyants ou non.
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Destiné à une carrière de médecine comme son père, le jeune Berlioz n’a pourtant aucune inclination pour les sciences et l’anatomie. Dès son plus jeune âge, il est déjà attiré par la musique et rêve d’une carrière d’artiste. Mais son père évite de l’encourager dans cette voie au point de lui interdire le piano. Passionné et têtu, le jeune Berlioz désobéit et délaisse la bibliothèque de médecine pour celle du Conservatoire. Et c’est là, au milieu des livres, que sa vocation se confirmera. En 1823, il quitte définitivement la médecine pour entrer dans la classe de composition de Jean-François Lesueur, compositeur français et petit-fils du célèbre peintre Eustache Lesueur.
Athée et pourtant
Au début, la carrière de Berlioz a du mal à décoller. Il échoue trois fois de suite au concours du prix de Rome, scandalise le grand public avec sa Symphonie Fantastique — dont la construction musicale ne plaît pas à tout le monde — et reçoit, de manière générale, un accueil peu favorable en France. C’est en partie pour dissiper cette incompréhension que Berlioz entreprit la rédaction de ses Mémoires en 1849. Mais c’est finalement en voyageant à travers toute l’Europe, et jusqu’en Russie, qu’il finit par rencontrer un beau succès, sa musique se rapprochant plus de style romantique célébré en Allemagne.
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Plus connu pour ses symphonies et ses opéras, Berlioz s’est pourtant fait également connaître dans la composition de musique religieuse. Étonnant pour un homme qui affichait, sans complexe, son anti-cléricalisme, allant jusqu’à déclarer : “Je n’ai pas besoin de dire que je fus élevé dans la foi catholique, apostolique et romaine. Cette religion charmante, depuis qu’elle ne brûle personne, a fait mon bonheur pendant sept années entières ; et bien que nous soyons brouillés ensemble depuis longtemps, j’en ai toujours conservé un souvenir fort tendre”, écrivait-il dans ses mémoires. Serait-ce cette tendresse qui l’a convaincu d’accepter quelques commandes religieuses ?
La messe solennelle
En 1824, le maître de chapelle de l’église Saint-Roch demande au jeune compositeur d’écrire une messe solennelle pour le jour des Saints-Innocents, fête patronale des enfants de chœur. L’exécution, reportée en raison de problèmes de répétitions, aura finalement lieu le 10 juillet 1825 et le jeune Berlioz, connu pour sa rigueur, profita de ce laps de temps pour améliorer sa partition. Le jour J, alors que l’exécution s’achève, son maître Lesueur, fier, lui déclare : “Venez que je vous embrasse ; morbleu ! Vous ne serez ni médecin ni apothicaire, mais un grand compositeur ; vous avez du génie, je vous le dit parce que c’est vrai”. Jamais éditée à son époque, la partition a longtemps disparu avant d’être retrouvée, en 1992, à l’église Saint-Charles-Borromée d’Anvers et rejouée pour la toute première fois en 1933 sous la houlette de John Eliot Gardiner.
Le Requiem
Bien que toujours éloigné de la religion, Berlioz décroche une deuxième commande religieuse prestigieuse. En 1837, il est désigné par le ministre de l’Intérieur, Adrien de Gasparin, pour composer un Requiem. Jaloux, et considérant les œuvres de Berlioz trop hors-normes, les partisans de Cherubini tentent de faire résilier le contrat. Chose réussie. Après trois mois d’écriture, et alors qu’il vient de terminer son œuvre, le ministère annule le contrat sans explication. Mais l’œuvre, par chance, ne tombe pas dans l’oubli. Elle est finalement exécutée dans la chapelle des Invalides à l’occasion de l’inhumation du général Damrémont et en présence de la famille royale. Une représentation grandiose puisque Berlioz eut droit à 190 instrumentistes et 110 choristes. Un effectif qui marqua aussi bien le public que les critiques !
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Le Te Deum
Enfin, entre 1848 et 1849, Berlioz va se consacrer à la composition de l’une de ses dernières grandes œuvres : le Te Deum. À l’origine créé dans l’espoir d’être joué pour le sacre de Napoléon III, l’œuvre ne fut finalement pas retenue. Il la dirigea cependant pour la cérémonie d’inauguration de l’Exposition universelle de 1855, en l’église Saint-Eustache à Paris. Les effectifs étaient impressionnants : 900 exécutants dont 160 instrumentistes et un chœur de 600 enfants. Un orgue avait même été spécialement conçu pour ce jour spécial. Ébloui, le critique musical Edmond Viel écrivit dans Le Ménestrel du 6 mai 1855 : “Berlioz est l’homme des grandes machines musicales ; sa pensée, d’ailleurs si pittoresque, si pleine d’élévation, aime à se traduire par des moyens et des combinaisons exceptionnels. Au milieu des masses vocales et instrumentales, on dirait un roi dominant ses sujets, un général faisant manœuvrer ses troupes, ou mieux encore le génie de la musique lançant ou retenant à son gré, suscitant ou apaisant d’un geste les tempêtes sonores de l’harmonie.”
Ainsi, même si Berlioz avait perdu la foi de son enfance, la religion continua toute sa vie de l’inspirer. Et plus que la foi, c’est l’amour qui sublima l’ensemble son œuvre magistrale. “Laquelle des deux puissances peut élever l’homme aux plus sublimes hauteurs, l’amour ou la musique ? L’amour ne peut pas donner une idée de la musique, la musique peut en donner une de l’amour… Pourquoi séparer l’un de l’autre ? Ce sont les deux ailes de l’âme”, disait-il.
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