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Pourquoi le Pape a osé parler de Satan ?

POPE FRANCIS
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Gaultier de Chaillé - publié le 01/03/19
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L’évocation du diable par le pape François dans son discours final au sommet sur la protection des mineurs, a suscité incompréhensions et railleries. Pour l’Église et pour le Pape, homme de prière, le démon n’est pas la cause du mal, il n’en est qu’un serviteur redoutable, adversaire acharné de la liberté des enfants de Dieu. La première cause du péché, c’est l’homme lui-même.

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Durant l’allocution que le pape François a prononcée après la messe du dimanche 24 février, concluant les travaux de la conférence sur les abus sexuels sur les mineurs dans l’Église, celui-ci a dit que les clercs coupables de tels actes se faisaient « instruments de Satan ». De nombreux observateurs se sont aussitôt emparés de cette formule, pour prouver que l’Église, une fois encore, n’avait pas pris la mesure de ces actes affreux. Essayons d’expliquer cette formule du Saint-Père en prenant un peu de hauteur…

Reductio ad demonium

Chez tous les croyants, remettre sur Dieu ou sur son ennemi la responsabilité de tout ce qui se passe dans l’histoire est un risque constant. Le diable serait ainsi une sorte de principe explicatif systématique de ce que le monde compte de négatif : la souffrance, les catastrophes, les péchés. De la même manière, Dieu serait immédiatement derrière le moindre des biens, de manière immédiate et certaine.

Un tel raisonnement n’est pas conforme à ce que la Parole de Dieu nous dit. Dieu tient le monde entre ses mains, il est la Providence de tout, le créé et préside au bien de sa Création parce qu’il l’aime, certes. Mais il agit ordinairement au moyen de la confiance qu’il fait à ses créatures, spécialement les plus parfaites que sont les hommes (parfaites en ce sens que l’homme est à l’image même de son Créateur). C’est pourquoi il désigne Adam comme maître de toute la création (Gn 1,28). Nous croyons fondamentalement à la liberté de la créature humaine, capable de se tourner vers le Bien, sans qu’elle ait besoin d’être dirigée, telle une marionnette, par un Dieu qui prendrait la main sur sa créature imparfaite.

Le mal n’est qu’une absence

Quant au mal, il est dans l’ombre du bien. Le mal n’est qu’une absence, qu’un manque et qu’un froid, qu’un recoin putride où grouillent répugnance et effroi. Satan (ce nom veut dire « adversaire ») n’est pas le mal. Il est le serviteur du mal. Il ne supporte pas la confiance que Dieu fait à sa créature, et il veut de ce fait comme prouver à Dieu qu’il a eu tort de lui laisser la liberté (c’est le sens du livre de Job). Le diable se réjouit de ce qui peut servir les ténèbres, le mal, le médiocre.



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Il n’est cependant pas derrière tous les maux. Lorsqu’une catastrophe advient, lorsque la maladie ou l’injustice s’abattent sur nous, ce n’est pas le diable qui en est la cause. Il s’en nourrit pourtant. L’homme est capable, hélas nous en faisons chacun l’amère expérience, de choisir le mal, sans qu’il y soit forcé par le diable. Ce n’est pas la faute du diable si les hommes pèchent, ce n’est pas lui qui est la cause du péché, c’est l’homme. Cependant, depuis le premier jour, il est là, louvoyant auprès des créatures qu’il méprise, pour se réjouir et se nourrir de leurs refus qui confortent le sien : Non serviam ! (“Je ne servirai pas”). Il ne faut certainement pas retirer à l’homme sa responsabilité dans le mal ou croire qu’il n’est qu’un instrument, si Dieu l’a fait capable d’aimer, il lui laisse mystérieusement la possibilité de tuer.

Il y a donc un risque de reductio ad demonium quand on tente d’expliquer tout mal en le faisant remonter à la responsabilité du diable, c’est une erreur qui confine à la superstition, en accordant à Satan un pouvoir qu’il n’a pas. Il n’est qu’un inspirateur et un comploteur. Puissant certes, redoutablement, mais il ne mérite même pas l’honneur d’être considéré comme cause du mal, il n’en est qu’un serviteur, lui qui ne veut qu’être obstacle.

Des conceptions du Moyen Âge ?

Non, le Moyen Âge n’est pas l’inventeur du diable. Les époques les plus fascinées par l’œuvre de Satan sont plutôt la Renaissance et le XIXe siècle, périodes se réclamant de sciences et de lumières. Le diable a toujours fait partie de la foi de l’Église, dans la continuité de l’œuvre de libération que le Christ opère au quotidien des ses signes de puissance.

La conceptualisation s’est faite au long du temps du déploiement du dogme pour que l’Église comprenne peu à peu qui est l’ennemi qui la combat en combattant Dieu. Ainsi, la théologie catholique croit que nous, créatures spirituelles et corporelles, les hommes, ainsi que les créatures uniquement corporelles que sont les règnes minéraux, végétaux et animaux, nous vivons dans l’« univers visible ». Nous sommes environnés de créatures uniquement spirituelles, que nous nommons « univers invisible » et que nous pourrions appeler « incompréhensible », autant que l’autre est compréhensible. Ainsi, la science expérimentale a prise sur tout une part du réel, mais il reste des zones qui échappent radicalement à la raison positive. C’est ainsi que nous considérons les anges et les démons.


SAINT JOSEPH
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Combien sont-ils ? Qui sont-ils ? Les éléments de la Révélation biblique sont volontairement ténus, nous savons que là sont des amis et des ennemis de Dieu et de sa Création, voilà qui nous suffit ici1. Une démonologie ou une angélologie qui se prétendent trop affirmatives conduisent souvent à la fascination pour des sujets qui ne devraient pas préoccuper exagérément le cœur et l’intelligence de ceux qui veulent appartenir au Christ. Ces sujets sont considérés avec mépris et goguenardise par beaucoup de nos contemporains car ils requièrent sensibilité, poésie, et lâcher prise. Ce sont là des domaines où les gros sabots de la pensée commune ne sont pas capables de se sentir à l’aise.

Parler du diable implique la foi. Nulle possibilité de reconnaître l’adversaire si Dieu n’est pas d’abord contemplé, et aimé. Alors quoi de plus normal que les ricaneurs critiquent l’Église quand elle ose prendre de la hauteur par rapport au temps et au langage médiatique, seule norme désormais de toute pensée…

À la lumière des deux étendards

Le pape François est jésuite, pétri des Exercices spirituels de saint Ignace de Loyola. Or un moment décisif de la retraite proposée dans les Exercices est la méditation « sur les deux étendards ». Alors qu’au tout début de la retraite, l’exercitant est invité à méditer sur la laideur du diable et l’effroi qu’il provoque, il est invité à imaginer, au début de la quatrième semaine, c’est-à-dire à l’orée de la fin de son parcours de recherche de Dieu, l’armée du Christ d’un côté, et celle du diable et des démons de l’autre. Cette médiation doit conduire le chrétien à résolument choisir le Christ en considérant qu’il est le seul « souverain et vrai capitaine », capable de conduire les siens au bonheur et à la paix par le chemin de l’humilité. En face, sont les malheureux serviteurs de Satan, pris dans les entraves des richesses, des honneurs et de l’orgueil qui conduisent à tous les vices.


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Quand le pape François parle des clercs coupables des abus sexuels sur les mineurs, il applique cette méditation des deux étendards et explique que ces hommes qui cherchent à prendre le pouvoir du corps et du psychisme sur des petits qui devraient être leurs modèles d’humilité et de douceur, sont des serviteurs de cet étendard funeste du Satan. C’est là un langage théologique et spirituel, le langage d’un homme de prière et non celui d’un responsable d’institution. Forcément, à l’aune des attentes médiatiques, il y a comme un décalage… Et cela appelle à notre propre prise de recul, à chacun. Pour pouvoir lutter avec efficacité contre les horreurs que l’Église veut combattre avec la plus grande efficacité, nous devons prendre de la hauteur, pour ne pas entrer dans le jeu du mal, l’aveuglement de la non-dénonciation ou celui de la curée. Souhaitons que l’Église, poussée par le Saint Peuple de Dieu comme l’a rappelé le Pape, puisse progresser dans un chemin de lumière et de vérité, au service de la justice et du salut de ces petits, honteusement détruits par ceux-là même qui avaient été choisis pour leur montrer le Ciel…


SMILE
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[1] Nous pouvons renvoyer vers des lectures utiles pour un développement plus abouti que ces quelques lignes : F. Hadjadj, La Foi des démons (Albin Michel) ou P. J.-B. Golfier, Tactiques du diable et Délivrances (Artège) entre autres.

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