De la présence aux obsèques à la confection d’un recueil de souvenirs, Marie-Madeleine de Kergorlay-Soubrier, formatrice sur la question du deuil de l’enfant, donne des conseils afin d’accompagner au mieux un enfant en deuil. Selon elle, de la qualité de cet accompagnement dépend l’équilibre futur de l’enfant.Un enfant qui perd un papa, une maman, un frère ou une sœur, ne vit pas le deuil de la même manière qu’un adulte. Si dans les premières années, il ne semble apparemment pas dévasté par la perte, un sentiment de vide, de manque, d’absence inconsolable, peut se réveiller brutalement 10, 20 ou 30 ans après si le deuil de l’enfant n’a pas été accompagné. Marie-Madeleine de Kergorlay-Soubrier, titulaire d’un diplôme universitaire sur le deuil dans la formation des soignants et accompagnants, auteur de Tu n’es pas seul (Éditions du Jubilé, 2010), elle-même blessée enfant par la mort de sa mère et de trois sœurs, livre à Aleteia des pistes pour accompagner l’enfant en deuil.
« Il y a déjà huit ans que maman est morte, un matin de juin, ensoleillé. Le temps passe. Un jour, quand je me suis retournée, elle n’était plus là ! À 14 ans, j’ai souvent envie, certains jours, de le crier, de le hurler, que tous le sachent, c’est tout ! Ils me disent même que c’est bizarre de penser à elle souvent, un jour sur deux. Qu’y a-t-il de surprenant ? Vous avez une maman, vous, et vous pensez à elle ? » Marie-Madeleine de Kergorlay-Soubrier confie ici le cri poignant d’une jeune fille de 14 ans. Selon la formatrice, cela démontre bien que la réalité n’est pas la même pour l’enfant et pour l’adulte. Alors qu’un adulte aura amorcé un travail de deuil dès les premiers mois après un décès, l’enfant, lui, trop petit pour vraiment réaliser l’absence irréversible, se « réveille » quelques années après, en décalage total par rapport à son entourage qui lui, a « tourné la page ».
Le deuil de l’enfant n’est pas celui de l’adulte
Marie-Madeleine de Kergorlay-Soubrier souligne que l’enfant jeune a sur la mort une conception bien différente de celle de l’adulte. Pour lui, la mort est réversible, pas naturelle, et contagieuse. Avant 7-8 ans, il n’a pas la même notion du temps, il vit dans l’instant. Il accueille donc différemment l’annonce d’un décès. Contrairement à l’adulte, l’enfant ne peut pas réaliser le sens du mot « absence », il vit, il s’adapte à la nouvelle situation.
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Par conséquent, en voulant le protéger, en l’excluant des rites, sa douleur risque d’être enfouie. Mais « plus il vivra les événements, moins il aura mal plus tard », avertit Marie-Madeleine de Kergorlay-Soubrier. Cacher la vérité gêne beaucoup l’apprentissage qu’il doit faire de « vivre avec cette absence définitive ». Sans même parler de dissimuler la vérité, d’aucuns diront, bien intentionnés : « Ne lui parle pas de sa maman, ça va lui faire de la peine ». Alors le silence s’installe. La vie reprend son cours. Et à l’adolescence, « le jeune sent resurgir sa douleur, — restée dedans, sagement, mais en réalité elle le vrille, — et il se sent différent des autres, il voudrait parler de ce mal-être, de cette douleur diffuse et bizarre au creux du cœur », explique la formatrice.
Parler de la personne décédée, gage d’un meilleur équilibre ultérieur
Voilà pourquoi, durant toutes les années qui suivent un décès, il est important de parler de la personne, de la faire vivre avec des détails du quotidien, pour qu’il puisse savoir qui elle était. Il pourra ainsi construire ses souvenirs avec elle. « Ce travail d’accompagnement continu est le gage d’un meilleur équilibre ultérieur. » Cela contribue à diminuer les séquelles consécutives au deuil vécu dans l’enfance, à éviter que la douleur de la perte, qui peut se réveiller régulièrement 20, 30, 40 ans après, ne fasse trop mal. Tout l’enjeu est de réussir à « vivre avec, sans rien gommer de la réalité ».
Créer un recueil de souvenirs
Contrairement à l’adulte qui sait qui il a perdu, le jeune enfant ne sait pas très bien qui était son papa ou sa maman, après si peu d’années de vie commune. Et il n’aura que très peu d’éléments pour amorcer un travail de deuil. C’est pourquoi Marie-Madeleine de Kergorlay-Soubrier engage à créer un recueil de souvenirs. « C’est un outil pour pouvoir se confronter à un deuil auquel l’enfant ne s’est jamais confronté puisqu’il était trop petit. Or pour amorcer ce travail de deuil, l’enfant, l’adolescent, voire l’adulte plus tard, aura besoin de connaître la personne », souligne-t-elle. Ainsi, elle incite l’entourage à coucher sur le papier leurs souvenirs, en décrivant le caractère, les particularités, les goûts de la personne défunte.
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« Il s’agit de rendre vivante cette personne prématurément morte, pour que chacun de ses enfants jeunes, surtout les plus petits, construise « le mur de ses souvenirs », donne une consistance à cette maman ou à ce papa, étoffe les vagues souvenirs qu’il a, très flous, car deux, trois, même cinq, six, sept années de vie commune ne permettent pas ce stockage de la mémoire ». Et de conclure : « C’est lui offrir des trésors pour vivre mieux. Cela lui permettra de se construire un peu plus chaque fois, en sachant d’où il vient, qui est sa maman, son papa, ses racines. Une paix incommunicable adoucira sa peine ».