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Madame Schiappa, vous n’aurez pas notre haine !

La Secrétaire d'Etat Marlène Schiappa, à l'Assemblée nationale, le 12 février 2019.

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Julien Leclercq - publié le 22/02/19
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Dans un entretien accordé à Valeurs actuelles, Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, déclare : « Je ne mets pas sur le même plan La Manif pour tous et les terroristes islamisées, mais je souligne l’existence d’une convergence idéologique », à propos de l’homophobie. Alors que LMPT a annoncé vouloir porter plainte, Marlène Schiappa a présenté ses excuses dans un communiqué.

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Alors que l’expression « pas d’amalgames » fait florès dans les médias depuis la vague d’attentats islamistes sur notre territoire, la fringante secrétaire d’État a commis le pire. Comment, en effet, souligner une « convergence » entre les terroristes et un mouvement citoyen qui a défilé pacifiquement, malgré quelques outrances, pour défendre une vision de la famille traditionnelle ? En creux, nous devinons que Marlène Schiappa établit cette analogie surtout pour dénoncer l’homophobie. Mais qui, dans nos banlieues, pourchasse les homosexuels ou les frappe dans la rue ? Il s’agit à première vue d’une mauvaise foi éhontée, et, plus grave encore, d’un aveuglement face aux périls traversés par notre civilisation. Nous pouvons également avoir une sincère pensée pour les survivants du Bataclan, de l’Hyper Casher ou de Nice qui ont sûrement découvert cette phrase la boule au ventre.

L’art de la mesure

Les faits sont hélas têtus : s’il existe effectivement une certaine homophobie ou, tout du moins, une gêne à l’égard de ce sujet dans les milieux catholiques traditionnels, il n’en demeure pas moins que la plupart des agressions homophobes commises en France ne sont pas le fait d’anciens participants à La Manif pour tous… Dans L’Homme révolté, Albert Camus écrit : « La logique du révolté est… de s’efforcer au langage clair pour ne pas épaissir le mensonge universel », et Marlène Schiappa serait bien inspirée de retrouver l’idéal camusien de mesure et de discernement pour ne pas ajouter au malheur de notre monde. On ne peut pas mettre sur un même pied d’égalité les clichés véhiculés par certains chrétiens et les prêches salafistes qui appellent à l’éradication de l’homosexualité, prêches qui, hélas, sont suivis de graves conséquences.



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La parole de Marlène Schiappa est injuste, car se dessine en creux un rapprochement entre le terrorisme islamique et la doctrine catholique. Assumer la défense d’un modèle familial n’est pas rejeter l’homosexualité dans son ensemble. D’ailleurs, le pape François œuvre pour que les fidèles homosexuels soient accueillis. En recevant Juan Carlos Cruz, victime d’actes pédophiles au Chili, le Saint-Père lui a confié : « Juan Carlos, que vous soyez gay importe peu. Dieu vous a fait ainsi et vous aime ainsi. Cela n’a pas d’importance. Le Pape vous aime ainsi. Vous devez être heureux de ce que vous êtes. » S’il a pu exister ou s’il existe encore des paroles déplacées à leur égard, un minimum d’honnêteté intellectuelle saluerait cette initiative du Pape, au lieu de constamment brocarder l’Église, à grands renforts de punchlines.

Conséquences et inconséquence de la communication

Le rapprochement entre LMPT et les terroristes islamistes est honteux. Alors que le pape François est à l’initiative du sommet de l’Église contre les abus sexuels, que le journaliste Frédéric Martel publie Sodoma, un livre à charge sur l’homosexualité dans les hautes sphères de l’Église, que François Ozon a vu son film Grâce à Dieu autorisé par la justice (ô surprise !), la fenêtre de tir était trop belle pour Marlène Schiappa. La secrétaire d’État semble avoir bien appris sa leçon chez Cyril Hanouna : lorsque l’actualité s’y prête, il faut créer le buzz à tout prix. Et tant pis pour la subtilité ou la prise de hauteur face aux événements : le but est uniquement de truster les premières pages de Google Actualités et d’alimenter un débat sur BFM TV. Mission réussie pour l’idole de la macronie : elle fait les gros titres, son nom est cité sur les plateaux de télévision. Il aura fallu la menace de plainte de La Manif pour tous pour sonner la fin de la récréation. Le ministre présente ses excuses, mais « assume ses propos ».


POPE FRANCIS GENERAL AUDIENCE
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Car la déclaration de Marlène Schiappa participe aussi d’un climat plus complexe qu’il n’y paraît. Lorsqu’un principe coranique fait débat dans notre société (menus halal, voile à l’école, mixité dans les piscines municipales), il est de bon ton de brandir l’étendard de la laïcité face à l’influence néfaste des religions dans leur ensemble. L’Église catholique constitue ainsi le bouc émissaire idéal sur le dos duquel il est facile de faire porter tous les fardeaux. Depuis 1789, l’Église est habituée à faire le dos rond face aux outrances, aux quolibets, et aux attaques déplacées. Alors que l’islam propose un défi majeur à notre société façonnée par le christianisme, les hommes politiques préfèrent cibler l’ensemble des religions par refus de froisser une partie des citoyens de confession musulmane. Il ne s’agit pas de verser dans l’excès inverse (cibler l’ensemble des musulmans), mais bien de répondre fermement à ce défi en nommant les dérives et en assumant notre culture chrétienne comme nos principes intangibles pour garantir le bien commun.

Raser les murs ou vivre en paix ?

Dans un article inspiré paru dans Le Point, « Feu sur les catholiques », Jérôme Cordelier s’interroge en ces termes : « Alors que l’Église traverse l’une des plus graves crises de son histoire contemporaine, les catholiques, qui depuis des siècles ont en grande partie façonné notre culture collective et ont été parmi les premiers à s’engager dans les heures sombres de notre histoire, vont-ils devoir aujourd’hui en France raser les murs ? » Nous serions tentés de lui répondre par l’affirmative. Tant de scandales ternissent l’image de l’Église en ce moment que les catholiques peinent à se faire entendre. La prière, l’adoration, la lecture de la Bible, le recueillement, semblent les seules alternatives à court-terme pour sortir de ce marasme. En revanche, nous devons assumer nos valeurs : oui, nous défendons une vision de la famille traditionnelle, car nous estimons qu’un père et une mère sont un idéal de complémentarité essentiel pour l’enfant. Non, ce n’est pas assimilable à des tirs de mitrailleuse dans une salle de concerts. Non, nous ne voulons pas pourchasser les homosexuels.


Phare; nuit
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Pour tout cela, Marlène Schiappa, vous n’aurez pas notre haine. Nous acceptons vos excuses. Nous pardonnons même votre quête effrénée de reconnaissance médiatique, qui est compréhensible au regard de ce que devient la politique à l’heure des réseaux sociaux. Nous vous invitons simplement à davantage de modération, et vous demandons humblement de ne plus oser ces rapprochements douteux, car ils peuvent être douloureux. Et même si les chrétiens sont censés accepter la souffrance, ils n’en préfèrent pas moins vivre dans la joie et la fraternité.

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