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Christiane Rancé sur le sommet consacré aux abus sexuels : “Il y a des rendez-vous qu’il est interdit de rater”

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Agnès Pinard Legry - publié le 21/02/19
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Alors que s’ouvre ce 21 février au Vatican le sommet sur les abus sexuels, les attentes liées à cette rencontre sont nombreuses. « Il y a des rendez-vous qu’il est interdit de rater », prévient Christiane Rancé, essayiste et auteur du livre « François, un pape parmi les hommes ».

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Annoncé il y a plusieurs mois par le pape François, le sommet sur les abus sexuels s’ouvre au Vatican ce jeudi 21 février. Présidents des conférences épiscopales du monde entier, chefs des Églises orientales, représentants religieux et de la Curie romaine… Au total près de 190 personnes sont attendues. L’enjeu de cette rencontre ? « Il y va d’une question de confiance, de foi : qui confiera son enfant à un ecclésiastique s’il n’est pas assuré que cet individu ne se préoccupera que de la formation spirituelle de l’enfant, et de son attention à la parole évangélique ? », s’interroge Christiane Rancé, essayiste et auteur du livre François, un pape parmi les hommes.

Aleteia : En quoi une telle rencontre est-elle inédite ?
Christiane Rancé : 190 évêques réunis pour travailler sur les moyens de lutter contre les abus sexuels au sein de l’Église, voilà qui ne s’était jamais vu. Pour autant, cette rencontre a plus d’un train de retard sur l’actualité. Les abus sexuels ont eu lieu. Et ils ont lieu depuis très longtemps. Aujourd’hui, les fidèles n’attendent pas qu’on réfléchisse au moyen de lutter contre les abus, ils veulent la Vérité sur ce qui a eu lieu et continue d’avoir lieu, et que des sanctions soient prises. Sans double discours. Sans omission. Ils veulent des procès et des condamnations. Même s’il ne devait rester qu’un prêtre dans l’Église, la solution ne passera que par là. Et si un prêtre pédophile devait être protégé, alors les autres devraient présenter leur démission.


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À quels enjeux doit-elle répondre ?
À la crédibilité tout entière de l’institution et à l’avenir même de l’Église. Autrefois, l’Église jugeait le monde. Peu lui importait que ses papes se conduisent mal, aient femme et enfants. Les fidèles étaient là et c’est elle qui distribuait les anathèmes. Aujourd’hui, l’Église est devenue l’institution qui est jugée par le monde entier, même par ceux qu’elle ne devrait pas concerner — les non-catholiques. Elle est l’épouse du Christ. Et comme la femme de César doit être sans tache, l’épouse de Christ doit être irréprochable. Et à défaut d’être pure, se purifier en permanence. La pureté n’est pas un état, mais une action. D’autant que ses ministres, prêtres et évêques, représentent le Christ sur cette terre. Il y va d’une question de confiance, de foi : qui confiera son enfant à un ecclésiastique s’il n’est pas assuré que cet individu ne se préoccupera que de la formation spirituelle de l’enfant, et de son attention à la parole évangélique ?

Cette rencontre a été organisée à des fins « éducative et pastorale », a expliqué le Père Hans Zollner, psychologue, psychothérapeute, membre de la Commission pontificale pour la protection des mineurs. Ne pensez-vous pas qu’elle risque de décevoir de nombreuses personnes qui en attendent plus ?
Une remarque au préalable : quel besoin d’un psychologue, quelle nécessité d’une psychothérapie, quand on a les Évangiles ? Jésus est un thaumaturge. Sa parole, dès qu’on la ressaisit, suffit pleinement : « Médecin, guéris-toi toi-même » dit-il dans les Évangiles. Plus sérieusement que la psychothérapie, fût-elle de groupe, ce qu’il faut c’est revenir à la racine de ce qui est en jeu : une conversion quotidienne et renouvelée de chaque homme d’Église aux Évangiles, c’est-à-dire à la Bonne Nouvelle de l’annonce du Salut. Que chaque homme de Dieu, ou qui se prétend tel, s’engage sur un chemin de sainteté en vue de ce Salut, comme l’exige Jésus. Si ceci n’est pas en pouvoir du prêtre, alors qu’il ne persévère pas dans un chemin trompeur pour tous. L’une des incompréhensions des victimes de pédophilie, et de leur famille, est que personne n’oblige plus un homme à embrasser la carrière ecclésiastique. C’est un libre choix qu’il est incompréhensible de faire si on ne désire pas répondre à l’appel des Évangiles et à incarner les Béatitudes. Pas plus que l’Église ne peut être une caution, elle ne peut être une excuse. S’il faut, comme le présente le Père Zollner, de l’éducatif et du pastoral sur ce sujet, et rien de plus, rien de plus haut, rien de plus évangélique, alors c’est que la Curie n’a rien compris à ce drame, aux dangers qui la menace, ou ne veut rien comprendre à son ampleur. Et qu’elle ne cherche qu’à sauver sa réputation dans une parodie de mea culpa.



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Que peut-on attendre légitimement de ce sommet ?
Légitimement ? Vérité, et Justice. Sans demi-mesure. Autant dire la démission et le défroquage de tous les coupables, qu’ils l’aient été ou qu’ils le soient par action et par omission de dénonciation. Ensuite, il sera temps de réfléchir à la formation des prêtres.

Certains diocèses ou pays sont-ils plus avancés dans la gestion des affaires d’abus sexuels ?
Je ne sais pas. C’est sans doute une question d’hommes. Dans le monde, il y a eu plusieurs prélats — de nombreux prélats — qui se sont indignés de ces actes, qui ont écrit aux papes précédents. Il y a eu des hommes d’Église qui ont tenté de faire bouger la machine de la Curie. Mais pour ce faire, il faut qu’ils soient relayés en haut lieu, à la tête, et que la tête donne l’exemple. Sur cette question de la pédophilie, la première d’entre toutes des grands travaux de la Curie, le Pape doit faire preuve de courage, de fermeté et de détermination. Et de la sainteté, sans doute jusqu’au martyre.


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Y a-t-il une « méthode François » dans la gestion que fait le Vatican des affaires d’abus sexuels dans l’Église ou s’inscrit-il dans la lignée de ses prédécesseurs ?
Je ne crois pas qu’il y ait une “méthode François”. Le premier pape qui a pris la mesure du problème et qui a décidé de s’attaquer de front à cette question, a été Benoît XVI. La commission créée par François, à la suite de Benoît XVI, ne s’est signalée que par ses lenteurs et sa mauvaise volonté, au point que certains de ses membres, du moins les plus déterminés à faire la vérité, comme Marie Collins, victime elle-même d’actes pédophiles, ont été obligés de démissionner pour alerter le Pape, qui n’a rien fait de plus. Il a fallu que les scandales s’accumulent — États-Unis, Amérique Latine, France — pour qu’enfin François convoque ce sommet. Mais si le Pape, comme il l’a dit dans le film de Wim Wenders, ne se préoccupe que de la Hiérarchie et non de l’Église dans son ensemble, l’Église où sont les fidèles et les victimes, s’il n’agit pas radicalement, alors cette rencontre sera vaine. Il y a des rendez-vous qu’il est interdit de rater.

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