Par intermittence, des voix s’élèvent pour réclamer le retour du corps de sainte Bernadette à Lourdes. Ces demandes, même si elles émanent d’une affection respectable pour la voyante, semblent toutefois en décalage avec le message évangélique transmis par la petite sainte.
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Après le temps du témoignage consécutif aux apparitions, Bernadette a souhaité devenir religieuse. Entre 1858 et 1866, elle continue de vivre à Lourdes. Mais sa notoriété, en la surexposant, rend son existence très pénible. En 1864, sur les recommandations de l’évêque de Nevers, elle entre chez les soeurs de la Charité. Deux ans plus tard, elle quitte pour toujours sa ville natale pour rejoindre la préfecture de la Nièvre et la maison-mère de la communauté religieuse. Là, elle désire se « faire oublier », et suivre son Époux divin.
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Laisser Bernadette à Nevers, c’est d’abord respecter son choix. À une sœur qui lui suggérait de retourner à Lourdes, elle répondit : « Oh ! Non, jamais. » « On fera bien des tentatives pour avoir ma malheureuse carcasse mais en vain », avait-elle ajouté, prophétiquement. De plus, son choix fut dicté par une exigence de vérité. Elle ne supportait pas qu’on la prenne pour une guérisseuse. En quittant Lourdes, elle espérait qu’on ne se trompât pas à son sujet. Et surtout qu’on ne la prît pas pour un objet de curiosité ! En 1957, le pape Pie XII entérina définitivement la position de l’Église en confirmant le maintien de Bernadette à Nevers.
Un choix dicté par la caractéristique pascale de l’Évangile
Mais, dira-t-on, les saints ne s’appartiennent pas. Ils sont donnés à l’Église pour son édification. Soit. Cependant, dans le fait de laisser la châsse de la sainte au couvent Saint-Gildard de Nevers, la volonté personnelle de Bernadette n’est pas le motif déterminant. Notre sainte avait fait voeu d’obéissance. Pareille à Jésus, elle s’était rendue entièrement disponible. Ne s’appartenant plus, elle faisait passer sa volonté propre après celle de l’Esprit Saint. Elle avait en quelque sorte « déprivatisé » sa vie, afin d’appartenir désormais aux autres. Les saints, les plus intérieurs des hommes, sont aussi les plus exposés.
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Aussi, n’est-ce pas du côté du désir de Bernadette qu’il faut chercher la principale raison de la garder à Nevers. Ce choix découle de l’Évangile. Quitter Lourdes a été un arrachement pour elle. Justement, la vie chrétienne est une Pâque, vécue dans le sillage de celle du frère aîné, Jésus. En allant vivre à Nevers, Bernadette rejoignait l’autre rive, celle préfigurant la Résurrection.
À Lourdes, les grands pèlerinages ; à Nevers, l’intimité
« Votre vie est cachée avec le Christ en Dieu » dit saint Paul (Colossiens, 3,3). Laisser notre sainte à Nevers équivaut à préserver ce signe que nos existences se déroulent d’abord sous le regard de Dieu, et en sa compagnie. À Nevers, les pèlerins apprécient cette ambiance recueillie qui règne à Saint-Gildard, comme un Samedi Saint prolongé, en compagnie de la Vierge orante, discrète, attendant la Résurrection. Dans son discret couvent, Bernadette nous parle en toute intimité, mieux qu’elle ne le ferait si de longues processions défilaient devant son corps à Lourdes.
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Mais il n’est pas seulement question du lieu de pèlerinage de la Nièvre. Lourdes, dans sa spiritualité propre, est autant concernée que la ville bourguignonne à ce que la fille du pays demeure à Saint-Gildard. Bernadette a appris en effet de la Vierge l’art de s’effacer devant le Christ. En restant à Nevers, elle laisse toute la place à la Mère de Dieu qui, à son tour, nous désigne son Fils comme étant le but de nos quêtes et de notre voyage.
Non pas que Bernadette soit absente de Lourdes. On peut visiter le cachot où elle vécut. Sa mémoire est omniprésente. Mais de là-haut, nul doute que son souhait le plus ardent soit que nous nous abreuvions prioritairement à la vraie source de la grâce qui est le Christ. Les saints, amis de Dieu, se font un point d’honneur de ne jamais faire écran, tels Jean-Baptiste s’effaçant devant Jésus, à l’Époux de nos âmes.
Bernadette est devenue une sainte à Nevers
Pour qui est allé en pèlerinage à Saint-Gildard, la grâce de prier devant la châsse de la sainte est ineffable. C’est à Nevers que Bernadette est devenue une sainte. C’est là qu’elle doit rester. Comme un témoignage que le Ciel ne se gagne pas (même si le Ciel, à proprement parler, ne « se gagne pas », puisqu’il est un don gratuit) par de spectaculaires apparitions, mais par une vie de service menée sous la douce lumière des Béatitudes.
La supérieure du couvent du Saint-Gildard n’autorisa Bernadette à faire le récit des apparitions devant les soeurs de sa communauté qu’une seule fois. Puis la sainte garda le silence sur les visions jusqu’à la fin de ses jours (sauf exceptions, devant des évêques venus l’interroger). Bernadette, comme tous les saints, désiraient vivre avec le Christ et servir ses frères et soeurs comme lui. Laisser Bernadette à Nevers, c’est témoigner que la vie avec Dieu est plus importante que tous les miracles surnaturels dont nous pourrions être gratifiés. Par la Résurrection, le chrétien est passé sur l’autre rive, où la charité est plus importante que les plus extraordinaires visions.
Enfin, l’argument pourra paraître bien léger, signalons que la première destination « touristique » de la Nièvre est le monastère qui a accueilli notre bergère pyrénéenne. Il serait dommage de priver nos frères nivernais de cet atout précieux de grâce et d’évangélisation. Lourdes est suffisamment riche sur le plan spirituel pour ne pas refuser de faire don du plus illustre de ses enfants à la Bourgogne.