L’Église est sans péché, mais les pécheurs sont dans l’Église. La boue révélée sur le visage de l’Église par le livre militant « Sodoma » appelle les chrétiens à croire davantage dans la sainteté du Corps mystique, malgré les défaillances de ses membres. « Toute âme qui s’abaisse, abaisse l’Église, toute âme qui s’élève, élève l’Église. »
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Encore un pavé dans la mare. Un de plus, dans une actualité déjà chargée et pesante pour l’Église catholique qui n’avait vraiment pas besoin de ça. Pour les fidèles, un motif supplémentaire de dégoût, de colère ou de désarroi. Cette fois, il s’agit d’un livre dont le titre, Sodoma, fleure bon le scandale (c’est là son principal argument de vente). Relayé par une presse grand public complaisante, il prétend nous livrer le secret jusque-là le mieux gardé du Vatican (le bon vieux mythe du complot) : l’existence au sommet de l’Église non pas d’un lobby gay, comme le pape François l’a déjà reconnu, mais d’une homosexualité omniprésente qui atteindrait des proportions inimaginables à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie. Les chiffres avancés vont de 20% à 80% selon les témoins (un tel écart laisse douter de leur fiabilité).
Un livre militant
« Le Vatican, c’est “Fifty Shades of Gay”. » Nos cardinaux et prélats de Curie seraient quasiment tous homosexuels : pratiquants ou pénitents, assumés ou refoulés, latents ou occultes. Plus ils le nieraient, plus ils le seraient. À preuve l’esthétisme de leurs costumes liturgiques, leurs robes ecclésiastiques et leurs calottes roses, soutanes et vieilles dentelles. La condamnation des pratiques homosexuelles ne servirait qu’à donner le change pour éviter d’être démasqué. Ce serait la clef de lecture principale de toutes les grandes décisions du magistère récent de l’Église, l’explication ultime de sa rigidité morale et de son obsession du sexe : rejet de la pilule et du préservatif, misogynie, célibat ecclésiastique…
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L’auteur, Frédéric Martel, ne cache pas son militantisme LGBT. Plusieurs publications à son actif vont dans ce sens : La Longue Marche des gays (2002) ; Le Rose et le Noir, Les Homosexuels en France depuis 1968 (2008) ; Global Gay (2013). Quel est le propos affiché du présent ouvrage ? Non pas de dénoncer ces pratiques en elles-mêmes, qu’il juge légitimes, mais leur hypocrisie. Changer la morale de l’Église pour passer d’un simple état de fait à un état de vie reconnu comme tel. Bref, le « mariage pour tous », jusque pour les clercs et même entre eux.
La marque de l’idéologie
Il serait injuste de mettre en doute le professionnalisme et le souci d’objectivité d’une telle enquête (quatre années dans trente pays, 1500 personnes interrogées dont 41 cardinaux, 52 évêques et 45 nonces) en l’accusant de se confondre avec une quête existentielle un peu obsessionnelle. Néanmoins, on peut s’interroger. Lorsqu’un discours est à la fois totalisant, univoque et infalsifiable, c’est souvent la marque de l’idéologie. Les témoins eux-mêmes peuvent être conduits à grossir un phénomène en décrivant la réalité non pas telle qu’elle est mais telle qu’ils se la projettent en fonction de leur propre existence, par des mécanismes souvent inconscients d’autojustification. Pour un marteau, tout problème finit par ressembler à des clous. N’y a-t-il pas aussi quelque contradiction à affirmer d’un côté le lien étroit entre l’existence de ce « bastion gay » au Vatican et l’omertà sur les affaires de pédophilie, et de l’autre côté nier tout rapport entre pédophilie et homosexualité ? Est-ce bien un hasard de calendrier si ce livre sort juste au moment où les évêques du monde entier sont rassemblés à Rome pour discuter de ces affaires ?
Des péchés vieux comme le monde
Ces réserves étant faites, reste un ensemble de faits établis par un grand nombre de témoignages qu’on ne saurait écarter d’un revers de main. Dans son commentaire du Figaro, Jean-Marie Guénois observe que cela ne fait que confirmer les accusations de Mgr Vigano, notamment quant à l’existence de réseaux œuvrant pour légitimer l’union homosexuelle. Le vaticanologue ne conteste pas leur existence mais leur ampleur et leur influence réelle, l’impact qu’ils auraient pu avoir sur la démission de Benoît XVI et surtout sur le magistère de l’Église qui procède d’une toute autre logique selon une tradition bimillénaire.
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Mieux vaut prendre de la hauteur. Qu’est-ce que tout cela nous apprend ? Au fond, pas grand chose, sinon que partout où il y a de l’homme, il y a de “l’hommerie”. Rien de nouveau sous le soleil. Ces affaires sont vieilles comme le monde. Ou plutôt vieilles comme le péché, car le monde n’a pas été créé ainsi par Dieu à l’origine. C’est le péché qui est vieux tandis que la grâce rajeunit sans cesse. Et l’Église est l’instrument que Dieu s’est choisi pour nous communiquer sa grâce.
L’Église est sainte…
Ne l’oublions pas, l’Église en son mystère est avant tout divine : en son origine, en son fondement, en sa fin et en ses actions salvifiques. Car Dieu seul peut sauver du péché. Certes, l’Église est aussi humaine, pleinement humaine ; peut-être trop humaine parfois. Mais Dieu a aimé cette humanité jusqu’à se revêtir de notre chair. Non par amour de notre péché mais pour que nous en soyons délivrés. Sauvés, régénérés et appelés sans cesse à une vie nouvelle, par la sainte humanité de son Fils et par l’Église qui le répand en tous temps et en tous lieux sous la conduite de son Esprit. Si l’Église peut nous appeler à la sainteté, si elle peut nous communiquer la sainteté de Dieu, c’est qu’elle-même est sainte.
Il nous faut faire cet acte de foi : « Credo… unam, sanctam, catholicam et apostolicam Ecclesiam », « Je crois l’Église une sainte, catholique et apostolique ». Oui, je crois que l’Église est sainte. Elle l’est. C’est un article de foi : un profond mystère que nous ne saurons jamais reconnaître et comprendre que dans la lumière de la foi. Et la foi nous engage à le croire.
… mais ses membres sont pécheurs
L’Église est sainte, mais faite de pécheurs. Car les pécheurs sont dans l’Église : elle est même faite pour eux. Non pour qu’ils restent pécheurs mais pour qu’ils deviennent saints. L’Église elle-même n’a pas de péchés, car le Christ a voulu son Épouse sainte et immaculée. Elle l’est pleinement au Ciel en ses membres bienheureux. Mais l’Église du ciel et l’Église de la Terre ne forment qu’une seule Église. L’Époux et l’Épouse ne forment qu’une seule chair : l’Église qui est le Corps du Christ. Ses membres sont pécheurs, mais en eux, le Christ ne pèche pas. L’Église sainte est toujours déformée, et toujours à réformer (semper deformata, semper reformanda) mais en ses membres. Elle doit sans cesse se purifier : non pas de ses péchés, car elle est sainte, mais des péchés de ses membres : faire repentance et pénitence pour eux pour obtenir leur conversion. Et cette Église qui doit faire pénitence, c’est nous.
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Toute âme qui s’abaisse par le péché abaisse le monde et abaisse l’Église. Toute âme qui s’élève par la grâce élève le monde et élève l’Église. Que la boue que nous découvrons sur le visage de l’Église en raison de ses membres soit pour nous l’occasion d’un acte de foi, d’une conversion profonde dans l’espérance, et d’une réparation dans la communion de charité du Corps mystique. « Pleurez pour vos péchés. Et si vous n’en avez pas, pleurez pour ceux des autres. »