Faire de la lecture des Évangiles le lieu d’une rencontre avec le Christ, c’est toute l’ambition de la prière à l’école de saint Ignace. Le fondateur de la Compagnie de Jésus a ainsi développé une méthode de lecture et de contemplation qui permette de favoriser cette rencontre et ce cœur à cœur avec le Christ. C’est cette méthode que nous fait découvrir le jésuite Marc Rastoin dans son ouvrage “Entrer dans l’Évangile avec saint Ignace”.
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Le père Marc Rastoin est un bibliste jésuite enseignant dans le centre international de formation jésuite de Paris, le Centre Sèvres. Mais il s’est aussi beaucoup intéressé aux premières années de la Compagnie de Jésus et connaît très bien la personnalité et la spiritualité de saint Ignace. Dans une émission La foi prise au mot, il montrait l’enracinement d’Ignace dans le renouveau spirituel en Espagne de la fin du XVe et début XVIe siècle et le rôle qu’y jouèrent les chrétiens d’origine juive.
En tant qu’exégète du Nouveau Testament, il a également beaucoup étudié les évangiles. C’est donc la personne toute indiquée pour nous apprendre comment prier l’Évangile à l’école de saint Ignace, comme il le fait dans un ouvrage intitulé Entrer dans l’Évangile avec saint Ignace.
L’imagination au service de la foi
Malgré l’omniprésence des images dans notre civilisation, il est fréquent que les chrétiens aient une approche très cérébrale des textes évangéliques, ce qui lui enlève beaucoup de sa puissance suggestive. Il est donc important d’arriver, grâce à l’imagination, à redonner au texte toute sa puissance. Chaque passage d’évangile est une histoire à se remémorer, à revivre aux côtés du Christ. C’est l’imagination qui permet de faire du texte un chemin vivant à la rencontre du Christ. Ignace invite à se représenter dans la scène auprès du Christ, imaginer les bruits de la foule autour de Jésus, visualiser les uns et les autres, s’imprégner de chaque détail décrit par l’évangéliste. Être tout d’un coup saisi par un détail du texte que l’on n’avait jamais vu avant : par exemple pourquoi et comment Jésus se met à l’écart pour guérir un malade (Mc 7, 33). C’est en approchant le texte avec nos cinq sens que l’on peut s’y immerger totalement, comme dans la mer, pour se tenir au plus près du Christ.
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Une prière en trois étapes
Le père Marc Rastoin reprend le début des Exercices spirituels en le traduisant pour ainsi dire dans les mots d’aujourd’hui. Ignace invite à distinguer trois étapes proprement dites pour entrer dans l’Évangile. Pour que la prière soit vraiment vécue, il est important d’avoir fixé une durée à l’avance, avec dans la mesure du possible un minimum d’un quart d’heure pour pouvoir vivre la contemplation. C’est une façon de dire, à soi-même et à Dieu, son sérieux et de lui donner notre bien le plus précieux : le temps.
Tout d’abord, avec un grand et beau signe de croix, on commence par se mettre en présence de Dieu. On peut prononcer quelques mots d’introduction qui disent notre volonté de vivre ce moment de prière complètement. Comme le dit le père Marc Rastoin : « Nous offrons notre être, corps et âme, au souffle de Dieu ».
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Dans un deuxième temps, on lit le texte évangélique proprement dit en ayant bien en tête l’importance de l’imagination pour faire résonner les mots au cœur de notre vie. Il ne faut pas limiter notre rapport au texte à celui de notre seule intelligence. Il s’agit de laisser peu à peu notre intelligence, qui pose des questions légitimes, laisser la place à une approche plus silencieuse et réceptive : « Il peut arriver et il est même souhaitable qu’à un moment nous puissions cesser de faire jouer notre intelligence et que nous puissions entrer dans la contemplation. »
Enfin, dans un troisième temps, il faut oser dire au Seigneur ce que nous attendons de lui dans notre vie « ici et maintenant ». C’est une demande de grâce en même temps qu’un engagement à la coopération et à l’action avec Dieu. C’est en effet une spécificité ignacienne que d’être toujours orienté vers le discernement, la décision et l’action au quotidien. La demande de grâce permet ainsi d’orienter la prière dans cette dimension essentielle. Jésus nous invite à demander avec confiance et lui-même prier dans les moments importants de sa vie. Il faut bien sûr se souvenir que la démarche est pédagogique et que peu à peu ces étapes deviennent pour ainsi dire naturelles.
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C’est toute notre vie qui vient nous déranger dans la prière
Il est évident que la contemplation de l’évangile est parfois difficile. Le temps peut manquer, les activités s’enchaîner sans répit, et l’on imagine alors la prière comme un moment impossible. L’essentiel est d’arriver à percevoir que c’est toute notre vie en réalité qui entraîne ces distractions qui semblent éloigner de l’évangile. Pourtant, la prière a justement pour ambition de relier cette vie, notre vie, au Christ. Il ne faut donc pas refuser ces pensées ou s’irriter contre soi-même parce que la vie surgit dans ces moments de calme, mais au contraire, leur donner plus de profondeur, les laisser venir et les présenter devant le Christ. Quitte à revenir paisiblement au texte après avoir déposé l’intention ou le souci devant lui. En effet, une véritable prière se nourrit de la vie et notre vie en retour se nourrit de la prière. Nos relations aux autres, nos obligations, les services à rendre, tout peut venir habiter notre prière et quand on imagine le Christ devant nous, c’est nous, avec toute notre vie, qui allons à sa rencontre.
L’ouvrage du père Marc Rastoin est une bonne introduction à cette manière de prier. En effet, après avoir présenté cette méthode, il nous accompagne avec des indications sur certains évangiles du dimanche, suivant les différentes périodes du temps liturgique, qui sont des points pour aider à entrer dans une prière plus contemplative.
Entrer dans l’Évangile avec saint Ignace, par Marc Rastoin, Salvator, septembre 2017, 17 euros.
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