Marcheurs “pour le climat”, Gilets jaunes ou marcheurs pour la vie, les Français défilent chacun pour leur cause en ordre dispersé, quand ils ne se détestent pas cordialement. La lutte pour l’environnement, pour la justice sociale et pour le respect de la vie ne devrait-elle pas participer du même mouvement ?
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Depuis le mouvement des Gilets jaunes et ses mobilisations hebdomadaires à Paris et en province, on pouvait avoir le sentiment que celui-ci battait seul le pavé de nos rues. Ce serait mal connaître les Français et leur goût pour les manifestations. Depuis quinze jours, ils sont concurrencés par les Foulards rouges et surtout, dès la rentrée de septembre, ils ont été devancés par la Marche pour le Climat, sans compter la Marche pour la Vie de la semaine précédente.
Gilets jaunes et Marcheurs pour le Climat ne sont sans doute pas de la même obédience car, selon la formule de Nicolas Hulot, les premiers se sentent concernés par les fins de mois là où les seconds sont hantés par la fin du monde. Pour autant, on aurait bien tort de les opposer car tous, à leur manière, se préoccupent de la transition écologique et de la transition solidaire, avec une répartition plus ou moins différente entre les deux en fonction de la sensibilité et de la situation de chacun.
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Défendre la biodiversité
Après un beau succès du mouvement des Gilets jaunes, il semble que celui-ci soit amené à connaître un reflux ou du moins à s’exprimer différemment entre sa participation au débat national dont il est à l’origine et la tentation électorale de certains de ses membres à l’approche du scrutin européen.
Bonne occasion pour la Marche pour le Climat de tenter de reprendre le dessus. C’est justement Nicolas Hulot qui est indirectement à l’origine de cette initiative. Quand il démissionne du gouvernement le 29 août 2018, il exprime sa déception en ces termes : “Est-ce qu’une société structurée descend dans la rue pour défendre la biodiversité ?” Le prenant au mot, plusieurs associations se sont spontanément créées ou mobilisées dont la Marche pour le Climat initiée par Maxime Lelong. L’ancien ministre ayant également indiqué que “le réchauffement climatique, c’est le pire défi que l’humanité n’a jamais rencontré”, est publié quelques jours plus tard un appel de 200 personnalités conduites par l’actrice Juliette Binoche et l’astrophysicien Aurélien Barrau intitulé “Le plus grand défi de l’histoire de l’humanité”.
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Marcher contre la catastrophe
Dès lors, les Marches pour le Climat se sont enchaînées à raison d’une par mois environ, avec un succès plus ou moins grand. Pour la première édition, le 8 septembre, son organisateur s’était exprimé en ces termes à l’issue de la manifestation : “La réaction que j’ai eue quand j’ai entendu la démission de Nicolas Hulot, c’est un instinct de survie qui s’est réveillé. Je me suis dit : on court à la catastrophe et on est tous concerné.” Le 13 octobre suivant, les manifestants ont défilé à Paris sous une température de plus de 27°C, particulièrement élevée pour cette période de l’année, semblant ainsi donner raison à ses concepteurs. Le 8 décembre, survenant le même jour que l’acte IV des Gilets jaunes, les deux manifestations ont conduit à des rapprochements en quelques endroits sans pour autant conduire à une “convergence des luttes”. Le 27 janvier, ironie de l’histoire, la Marche pour le Climat a occupé la Place de la République à Paris dont avaient été délogés, la veille au soir, les Gilets jaunes qui pensaient y renouveler la Nuit debout du printemps 2016 contre la loi travail. Déjà, à l’époque, la limite de la “convergence des luttes” avait été pointée du doigt quand les Veilleurs avaient été chassés manu militari de la place par ceux qui entendaient la monopoliser.
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Écologie humaine
À quelques jours près, la Marche pour le Climat aurait pu rencontrer la Marche pour la Vie qui s’était tenue le 20 janvier précédent, sous l’égide des opposants à l’avortement et à l’euthanasie avec, cette année, un accent mis sur la clause de conscience des personnels soignants. Il n’est pas sûr cependant que, là encore, la “convergence des luttes” aurait fonctionné. C’est dommage car, poursuivant son propos à l’issue de la Marche pour le Climat du 8 septembre, Maxime Lelong avait fait cette remarque particulièrement lucide : “Ce n’est pas pour la planète qu’on a marché. La planète va nous survivre comme elle a survécu aux dinosaures. C’est l’espèce humaine qui est en danger.”
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Or, qui peut croire que seul le réchauffement climatique menacerait l’humanité ? Pour son avenir, la lutte pour l’environnement, la lutte pour la justice sociale et la lutte pour le respect de la vie sont bien des luttes qui appellent à une marche convergente, celle pour une écologie humaine et pour le bien commun.