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« En ce temps de l’Épiphanie, on continue à “tirer les rois” pour se parer de leurs couronnes. Pendant près de deux millénaires, les artistes ont illustré avec amour cette histoire légendaire et l’ont ancrée dans la mémoire de nos imaginaires et de nos cœurs, où se respire leur vérité. »
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La gloire des Mages aux pieds du Roi des rois. L’Épiphanie est le déploiement du Jour de Dieu. Le Rédempteur, sans rien abandonner de son humilité extrême, y resplendit en sa gloire. Pour nous, fils de l’Occident, c’est le jour où les Mages, venus d’Orient, vont déposer aux pieds du Sauveur l’or de sa royauté, l’encens de sa divinité, la myrrhe de son ensevelissement. Ces Mages, nous dit-on, de manière à mon sens lourdement insistante, ne sont pas des rois, mais des savants, consulteurs des astres. C’est vrai, assurément, mais cette insistance idéologique à leur refuser la royauté fait litière de ce que des siècles de piété, de beauté, ont perçu de leur gloire, ainsi d’ailleurs que de textes scripturaires splendides, tels que la Parole de Dieu dans les écrits prophétiques, ceux d’Isaïe en particulier au chapitre 60, et des psaumes qui, tel le psaume 72, soulignent que les rois viendront, de Tharsis et des îles, de Cheba et de Seba, mais au vrai du monde entier, apporter au Roi des rois leurs trésors.
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C’est en ce jour non seulement la science du monde, mais aussi ses éphémères royautés, qui, par leurs représentants, viennent adorer le Roi des rois, dont « le royaume n’est pas de ce monde », comme il le dira dans trente ans au préfet romain qui le juge et le livre en pâture à la haine des siens.
En ce temps de l’Épiphanie, même si l’on ne sait plus bien ce que l’on fait, on continue à « tirer les rois », à se parer de leurs couronnes. Pendant près de deux millénaires, les artistes — presque tous en vérité ! — ont illustré avec amour cette histoire légendaire et l’ont de ce fait ancrée dans la mémoire de nos imaginaires et de nos cœurs, où se respire leur vérité. Benozzo Gozzoli, à la chapelle des Mages de Florence, le Tintoret, à la Scuola di San Rocco de Venise, pour ne citer que deux îles dans l’immense archipel du génie, l’a chantée. Puissiez-vous, lecteur, vous en émerveiller de nouveau par le regard.
Le point de ralliement
J’ai retenu ici, pour vous, un double exemple illustrant dans l’art la gloire des Mages ; il appartient aux Très riches Heures du duc de Berry. Le premier est celui de leur rencontre, le second celui de leur adoration. Voici d’abord La Rencontre des Mages.
Vers le point de ralliement, au cœur d’un paysage enchanteur, sous le ciel d’azur et l’étoile mystérieuse apparue aux observateurs du cosmos — la comète de Halley, disent certains, ayant brillé en ce temps-là ! —, les trois Rois Mages se rejoignent. Ils viennent, non seulement de l’Orient, mais de tous les points du monde connu en ce XVe siècle. Où qu’ils eussent été, l’étoile leur apparut à tous au même instant. Par elle et par eux, c’est à l’univers entier que Dieu fait signe. Les voici donc tous trois, même si le texte sacré ne dit rien de leur nombre, mais ce nombre a un sens : trois parties du monde, trois âges de la vie ! Tout est symbole en ce lieu, tout donc est vérité, que seul le symbole permet de percevoir en la clarté de son mystère.
Montjoie : Jérusalem est à Paris !
À ces trois saints hérauts du Salut offert à l’univers entier on a donné des noms, Melchior, Gaspard et Balthazar, que les chants populaires ont repris au cours des âges et que murmurent encore les plus anciens parmi nous. Melchior, le plus près de nous et le plus âgé des trois, porte un vêtement impérial, celui-là même de l’empereur Manuel II de Constantinople, qu’évoqua Benoît XVI à Ratisbonne. En face de lui, l’homme entre deux âges, (Gaspard ou Balthazar, on ne sait trop), précédé de guépards, a tout l’air d’un sultan. À droite au fond, le troisième (Balthazar ou Gaspard), le plus jeune en tout cas, à la tête de son escorte africaine, a reçu les traits qu’une médaille antique donne à Constantin. Oriflammes claquant au vent, vêtements bleus, roses, jaunes d’or rivalisant de splendeur, la terre entière s’est donné rendez-vous en ce lieu pour aller, à la belle étoile, adorer l’Enfant-Dieu. Et ce lieu a un nom splendide : Montjoie ! Montjoie, cri de ralliement des soldats chrétiens allant au combat, mais surtout lieu d’où, à l’heure où se termine le pèlerinage des chevaliers du Christ, se découvre à leurs yeux émerveillés la Ville Sainte entre toutes : Jérusalem !
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Or la Jérusalem que désigne le beau pinacle du Montjoie de ce lieu, c’est Paris ! Reconnaissez-vous, lecteur, à l’arrière-plan de l’image, la cathédrale Notre-Dame, la colline de Montmartre, la flèche de la Sainte-Chapelle, et plus loin sans doute ce que vous avez depuis peu croisé : le donjon de Montlhéry ? Qui soutiendra que la France, que Paris, ne sont pas pays chrétien, ville chrétienne, ville, pays chéris du Christ ?
Devant Bourges, enveloppée d’azur
Qui soutiendra que Bourges lui est moins cher ? Voici la capitale de Jean, duc de Berry, qui commanda ces Heures aux frères Limbourg, qui, par elles, haussèrent l’art français du temps au même sommet que ceux d’Italie ou des Flandres ? En cette nouvelle page du diptyque, voici que les Mages adorent l’Enfant-Dieu.
Au seuil de la cabane à claire-voie, au toit percé où elle demeure avec Joseph, couvert d’une coiffe jaune comme un Juif de son temps, devant les dames de sa Cour et, plus loin, les bergers, assise, enveloppée d’azur, elle leur présente son Fils, qu’ils adorent, le plus vieux, à genoux, baisant ses pieds et recevant sa gracieuse bénédiction, le second prostré devant lui, le troisième, genou fléchi, lui offrant l’encens de sa divinité et le regardant sans nulle crainte. Les escortes, derrière les trois rois découronnés, demeurent immobiles, d’autres bergers gardent leurs moutons dans les prés, l’insigne cathédrale de Bourges et la fameuse tour de la cité s’inscrivent sur le ciel à l’horizon. Au sommet de l’azur, parmi les anges d’or, musiciens et chanteurs, qui forment une corolle à l’étoile dont les rayons transpercent la chaumière divine, la Paix promise au monde paisiblement respire.
Le mystère de la théophanie
Permettez-moi, lecteur, avant de vous quitter, de vous dire encore un mot, le plus beau peut-être, sur le mystère de l’Épiphanie. Nos frères d’Orient ne l’appellent pas ainsi. Ils la nomment la « Théophanie ».
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La manifestation de Dieu ! Ils choisissent pour la fêter le moment où le ciel s’entrouvre lors du Baptême de son Fils, et où la voix du Père retentit. « Voici, dit-il, mon Fils, mon bien-aimé ! Écoutez-le ! » Avec Piero della Francesca, lors d’une tentative de réunir enfin les deux Églises d’Orient et d’Occident, lors du Concile de Florence, sous les ailes déployées de l’Esprit-Saint planant dans le Ciel apaisé, écoutons-Le !
Écoutons-Le enfin, après l’adoration des Mages et le Baptême du Christ, dans le troisième aspect de la manifestation épiphanique, théophanique de sa munificence divine, en suivant le conseil de sa propre Mère et la nôtre, apparemment éconduite (« Femme, que me veux-tu ? Mon Heure n’est pas encore venue »). Elle nous dit, à nous aussi, en son Nom à Lui : « Faites tout ce qu’il vous dira ». Demandons au Giotto des Noces de Cana de nous faire entendre, écouter, suivre le conseil de Marie.
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