Christopher Gibert n’a que 25 ans et déjà une belle carrière dans la musique sacrée. Avec son chœur toulousain, il offre une œuvre dans la lignée de Francis Poulenc : “Stabat Mater”.
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En écoutant le premier album du chœur de chambre Dulci Jubilo, dirigé par Christopher Gibert, l’on pense immédiatement aux vers du recueil Chant éloigné de Rainer-Maria Rilke, lui-même passionné de musique. “La rencontre extrême de l’art, n’est-ce point le plus doux, et la musique, ce dernier regard que nous jetons nous-mêmes vers nous. C’est en nous quittant que le Dieu consent à notre élan le plus pur ; et nous restons pauvres, mais devinant la vie de cet astre futur”. Le Stabat Mater Dolorosa est l’expression par excellence de l’espérance dans la douleur et du surpassement de la pauvreté humaine.
Un parcours musical précoce
À tout juste 15 ans, assis au clavier de l’orgue de Rocamadour, l’abbé Ronan de Gouvello lui lance : “Vas-y, joue !”. Dix ans plus tard, Christopher Gibert est toujours l’organiste officiel du sanctuaire marial où il a fait ses premières armes et surtout découvert son intérêt pour la composition de musique sacrée. Formé au conservatoire de Toulouse en classe d’orgue et en écriture musicale, Christopher Gibert s’est perfectionné pour donner tout son potentiel. “Il s’avère que ma musique a plu et on m’a demandé d’en composer d’autres”, raconte-t-il. “Cela fait à peu près cinq ans maintenant que je compose des œuvres.”
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En 2015, le Festival de Rocamadour lui commande les pièces qui composent cet album. Le thème du Stabat Mater s’impose alors très vite à lui. “Il me paraissait intéressant de clore cette première partie de vie de compositeur avec ces pièces liées, à la fois à Rocamadour, et à à l’histoire de l’ensemble toulousain Dulci Jubilo.” Intégralement composé par lui, il s’est entouré pour l’occasion de l’organiste Thomas Ospital, la soprano Clémence Garcia et le baryton Philippe Estèphe.
Des sonorités mariales
Des émotions variées habitent les titres du disque, ce dont on peut s’étonner au regard de la thématique. “Je me suis beaucoup inspiré de l’approche que Francis Poulenc a eu de ce texte”, explique le compositeur. “Il était très lié à Rocamadour et y a même retrouvé la foi. Il y a composé ses litanies à la Vierge Noire lors d’un choc spirituel survenu en 1936. Le Festival m’a d’ailleurs demandé de composer ces pièces à sa mémoire, ce qui explique les nombreuses références. La musique de Poulenc sortait de son for intérieur, il aimait mettre les émotions au premier plan.” La musique y est très contrastée en raison “de sonorités à la fois très sombres, très dures, un peu déchiré et déchirant, et d’un autre côté quelque chose de très réconfortant qui exprime la figure mariale dans sa douceur permanente, même dans les moments les plus durs.”
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Le sillage musical inspiré de Poulenc n’a pas empêché Christopher Gibert d’y apporter une touche personnelle. “Cela me paraissait intéressant de mettre en relief certains passages.” Bien que croyant, il “n’aborde pas la musique par ce prisme là. Elle l’aide davantage dans le travail préparatif, surtout lorsqu’il s’agit d’un texte de sacré. “Ma foi permet une extériorisation musicale plus nourrie”, conclut-il.
La musique sacrée a-t-elle toujours une place aujourd’hui ?
Aller écouter un chœur de chambre n’est pas dans les habitudes de tous. Plutôt destiné à un public averti, voire âgé, celui-ci peut se faire rare. Et pourtant, la musique sacrée représente près de 80% du répertoire musical dans le monde. “C’est énorme”, souligne le chef de chœur, qui se soucie peu des attentes du public pour préférer créer sans mesures. “Je considère toujours que la complexité ne doit pas être une barrière et je me suis toujours refusé à simplifier pour que cela plaise. La musique existe à partir du moment où elle a quelque chose à dire”. Car si la musique sacrée a très peu de place dans le paysage musical français, c’est “aussi parce qu’il existe peu de compositeurs dans ce domaine et, de manière générale, la musique vocale est largement délaissée en France”, même si “des éditeurs prennent le risque de la diffuser pour tenter de réconcilier le public avec ce genre-là”.
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À Paris, le jeune compositeur dirige un jeune chœur à l’église Saint-Eustache, plusieurs week-ends dans l’année, et ouvert à des chanteurs de tous niveaux. En choisissant d’être au cœur de la capitale, il espère “réintégrer en intelligence ce répertoire au sein de la liturgie et lui redonner toute sa place”. En attendant, le chœur, qui a sorti son album le 23 novembre dernier, se tient disponible pour se représenter en concert là où la musique sacrée n’a pas vibré depuis longtemps !