La présentation du projet de loi sur la « PMA sans père » est reportée du fait de nombreux grains de sable qui surgissent. L’un des plus importants semble être la question de l’anonymat des donneurs de sperme qui pourrait être supprimé. Sujet hautement sensible que celui de l’anonymat dans la filiation. Prenons garde à ne pas tomber dans un dogmatisme absolu dans ce domaine qui toucherait aussi l’accouchement sous X.Sur la PMA, on a noté les propos alambiqués d’Agnès Buzyn le 5 novembre dernier sur LCP : « La façon dont on va écrire la filiation va bien acter qu’il y a un père. Le père biologique existe évidemment, et si nous allons vers l’accès aux origines des enfants, si c’est voté […] cela voudra dire que l’enfant pourra accéder à cette figure paternelle ». Ce qui signifie qu’à l’âge de 18 ans, l’enfant pourrait prendre connaissance des données identifiantes du donneur de sperme.
Le risque d’un marché associé
La levée de l’anonymat pour les dons de sperme (actes qui n’ont rien d’anodin, rappelons-le) entraînerait inéluctablement une baisse de ceux-ci. Or, ils sont à peine suffisants dans la situation actuelle et les besoins de gamètes risquent d’exploser si chaque couple de femmes peut faire valoir « son droit à l’enfant ». Avec comme conséquence immédiate l’achat de sperme à l’étranger, puis l’instauration d’un marché associé.
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Si le législateur envisage cette solution à son corps défendant, c’est à cause de deux éléments pointés dans le dernier rapport du Conseil d’État. D’une part, la France a signé des engagements internationaux en ce sens relatifs à « l’accès aux origines ». D’autre part, avec les progrès de la génomique, il n’est pas impossible de retrouver des descendants de son géniteur et donc le géniteur lui-même. Il semble que la levée de l’anonymat serait un moindre mal car elle prendrait en considération le besoin qu’a un grand adolescent de pouvoir accéder à ses origines pour se construire. Pour autant, cela mettrait en évidence les contradictions internes à cette PMA (on aurait une double filiation maternelle et en plus une filiation paternelle).
Quid de l’accouchement sous X ?
Cependant, certains voudraient – sous prétexte de transparence – en profiter pour bouleverser le fragile édifice juridique de l’accouchement sous X. Ils pointent du doigt la singularité française visant à préserver l’anonymat des mères voulant confier leur enfant à l’adoption. Certes, dans la plupart des pays, cet anonymat n’est pas explicité en tant que tel, mais quand une femme laisse son enfant dans un hôpital, on n’exige pas qu’elle donne son identité exacte. Lancer une enquête de type policier pour chaque nouveau-né confié à l’adoption dans une maternité conduirait à des drames. Il faut savoir que les femmes qui sont réduites à cette extrémité sont dans une situation de détresse absolue et qu’elles peuvent être tentées par un abandon sauvage (ou dans certains cas, hélas, par un infanticide). Si, malgré la possibilité de rétractation (possible pendant une période variable selon les pays), elles poursuivent dans cette voie, c’est qu’il leur est impossible d’envisager à ce moment-là que leur progéniture puisse revenir dans leur vie une vingtaine d’années après leur grossesse.
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Il faut avoir les mains qui tremblent avant de modifier des dispositions législatives qui ont autant d’implications vitales. Une suppression de l’accouchement anonyme aurait sans doute de très graves conséquences, et amalgamer ce sujet avec celui de la PMA serait absurde.
Pour revenir à la question du don de sperme et de son anonymat, il est clair que ce sujet ne concerne pas seulement des femmes « victimes de discrimination », mais toute la société. Surtout, il est totalement imbriqué avec le droit de la filiation, lequel aurait besoin d’être figé pour une longue période alors qu’il a été gravement malmené depuis 30 ans. En regardant ces questions, on voit que la procréation est un mystère qui dépasse les petits calculs humains : respectons ce mystère si nous voulons rester hommes.